La nouvelle ambassadrice de France en Grèce, a officiellement pris ses fonctions cet été. Après la Roumanie, Laurence Auer rejoint la Grèce pour représenter la France. Lepetitjournal d'Athènes a eu le plaisir de la rencontrer pour une interview exclusive.
1. Comment évaluez-vous les relations franco-grecques aujourd’hui ?
La signature d’un partenariat stratégique en 2021 a conforté la relation privilégiée qui existe entre la France et la Grèce, faite de confiance, d’amitié et de relations étroites entre nos deux gouvernements.
Cette relation repose sur une histoire faite de liens humains très forts, la France ayant été aux côtés de la Grèce dans la lutte pour son indépendance au XIXème siècle, pour l’entrée dans l’Union européenne en 1981 ou pendant la crise économique, aujourd’hui surmontée. A chaque moment, France et Grèce ont partagé un engagement et une volonté commune.
Aujourd’hui, nos deux pays prennent des initiatives conjointes au niveau européen, par exemple pour le renforcement des mécanismes de protection civile et de lutte contre le changement climatique alors que deux détachements de pompiers français ont lutté, tout l’été, contre les incendies de l’Attique et d’Evros au sol et dans les airs. Je souhaite aussi mentionner l’initiative en faveur d’un corridor maritime humanitaire vers Gaza sur laquelle la France, la Grèce et Chypre travaillent conjointement.
Notre partenariat stratégique s’est également traduit par plus de 200 exercices menés conjointement : le dernier, le 24 novembre, a impliqué plus de 300 militaires français, au nord de la Grèce.
2. Comment évaluez-vous la situation politique et économique en Grèce en ce moment ?
J’ai été nommée dans une conjoncture très favorable à l’économie grecque, qui affiche une croissance robuste et une trajectoire prometteuse de croissance, prévue entre 2% et 3 %. Les échanges extérieurs sont en forte progression et, avec la France, il s’agit d’une augmentation de plus de 15,6% en 2022 puis 10,7% au premier semestre de 2023. Cela se traduit par un nombre important d’entreprises françaises qui souhaitent s’implanter sur le marché grec, notamment dans des secteurs fortement appuyés par des fonds européens – à l’image des infrastructures de transport, de l’énergie, de la sécurité, du tourisme et de la Tech.
C’est ainsi que, aux côtés de la chambre de commerce franco-hellénique, un bureau de Business France a ouvert en septembre 2023 et que la French Tech d’Athènes a été lancée, cette coopération nouvelle ayant déjà permis l’organisation de trois événements cette année. La stabilité politique, confirmée par les élections du printemps 2023, offre également un cadre favorable à la poursuite des réformes qui sont en cours – en matière de fiscalité ou d’éducation notamment.
Je constate, enfin, une forte hausse, de près de 10% depuis 2020, de la proportion des élèves qui apprennent le français dans le système scolaire grec, un facteur très positif pour faciliter les échanges et les coopérations sur tout le territoire.
3. Quels sont vos objectifs prioritaires pendant votre mandat en Grèce et comment pensez-vous les atteindre ?
Mon mandat s’inscrit dans un agenda européen d’affirmation de la souveraineté et de l’autonomie stratégique européennes, en matière d’industrie, d’énergie, d’environnement ou de numérique. Je suis également mandatée pour dialoguer, au niveau bilatéral, sur l’agenda européen en matière d’immigration, de sécurité et de défense ainsi que de protection civile. Sur tous les axes stratégiques définis au niveau européen, la France et la Grèce se rejoignent et recherchent le même objectif d’unité et d’efficacité.
Plus spécialement, dans le contexte tragique que nous connaissons, de guerre d’invasion en Ukraine et de conflit au Proche-Orient, ma première priorité est donc politique : asseoir les termes d’un dialogue franco-grec permanent sur de grands dossiers comme l’élargissement européen, la politique d’asile et d’immigration ou encore la lutte contre le changement climatique.
Dans ce contexte, je mets l’accent sur les projets liés à l’environnement et à l’éducation, deux secteurs auxquels j’ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle et dans lesquels la France et la Grèce ont d’ores et déjà développé des coopérations riches qui lient les citoyens, mais aussi les municipalités et les universités.
Je citerai quelques exemples à cet égard. Nous animons une coopération en matière d’enseignement professionnel ou de culture scientifique. Nous établissons également, de concert avec les autorités grecques, un lien entre les conférences sur les Océans qui se tiendront successivement à Athènes en 2024 puis à Nice en 2025. Nous avons également organisé un événement sur les nouveaux défis de la sécurité, une discussion publique-privée qui a pu réunir 40 entreprises françaises auprès de leurs homologues grecques.
Enfin, avec les équipes de l’ambassade et l’Institut français de Grèce, nous préparons activement les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le premier grand événement, le parcours de la flamme olympique, aura lieu en Grèce du 16 au 26 avril. A cette dernière date, la flamme sera officiellement transmise à la France, ce qui sera l’occasion de célébrer l’initiative de Pierre de Coubertin et de Dimitrios Vikelas, les deux premiers présidents du Comité international olympique, et les fondateurs des jeux modernes.
4. Comment aimeriez-vous travailler pour renforcer la coopération bilatérale entre la France et la Grèce pendant votre mandat ?
Je souhaite être une ambassadrice de terrain, proche des entreprises et qui travaille en équipe. J’ai pour objectif d’aller à la rencontre des partenaires de la coopération franco-grecque, dans les villes où nous avons des consuls honoraires, des antennes de l’Institut français, des écoles qui enseignent le français, des associations et des universités qui proposent des double-diplômes. Nous avons la chance d’avoir une communauté française active, appréciée sur tout le territoire, qui est intimement liée au développement grec, que ce soit en matière d’infrastructure, de Tech ou de tourisme. Je pense que c’est ainsi que mon rôle sera le plus utile, en mettant en relation et en initiant des projets, par exemple en matière d’innovation.
5. Comment aimeriez-vous promouvoir la culture et les valeurs françaises en Grèce ?
Nous travaillons à des événements qui rapprochent nos cultures, par le dialogue. Par exemple, fin février, l’initiative « Merci chef ! », une semaine de la gastronomie, permettra à des chefs et meilleurs ouvriers de France de partager leur savoir-faire dans des restaurants et écoles hôtelières en Grèce. Sur le plan culturel, les partenariats en discussion sont nombreux : en matière artistique, de danse contemporaine ou encore de cinéma.
Je voudrais mentionner le lycée franco-hellénique Eugène Delacroix, notre outil d’influence par excellence qui forme 2000 élèves français, grecs et d’autres nationalités. Dans le cadre des alliances universitaires européennes, je souhaite en outre promouvoir davantage les échanges académiques et la recherche scientifique entre nos deux pays.
Enfin, l’Ecole française d’Athènes est une institution exceptionnelle, qui mène un travail de recherche et de fouilles unique : nos archéologues sont actifs en Grèce depuis 150 ans, à Delos ou à Delphes. C’est aussi par la préservation du patrimoine et la connaissance de la culture de la Grèce antique que nos deux pays ont développé et conservé une intimité intellectuelle et, au-delà, une indéniable affinité culturelle.
De manière générale, nos deux pays ont la chance de s’appuyer sur une perception déjà largement positive l’un de l’autre : c’est un élément que nous pouvons et devons valoriser pour rapprocher toujours davantage nos jeunesses, afin de pérenniser cette relation si particulière.
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