Un cri silencieux à Menidi
Ce 17 mai 2024 restera gravé comme un jour noir. Enkeleida, une femme de 40 ans, a été tuée en pleine journée à Menidi, un quartier de la banlieue d'Athènes. Son ex-mari, contre qui elle avait porté plainte à trois reprises pour violences conjugales, est le principal assassin.
L'auteur avait été entendu à plusieurs reprises par la justice, puis libéré avec des conditions restrictives, qui, comme souvent, n'ont pas été respectées.
Trois, c’est le nombre de fois qu’Enkeleida a dénoncé les violences de son ex-mari au cours des 11 dernières années. D’abord en avril 2013, puis en septembre 2022 et la dernière, il y a une vingtaine de jours, pour violences conjugales. Ce dernier avait déjà été arrêté à plusieurs reprises pour des motifs similaires, mais a réussi à échapper à une détention prolongée à chaque fois.
Malheureusement, ces cas sont loin d’êtres isolés et nous rappelle l'assassinat en avril de la jeune Kyriaki.
Le cas d'Agioi Anargyro : le féminicide qui a ulcéré la Grèce
C’était une jeune femme de 28 ans, Kyriaki Griva, assassinée à Agioi Anargyro, une banlieue d'Athènes. Le lieu du crime était aussi choquant que l'acte lui-même : juste à côté du commissariat de police où Kyriaki avait tenté de chercher refuge.
L'opératrice d'Action Immédiate a refusé sa demande d'escorte policière, déclarant : "La voiture de patrouille n'est pas un taxi" alors qu'elle avait demandé à se rendre chez elle avec une escorte policière, craignant d'être agressée. "Il attend de se venger de moi, je ne sais pas. Frappez-moi", a déclaré la femme de 28 ans peu avant que l'agresseur n'apparaisse et ne se précipite sur elle. Malheureusement, malgré son appel désespéré à l'aide, les mesures nécessaires pour évaluer le risque et assurer sa protection n'ont pas été prises. Le policier du centre d'appels qui a parlé à la victime a été démis de ses fonctions et fait l'objet d'une enquête. Le commandant du département de police d'Agioi Anargyro, l'officier de service, le superviseur et le chauffeur du superviseur, ainsi que le responsable du département, ont également été démis de leurs fonctions.
Le guide et ses failles
Pour comprendre où le système a échoué, il faut remonter à un document de 21 pages, envoyé en interne dans toute la Grèce en août 2021. Ce guide contient des instructions pour la réponse de la police aux incidents de violence domestique.
Cependant, ce guide, bien que nécessaire, présente des lacunes importantes. Il ne contient pas de protocole pour transporter en toute sécurité les citoyens jusqu'à leur domicile, laissant cette question critique à la discrétion de la police. Par exemple, dans ce guide, la seule indication faite concernant le déplacement des citoyens en voiture de patrouille, est que s'ils sont appelés à un domicile, le transport des personnes impliquées sera effectué dans un autre véhicule, "sauf si cela n'est pas possible en raison du manque de flexibilité du service".
Il est également rappelé que "en tout état de cause, la protection des personnes impliquées doit être assurée".
À plusieurs passages du guide, il est souligné que "chaque incident est différent, tandis que l'efficacité de la réponse policière nécessite l'adaptation de leurs actions" . Ces deux féminicides en Grèce soulignent la nécessité de réformer le système judiciaire et policier pour mieux protéger les victimes de violences domestiques comme l'avait assuré le premier ministre en 2022 "nous ne vivons pas dans l’ignorance, parce que les victimes parlent et que l’État se mobilise, le maître mot est la confiance, confiance dans l’État pour qu’il agisse". Cela fait le sixième meurtre en 2024 sans compter tous les précédents: combien d'autres femmes seront assassinées sans que l'Etat ne réagisse et fasse appliquer des procédures strictes pour protéger ses citoyennes