Ithaque, modeste île ionienne, occupe une place immense dans l’imaginaire grec et occidental. Terre d’Ulysse et du retour tant espéré, elle incarne à la fois la fin du voyage et le début de la mémoire. À travers ses paysages sobres et ses récits millénaires, elle invite chacun à réfléchir à ce que signifie vraiment “rentrer chez soi”.


Ithaque, l’île du retour et du voyage intérieur
Ithaque, modeste île ionienne à l’écart des grands circuits touristiques, n’aurait jamais été célèbre sans son plus illustre souverain : Ulysse, héros de l'Iliade et de l’Odyssée. C’est ici qu’il règne au moment de son départ pour la guerre de Troie. Et c’est ici qu’il rêve de revenir, pendant dix longues années d’épreuves à travers la Méditerranée.
Dans la tradition grecque, Ulysse n’est pas qu’un roi : il est le symbole du retour, de la fidélité au foyer, de l’intelligence et du refus de l’oubli. Tandis que les autres héros périssent ou s’égarent à jamais, lui rentre, malgré monstres, dieux hostiles, tentations et oublis. Son île devient alors le but absolu, la terre d’où l’on vient et vers laquelle on revient, coûte que coûte.
Le mythe ne s’arrête pas à Homère. Il traverse les siècles, inspire Dante, Tennyson, Joyce, Cavafis. Et chaque fois, Ithaque n’est plus seulement un lieu réel, mais une destination intérieure : ce que chacun cherche, au bout de son propre voyage.
À l’époque moderne, Ithaque est devenue le symbole universel du voyage intérieur. Le poète grec Constantin Cavafis l’a magnifiquement résumé dans son poème, où il invite chacun à faire de son chemin une quête en soi, et à ne jamais être déçu si l’île s’avère modeste :
“Riche de tout ce que tu as gagné en chemin, sans attendre qu’Ithaque t’enrichisse. Ithaque t’a donné le beau voyage.”
Un paysage marqué par le mythe
Mais Ithaque existe bel et bien. Petite, escarpée, sauvage, elle se détache à peine de la côte est de Céphalonie, sa grande voisine. Pour les passionnés de mythologie, elle est un terrain de fouilles mentales. Car aucune preuve archéologique ne permet d’affirmer qu’Ulysse y a vécu, et pourtant, tout y semble mythologique.
Plusieurs sites revendiquent un lien direct avec l’épopée : une grotte dite “de l’Enfer” serait celle d’Eumée, le porcher fidèle ; une baie cachée serait celle où Ulysse aurait débarqué en secret. Peu importe leur authenticité : ce qui compte, c’est que le mythe a modelé le paysage autant que les siècles.
Ithaque aujourd’hui : calme, recul et quête d’essentiel
Loin du tumulte touristique de Santorin ou de Corfou, Ithaque reste une île discrète, presque secrète. Ses routes sinueuses, ses ports paisibles, ses sentiers escarpés incitent à la lenteur et à l’attention. C’est une île qu’on ne visite pas pour “cocher une case”, mais pour s’imprégner.
Pour rejoindre Ithaque depuis Athènes, il faut combiner transport terrestre et maritime. Le plus simple est de prendre un bus ou de louer une voiture jusqu’au port de Patras (environ 2h30 à 3h de route), puis de poursuivre vers Astakos ou Sami (sur l’île voisine de Céphalonie), d’où partent les ferries pour Ithaque. La traversée dure entre 1h et 2h selon le port de départ. L’option alternative consiste à prendre un vol intérieur pour Céphalonie depuis Athènes, puis à embarquer sur un ferry pour Ithaque. Bien que le trajet demande un peu d’organisation, il fait déjà partie du voyage
À Vathy, la capitale actuelle, on peut visiter le musée archéologique, qui abrite quelques objets mycéniens. À Stavros, au nord, une petite exposition présente les trouvailles issues du site d’une ancienne habitation, surnommée “le palais d’Ulysse” sans certitude historique, mais avec beaucoup de conviction locale.
Les amateurs de randonnées y trouveront des itinéraires peu fréquentés, entre oliveraies, sommets rocheux et vues imprenables sur la mer Ionienne. Les plages, souvent accessibles à pied ou par bateau, gardent un parfum d’exclusivité naturelle. Ithaque accueille les curieux, les rêveurs, les lecteurs d’Homère comme les marcheurs solitaires. Elle ne promet ni fêtes, ni ruines spectaculaires. Mais elle offre une expérience mentale, intime, nourrie d’héritage oral, de paysages sobres et d’un nom qui résonne dans toute l’histoire de l’Occident.
































