En 1985, un chalutier est secoué par deux violentes explosions dans le port d’Auckland. Le Rainbow Warrior, appartenant à l’organisation Greenpeace, est éventré par les bombes posées par les services secrets français. Cette affaire, qui sera élucidée quelques mois plus tard, va devenir le plus grand conflit entre les deux nations.
Que s’est-il passé ?
Le 10 juillet 1985, le Rainbow Warrior qui navigue depuis huit ans pour protéger la nature, devient une scène de crime inattendue. En effet, les services secrets français ont déposé deux bombes sur le chalutier de Greenpeace afin de l’empêcher de perturber les essais nucléaires dans le Pacifique. Seulement voilà, un homme, Fernando Pereira, photographe de l’ONG, perd la vie lors de l’explosion. Ce qui devait être un simple sabotage pour les dissuader de corrompre le projet français, devient un véritable attentat, créant ainsi de nombreuses tensions, tant économiques que politiques.
Que s’est-il passé cette nuit-là ? Le navire était à quai dans le port d’Auckland et s’apprêtait à appareiller pour Mururoa afin de protester contre les essais nucléaires qui devaient s’y tenir. Il est près de minuit. Le capitaine, Pete Willcox, et de nombreux autres membres d'équipage sont déjà endormis. Quelques autres, dont le photographe Fernando Pereira, discutent encore autour de la table du réfectoire, partageant entre eux les deux dernières bouteilles de bière. Soudain, les lumières s'éteignent dans un fracas assourdissant. Les verres des carreaux se brisent puis des litres d’eau envahissent brusquement l’espace. S’en suit une deuxième explosion. Ceux qui sont déjà sur le pont grimpent l'échelle ou saute en sécurité sur le quai. En quelques minutes, ils voient les mâts d'acier du navire s'incliner vers eux. Fernando Pereira n’a pas survécu, il a été emporté par le torrent d’eau et est mort noyé. Le photographe venait de fêter son 35ème anniversaire. « Je suis resté là, à regarder le bateau avec toutes ces bulles qui en sortaient », se souvient plus tard le capitaine Pete Willcox, qui sur le coup, pensait que Pereira n’était pas à bord lors de l’attaque. Les agents des services secrets français avaient attaché deux paquets d'explosifs, l'un par l'hélice, l'autre sur le mur extérieur de la salle des machines.
Les révélations
Les médias internationaux s’emparent de l’affaire et le gouvernement français est bientôt impliqué dans un réel scandale politique. Tous les hauts hommes d’Etat, que ce soit Charles Hernu, Laurent Fabius ou encore François Mitterrand, respectivement Ministre de la Défense, Premier Ministre et Président, nient toute responsabilité dans cet attentat. En parallèle, la police néo-zélandaise interpelle les agents de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (D.G.S.E.), le commandant Alain Mafart et la capitaine Dominique Prieur. Le couple est condamné à dix ans de réclusion le 22 novembre 1985. Dès le mois d’août, François Mitterrand craignant que l’implication française soit révélée, demande à Laurent Fabius d’ordonner une enquête. Ainsi le conseiller d’Etat en charge de l’affaire établit un rapport où il dédouane totalement les services secrets. Mais l’histoire de ne s’arrête pas là, dans un article paru le 17 septembre de la même année, Le Monde assure qu’une troisième équipe de militaires français serait responsable du naufrage. Après ces révélations Charles Hernu démissionne et le chef d’état-major des armées, l’amiral Lacoste est limogé.
A l’automne 1985, la France reconnait publiquement les faits et parle de « cruelle vérité ». Les agents du DGSE ont coulé le navire sur ordre de l’Etat. Ces révélations ont suscité une vague d’indignation, notamment de la part des médias anglo-saxons. Daily Express écrira même : « le sabotage français style Watergate menace l'homme qui trône au Palais de l’Élysée ». La France est totalement discréditée mais l’affaire du Rainbow Warrior met en exergue les actions de Greenpeace, augmentant aussi sa popularité. L’ONG, profondément marquée par cet événement, a rédigé un article sur cette affaire que l’on peut lire sur son site internet. On peut notamment y lire « le Rainbow Warrior est un exemple où un gouvernement a choisi de répondre à une manifestation pacifique avec une force meurtrière. Mais la protestation pacifique a prévalu ».
Et ensuite ?
Les deux agents jugés, Prieur et Mafart, ont été libérés moins de deux ans après leur condamnation. L'espion qui a infiltré le bureau de Greenpeace en Nouvelle-Zélande avant l'attentat, Christine Cabon, a échappé à l'arrestation en Israël. Elle n'a pas été vue depuis. « La plupart des personnes impliquées dans ce qui s'est passé cette nuit-là dans un port d'Auckland ont simplement disparu » peut-on lire sur le site de Greenpeace. Depuis, l’ONG a remplacé le Rainbow Warrior par deux navires du même nom qui se sont succédés afin de « perpétrer l’esprit original » du chalutier.
En 2015, le nageur de combat qui a posé les explosifs a présenté ses excuses, soit 30 ans après les faits. Interrogé par Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, il déclaré « avec les passions qui se sont apaisées, et aussi le recul que j'ai par rapport à ma vie professionnelle, j'ai pensé que c'était une occasion pour moi d'exprimer à la fois mes profonds regrets et mes excuses ». Pete Willcox, le capitaine du chalutier, a déclaré à Radio New Zealand : « J’accepte ces excuses, je les pense sincères. (...) J'espère qu'elles lui permettront de mieux dormir et de vivre sa vie ». Cependant, pour lui justice n’a jamais été faite et personne n’a payé pour avoir mené cette opération qui a couté la vie à un homme.
Concernant la France, elle a présenté ses excuses officielles et versé des indemnités. Les essais nucléaires ont été arrêtés en 1996. Aujourd’hui, l’épave du chalutier repose au large des îles Cavalli, au nord d’Auckland, à vingt-huit mètres de profondeur. Même si le navire repose désormais au fond de l’océan Pacifique et a été un peu oublié, nombreux sont les néo-zélandais qui garde une part d’amertume vis-à-vis des Français, responsables de cette sombre affaire.
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