Il y a bien des générations, des hommes et des femmes venus de Polynésie affrontèrent les flots sur leurs canoës. Ils débarquèrent les premiers sur les côtes sauvages de la Nouvelle-Zélande. Ce sont les ancêtres maoris. Ils ont dû tout reconstruire sur la terre du long nuage blanc. Comment vivaient-ils ? Cohabitaient-ils ou s’affrontaient-ils ? Qui étaient leurs chefs ? Comment les choisissaient-ils ? Le Petit Journal Auckland vous explique tout sur l’organisation de la tribu maorie et son évolution.
L'organisation sociale maorie a changé au contact des Européens. Dès le début du XIXème siècle, certaines tribus ont migré vers les régions côtières afin de bénéficier du commerce. Les groupes capables de récolter les plus grands bénéfices auprès des Pakehas ont dominé les autres, ce qui entraîna des tensions, comme les guerres des mousquets entre iwis dans les années 1820 et 1830. Au cours de la seconde moitié du siècle, les maoris ont été encouragés à se rassembler dans des villages plus proches des Européens. Les achats ou prises de terres par la Couronne et les guerres néo-zélandaises, ont fortement réduit leur territoire, leur nombre et entraîné des migrations.
L'organisation sociale maorie a été bouleversée par ces changements. Au cours du XXème siècle elle évolue afin de s'adapter à leur nouvel environnement. Elle reste toutefois fondée sur la structure première de la société maorie.
Iwi et Hapu : les organisations sociales maories
Initiallement, les maoris s'identifiaient selon le waka (canoës) sur lequel leurs ancêtres arrivèrent en Nouvelle-Zélande. L'augmentation de leur nombre a rendu nécessaires de nouvelles organisations pour faire face aux conflits de ressources et d'intérêts.
Ainsi ont été créés les iwis (tribus), qui forment la structure de la société maorie, attachées à des territoires définis. Au sein de chaque iwi, de nombreux hapūs (clans ou groupes de descendants) se côtoient, chacun constitué d'un ou plusieurs whānau (familles étendues). Le lien qui les unit est un lien de parenté, à la fois avec un ancêtre fondateur et avec les nombreux membres de leur iwi, hapū et whānau.
Le hapu est l'organisation la plus importante dans la société maorie avant la colonisation. Le nombre de ses membres peut varier d'une à plusieurs centaines. Plusieurs petits hapūs peuvent occuper un seul pā (village fortifié), alors qu'un grand hapū peut avoir un ou plusieurs pās.
Chaque hapū contrôle une partie définie du territoire tribal, avec un accès à la pêche maritime, aux bancs de coquillages, aux cultures, aux ressources forestières, aux lacs et rivières. Ce mode de répartition des terres donne lieu des revendications diverses. Ainsi la viabilité d'un hapū dépend de sa capacité à défendre ses intérêts et son territoire face aux autres. C'était l'une de ses principales fonctions politiques.
La principale fonction sociale du hapū est le soutien et la survie de ses membres. Les maoris d'un même clan travaillent ensemble (pour la pêche, le défrichement, la construction de fortifications, de canots et de maisons de réunion). L'appartenance à tel ou tel hapu est héréditaire. Les enfants dont les parents sont issus de différents hapūs ont des droits d'adhésion aux deux hapūs. Pour devenir membre, il suffit d'y vivre. Ces droits étaient valables sur trois générations, après quoi ils étaient "éteints".
Noms des Hapus et Iwis
Les noms d'un iwi et hapū sont précédés d'un préfixe de clan, tel que Te Kāhui (l'assemblée), Te Uri ou Ngā Uri (les descendants), Ngāti, Ngā, Ngāi, Aitanga ou Te Āti (le peuple ou la progéniture), Te Tini ou Te Whānau (la famille). Ce préfixe est associé au nom d'un ancêtre fondateur important. Dans certains cas, les tribus ont simplement pris le nom de leur ancêtre polynésien. Par exemple, Kāhui Roko : l'Assemblée de Roko (ile du Sud) ou Te Uri-o-Rātā : les descendants de Rātā (Bay of Islands). D'autres noms peuvent venir de plusieurs ancêtres en commun, d'une personne essentielle dans la fondation du groupe ou encore d'un événement important dans l'histoire du clan.
