Les autorités thaïlandaises ont renforcé la sécurité dans la capitale, mardi, alors que des manifestations s’annoncent pour appeler à la démission du Premier ministre qui arrive à huit ans de mandat
La question sur toutes les lèvres en Thaïlande ces jours-ci est : "En est-ce fini de Prayuth ou pas ?".
Le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-O-Cha est arrivée au bout de la limite des huit années d’exercice du pouvoir que la Constitution lui accorde et donc doit quitter ses fonctions, estime en effet l’opposition qui a demandé ces jours-ci à la Cour constitutionnelle de statuer.
Selon un sondage récent, près des deux tiers des Thaïlandais interrogés partagent le même avis, à savoir que l’ancien chef de l’armée, devenu Premier ministre le 24 août 2014 après avoir pris le pouvoir lors d'un coup d'État il y a huit ans, devrait démissionner ce mercredi, comme le prévoit en principe la Constitution de 2017 rédigée par sa propre junte.
Plus que l'argument légal
L’article 158 de la Constitution dit en effet que le Premier ministre ne peut rester en fonction plus de huit ans au total, qu'il s’agisse ou non de mandats consécutifs. La même Constitution garantissait au moment de sa promulgation la continuité du gouvernement alors en place, reconnaissant de fait le premier mandat de Prayuth Chan-O-Cha, lequel a été ensuite reconduit dans ses fonctions à l’issue des élections de 2019.
Mais les partisans du Premier ministre soutiennent que le décompte doit démarrer au plus tôt en 2017, lors du changement de Constitution, voire en 2019, si l’on "oublie" la période de régime militaire.
La cour Constitutionnelle, qui a reçu lundi la demande déposée au Parlement par le parti Pheu Thai, devrait en principe faire savoir mercredi si elle accepte ou non le dossier. Si oui, il lui faudrait encore plusieurs jours ou semaines, pour donner un jugement.
La cour ayant toujours, ces 15 dernières années, statué en faveur de l’establishment militaro-royaliste dans les moments clés, le camp populiste ne s'attend pas vraiment à obtenir gain de cause sur l'argument légal. Toutefois, plusieurs observateurs soulignent que le Premier ministre n’étant plus tout à fait en odeur de sainteté aux yeux du palais ni de son propre parti, cela pourrait jouer en faveur des attentes de l’opposition.
Manifs en gestation
En attendant la décision, les esprits s’échauffent et des petits groupes de manifestants se rassemblent depuis quelques jours dans Bangkok pour demander la démission du chef du gouvernement.
Dimanche, la police a commencé à boucler les zones autour la Maison du gouvernement où se trouve le bureau du Premier ministre, dans le centre de Bangkok, et mardi, des barricades étaient montées avec des conteneurs.
La Thaïlande, dont l’histoire récente a été rythmée de troubles politiques intenses, a connu ces seize dernières années pas moins de deux coups d'État militaires, trois Premier ministres évincés par la justice, et une série de manifestations violentes provoquées tour à tour par les deux camps, les uns dénonçant l’implication de l’armée dans la politique du pays, les autres l’invoquant.
Si Prayuth devait être demis de ses fonctions avant les élections législatives en mai prochain, il serait en principe remplacé par son vice-Premier ministre, Prawit Wongsuwon, lui aussi ancien chef de l’armée et considéré comme bien plus influent que Prayuth.