Nous avions publié il y a quelques semaines, la première partie du dossier qui s’intéressait au racisme en Nouvelle-Zélande de manière générale. Aujourd’hui, nous revenons avec la suite qui traite du racisme envers les Maoris. Compte tenu de l'étendu du sujet, nous avons décidé de nous focaliser sur le racisme vécu par le peuple maori, puisque son histoire fait partie intégrante de la culture néo-zélandaise.
Les réalités du racisme pour le peuple maori
De 2012 à 2017, la Commission des droits de l'homme (CDH) reçut 2 440 plaintes à travers tout le pays. Notons que les personnes qui portent plainte peuvent fournir volontairement des informations démographiques telles que l'appartenance ethnique. Parmi les 1.732 personnes qui ont fourni cette précision, le CDH a compté une majorité de Maoris : selon ces chiffres, 375 plaignants étaient maoris, 282 néo-zélandais d'Europe / Pakeha et 246 d'origine indienne. Auckland est d’ailleurs la ville qui comptabilise le plus de plaintes (près de la moitié d’entre elles).
De plus, selon les dernières recherches, de nombreux élèves maoris se sentiraient victimes de racisme dans leur environnement scolaire. D’après un rapport du bureau du commissaire de l’enfance et de School Trustees Association, de nombreuses plaintes sont également recensées concernant le comportement raciste à l’école envers les élèves maoris. Selon les témoignages, ce ne sont pas seulement les autres élèves mais aussi les professeurs qui seraient à l’origine de ce racisme, même parfois de manière inconsciente. Cela se traduirait par une attitude discriminatoire, un manque d’encouragement ou des commentaires dérangeants. En effet, cette étude réalisée auprès d’environ 1.700 étudiants a montré que les élèves ressentent un profond sentiment d’inégalité, compte tenu de leur culture.
On peut également noter que les médias mainstream participent en partie à créer des stéréotypes sur le peuple maori déjà en marge de la société. Les clichés qui en ressortent en général concernent la feignantise, la pauvreté mais aussi l’agressivité, la relation avec la drogue et la violence. On pouvait par exemple lire « dix délinquants à haut risque de Rotorua ciblés dans un nouveau programme basé sur les Maoris » le 13 avril chez NZ Herald ou encore « le taux de jeunes fumeurs n’a jamais été aussi bas, sauf chez les Maoris où il reste deux fois plus élevé » le 27 mars, toujours chez NZ Herald. On remarque cependant que les mainstream tentent de mettre de plus en plus en avant les Maoris, malgré quelques maladresses.
La marginalisation des Maoris, un sujet tabou ?
Depuis des siècles, le racisme et la marginalisation d’un groupe de personnes sont des sujets tabous et c’est aussi le cas en Nouvelle-Zélande. Par exemple, en 2012, un livre pour adolescents a été censuré. En effet, « Into the River » a créé la polémique au sein des milieux ultra conservateurs et a fini par être retiré des ventes. Mais pourquoi ? Le roman dépeint la vie tourmentée d’un jeune maori, rythmée par le racisme et la violence, et l’image de la société qu’il renvoyait a beaucoup déplu à certaines personnes. Comme le soulignait Le Monde à l’époque, « le distribuer, le vendre ou l’exposer est passible d’une amende allant jusqu’à 10 000 dollars ». Paradoxalement, ce livre avait par ailleurs remporté des prix prestigieux. « Dire que mon livre peut nuire à la jeunesse démontre une ignorance totale du fonctionnement du monde aujourd’hui », expliquait son auteur Ted Dawe. Sa volonté première était d’écrire pour inciter les jeunes des milieux défavorisés à lire en abordant des sujets qui les touchent et qui sont exprimés avec leurs propres mots. Mais alors pourquoi le censurer ? La Nouvelle-Zélande aurait-elle du mal à affirmer qu’il existe des tensions raciales au sein de sa société ?
Pour aller plus loin : de fortes inégalités
Il y a un mois environ, Stuff publiait « les inégalités priveraient les Maoris et l’économie de 2.6 millions de dollars ». Quels sont ces chiffres ? Sont-il réels ?
Malheureusement oui : l'écart de revenu pour les Maoris est de 2,6 milliards de dollars par an puisqu’ils seraient payés en moyenne 140 dollars de moins par semaine que les Paheka. Les Maoris travaillent le même nombre d'heures que la moyenne néo-zélandaise, mais plus de la moitié ont des emplois moins qualifiés... et donc moins bien rémunérés.
Le rapport estime que si les inégalités dans l'éducation et l'emploi pour les Maoris ne sont pas traitées maintenant, l'écart de revenu actuel passera de 2,6 milliards de dollars par an à 4,3 milliards de dollars en 2040. Seuls 16% des Maoris possèdent une qualification avancée, contre 30% de la main-d'œuvre du pays. Il est également important de noter que sur la base de la population maorie qui travaille actuellement, près de la moitié des emplois risquent d'être remplacés par l'automatisation. « Les inégalités actuelles pour les Maoris créent des dommages sociaux et économiques importants pour nos communautés », explique le Dr Eruera Tarena du Māori Futures Collective.
Les inégalités actuelles pour les Maoris créent des dommages sociaux et économiques importants pour nos communautés
Selon la même enquête, le racisme a des effets néfastes et impacte la vie des maoris tant sur le plan personnel que professionnel. Business and Economic Research Ltd (BERL), Ngāi Tahu iwi et Māori Futures Collective, ont publié un rapport conjoint sur l'équité en matière de revenu. Il est décrit par les auteurs comme un appel à l'action, montrant une valeur monétaire à l'inégalité et à la manière dont elle crée une perte économique pour les Maoris, mais elle donne aussi une idée des avantages économiques du succès maori pour la nation.
D’après les enquêtes mentionnées ci-dessus, les Maoris affichent généralement des taux plus élevés de chômage, d'obésité et d'incarcération, des taux de réussite scolaire plus faibles et un accès plus limité aux soins de santé. Ce triste constat est la conséquence d’une marginalisation encore trop présente mais que le gouvernement essaye peu à peu d’amoindrir. Nous vous proposerons dans les prochaines semaines un article en extension de ce dossier afin de voir quelles mesures sont mises en place pour lutter contre cette problématique.