Hiérarchie au sein des Hapus et Iwis
La société maorie est composée de trois rangs sociaux : he rangatira ou kāhui-ariki (chefs), tūtūā (roturiers), et taurekareka ou mōkai (esclaves).
Les chefs des hapūs au sein d'un iwi se considéraient comme des égaux, bien qu'il y ait une hiérarchie en termes de statut senior et junior. Les chefs masculins les plus puissants et de haut rang sont appelés ariki (chef suprême). Ils sont respectés pour les qualités de tapu (sacralité), de mana (autorité), d'ihi (excellence) et de wehi (pouvoir), que les Māori croyaient héritées des ancêtres et des dieux. Ces qualités peuvent être améliorées par les prouesses de guerre, la sagesse et la générosité. Mais elles peuvent facilement être diminuées par l'imprudence.
Les roturiers sont tous les autres membres du hapū qui peuvent prétendre descendre de l'ancêtre fondateur.
Les Taurekareka sont les esclaves, capturés ou nés en captivité. Ils n'étaient pas gardés ou soumis à des restrictions, mais ils devaient faire le "sale boulot", préparer les repas, transporter le bois, ramer etc. Les enfants issus d'un mariage entre maître et esclave maîtres naissent libres.
Un dernier groupe a un statut particulier : les tohungas (érudits). Ils sont sélectionnés à la naissance. Les plus vénérés sont les tohunga ahurewa, formés dans un whareanga (école d'apprentissage) et whare tātai (école de généalogie). Ils y apprennent la généalogie, l'histoire orale, l'astronomie, les traditions naturelles et un vaste répertoire de chants et de karakia (prières et incantations) pour planter, abattre des arbres, construire des maisons et des canoës, faire la guerre, soigner les malades et soigner les morts. Les Tohunga mākutu, formés au whare-maire (maison d'apprentissage), aurait la capacité de lancer des sorts pour rendre les gens malades ou les tuer. Les autres types de tohunga sont les tohunga whakairo (sculpteurs), les tohunga tārai waka (constructeurs de canoës), les tohunga tohiora (accoucheurs) et les tohunga tā moko (tatoueurs).
Une brève histoire de l'évolution des tribus maories
Au cours des XIXème et XXème siècles, les iwis ont commencé à remplacer les hapus en tant que principal corps politique. Entre le milieu et la fin du XIXe siècle, les Maoris ont de plus en plus recherché l'unité pan-tribale pour s'opposer aux mesures gouvernementales contraires à l'intérêt de leur peuple. La Couronne a favorisé ce passage du hapu à l'iwi pour des raisons de facilité de négociation. Après 1945, des conseils tribaux de confiance sont formés afin de régler les griefs historiques des Maoris en vertu du Traité de Waitangi. Ce processus se poursuit encore aujourd'hui. Beaucoup de tribus ont créé des groupements iwi régionaux pour déposer des réclamations auprès du tribunal de Waitangi.
L'urbanisation a également changé la forme de l'organisation sociale maorie. En 1936, 83% des Maoris vivaient dans les zones rurales. En 1986, 80% sont citadins. La plupart des migrants urbains sont de jeunes maoris célibataires qui souhaitent échapper à la pauvreté et au manque d'opportunités. L'identité maorie a été minée par l'urbanisation. Beaucoup de Maoris ont perdu le contact avec leur hapū et iwi d'origine. Cependant, l'institution du whānau reste intacte dans de nombreux endroits. Un recensement de 2001 a indiqué que 20% des Maoris ne savaient plus à quelle tribu ou hapu ils appartenaient. Certaines organisations iwi et maories ont des programmes pour reconnecter la jeunesse urbaine avec les tribus de leurs ancêtres.