Lorsque l’on évoque la Grèce antique, les regards se tournent presque systématiquement vers les figures héroïques ou intellectuelles : les exploits militaires d’Alexandre le Grand, les discours de Périclès ou encore les réflexions de Socrate. Pourtant, derrière ces grandes figures se cachait une multitude d’hommes et de femmes anonymes, dont le travail a fait vivre les cités. Paysans, artisans, marins ou encore esclaves : leur contribution est le socle même de la civilisation grecque classique.


Le monde rural : centre névralgique de l’économie
À Athènes, au Ve siècle av. J.-C., l’essentiel de la population active travaille la terre. Les exploitations sont modestes, entre cinq hectares pour les plus pauvres et une vingtaine pour les élites. À Sparte, les terres sont plus vastes, atteignant parfois 40 hectares. Cette dispersion foncière s’explique par une règle d’héritage qui répartissait les terres entre tous les fils, empêchant toute concentration.
Les citoyens les plus pauvres, dépourvus de terres, louaient à la journée ou cultivaient des parcelles louées. On les appelle les thètes, citoyens libres mais sans fortune, rémunérés parfois en nature, notamment en céréales. Le revenu annuel de cette classe ne dépassait pas les 200 médimnes (environ 1.000 litres de grain), seuil officiel de pauvreté à Athènes.
Le salaire, un concept méprisé
Travailler en échange d’un salaire était perçu avec suspicion. Dans l’idéologie grecque, la liberté d’un homme se mesurait à sa capacité à vivre de ses propres moyens. Ainsi, même un citoyen libre exerçant une activité manuelle pouvait être considéré comme proche de l’esclave. Pourtant, les ouvriers qualifiés sur les chantiers publics, comme ceux de l’Acropole, recevaient une rémunération équivalente à celle d’un citoyen libre : environ une drachme par jour vers la fin du Ve siècle, montant qui pouvait atteindre jusqu’à 2,5 drachmes en 377 av. J.-C.
Un montant modeste mais suffisant : une drachme permettait à un adulte de subvenir à ses besoins alimentaires pendant une dizaine de jours, selon les prix du blé à l’époque (trois drachmes pour 48 choinices, soit environ 1 médimne).
Les métèques : piliers économiques mais citoyens de l’ombre
Les métèques, étrangers libres installés à Athènes, occupent une place cruciale dans l’économie urbaine. Bien qu’exclus des droits civiques, ils sont tolérés à condition de payer un impôt spécifique et d’avoir un citoyen garant. On estime qu’ils étaient environ 25.000 au Ve siècle. Interdits de posséder des terres, ils investissent dans l’artisanat, la banque ou le commerce. Certains accèdent même à la richesse, comme Pasion et Phormion, anciens esclaves devenus banquiers influents, ou Céphale, armurier renommé.
L’armée et la mer : une autre forme d’emploi
Les soldats et marins représentent un autre pan du monde du travail. À l’époque de la guerre du Péloponnèse, un soldat athénien reçoit une ration quotidienne de blé (1 choenix). Les marins, quant à eux, sont rémunérés un drachme par jour en temps de guerre, contre seulement deux oboles auparavant. La solde varie selon le grade et l’origine (mercenaire ou citoyen).
Le recours massif aux mercenaires se généralise au IVe siècle, notamment dans les conflits entre cités. Moins bien payés que les soldats réguliers, ils bénéficient parfois de primes ou de butin.
Ainsi, à travers les diverses strates sociales et les multiples formes de travail, l’économie de la Grèce antique révèle un équilibre fragile entre indépendance et dépendance, liberté et contrainte, où chaque citoyen, malgré ses différences, contribuait à l’essor de la cité.
































