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ITW - Julien Chiappone-Lucchesi, directeur de l'IFT : "Le meilleur est à venir"

Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 16 décembre 2009, mis à jour le 13 novembre 2012

Nouveau directeur de l'Institut Français de Thessalonique et de l'École Française depuis le 1er septembre 2009, Julien Chiappone-Lucchesi remplace Muriel Piquet-Viaux pour une durée de 3 ans. Il nous présente ses projets pour l'institut

Julien Chiappone-Lucchesi, directeur de l'IFT et de l'EFT (Photo IFT)

Lepetitjournal.com : Vous avez déjà eu l'occasion de visiter la Grèce avant d'y vivre. Quel regard portez-vous sur ce pays ?
Julien Chiappone-Lucchesi :
Comme beaucoup, j'ai découvert la Grèce il y a longtemps, par l'étude de l'antiquité, surtout celle de la période classique. Adolescent, j'ai voyagé dans l'Attique, l'Argolide et le Péloponnèse et passé des vacances familiales dans la superbe région du Pélion.
Des années plus tard, à l'occasion d'un court stage au sein de l'agence européenne basée à Thessalonique, j'ai découvert une autre Grèce et ai été frappé par la vivacité et la profondeur de la tradition et du folklore, même chez les jeunes générations. Je me suis très vite initié à la langue notamment à travers la musique, d'une richesse fabuleuse.
La vie ici, entre Occident et Orient, résolument ancrée en Méditerranée, me plaît beaucoup et me paraît familière, certainement parce que je suis d'origine italienne et ai vécu dans le Sud de la France. Et à Thessalonique, n'est jamais loin le séduisant souvenir d'une société cosmopolite que l'échange de populations en 1923 et surtout la barbarie nazie qui a mené à l'extermination de 95% de la population juive, ont effacé.

Et aujourd'hui ?
De retour en Grèce, mon regard a mûri : il est, enfin, devenu aussi critique ! Par exemple, je trouve que la circulation est ici un problème gigantesque, à la fois de politique publique, mais également de rapport individuel du citoyen à l'automobile. De même, je trouve que les Grecs entretiennent avec leur terre un rapport compliqué : une grande fierté naturelle, en même temps qu'une indifférence quotidienne dans le traitement de la nature environnante. Je ressens néanmoins émerger une vraie conscience écologique dans la société civile.
Cependant la Grèce demeure pour moi la « terre glorieuse » qu'évoque Maupassant, un pays de contrastes passionnants, avec des artistes magnifiques comme Hatzidakis, Cavafy ou Kavvadias, une langue d'une profonde poésie et une nature d'une beauté saisissante.

Parlons de la fonction de centre de langue de l'IFT. Quelle est selon vous la place de l'IFT dans ce domaine ? Et que répondez-vous à ceux qui pensent que l'IFT n'a plus besoin de proposer de cours, l'offre étant suffisamment riche autour de vous ?
Un des c?urs de métier de l'Institut Français de Thessalonique est de participer à la diffusion de la langue française. Il y a ici une longue tradition de l'enseignement du français : pensez que dans les années 1970, 3 500 étudiants venaient chaque année suivre des cours à l'Institut de Thessalonique !
Cependant, le contexte a largement évolué ? après une très forte baisse d'effectifs ? l'Institut ne cesse d'attirer de nouveaux publics (étudiants, cours mamans/enfants, français à objectifs spécifiques, etc.). L'IFT accueille aujourd'hui près de 500 étudiants. Avec l'expérience capitalisée depuis des décennies, ainsi que la politique de recrutement ? laquelle privilégie l'emploi d'un personnel qualifié et exclusivement de langue maternelle française ? l'Institut demeure l'établissement de référence pour la langue française, seul centre de passation des examens pour la Grèce du Nord.

Dans ce pays particulièrement francophile qu'est la Grèce, comment envisagez-vous de continuer à convertir à la francophonie des étudiants qui se tournent de plus en plus vers l'anglais ?
La Grèce a été un pays incroyablement francophone et je pensais que cela relevait plus de la constatation historique. Mais en réalité, non seulement la francophilie se rencontre partout, mais notre langue continue d'être fort bien parlée. Par exemple, à l'occasion du festival international du film de Thessalonique, le cinéma français a été extrêmement plébiscité et les Grecs ont été enthousiasmés par la sélection francophone. Le français, bien présent, vient compléter, avec d'autres langues européennes, la langue anglaise, dans l'intérêt de la préservation de la diversité culturelle et dans un monde où le multilinguisme est désormais une nécessité.
Enfin, et c'est très important, l'amendement récent de la loi dite « Metaxas » permettra désormais d'accueillir facilement tous les élèves grecs souhaitant s'inscrire dans un établissement de langue française. En effet, cette loi interdisait de scolariser, sauf quelques exceptions, des enfants grecs dans des systèmes scolaires étrangers. Ce n'est désormais plus le cas pour les institutions scolaires de l'Union européenne, comme l'École française de Thessalonique. Cette dernière a d'ailleurs vocation à se développer et, pour moi, à l'instar du lycée franco-hellénique à Athènes, a un rôle central à jouer dans le rayonnement à moyen terme de la francophonie dans la région. 

Quelles sont les autres activités de l'institut français de Thessalonique ?
Nous menons, en lien étroit avec l'ambassade de France en Grèce, une politique complète d'action culturelle et de coopération pour le rayonnement de la francophonie et de la culture française en Grèce du Nord. Dans ce cadre, nous agissons dans tous les domaines : information sur les études en France, offre documentaire et multimédia de plus de 10 000 ouvrages, soutien et mise en place d'une programmation culturelle variée dans et hors nos murs, participation aux débats d'idées et à la diffusion des savoirs, coopération scientifique en lien avec les universités et les centres de recherche comme EKETA, etc. Notre objectif est de retrouver, globalement, un niveau d'intensité qui corresponde à la fois aux attentes des Thessaloniciens et au souhait des publics francophones. L'Institut doit être un lieu de rencontre, une maison ouverte à tous, qui coopère avec toutes les institutions de la ville, grecques et étrangères, dans un esprit européen de diversité culturelle. Enfin, en mettant en avant le côté innovant de ce qui se fait en France dans tous les domaines de la coopération, nous souhaitons identifier et attirer les jeunes élites grecques. Sans conteste, ils constituent, avec les élèves qui se forment maintenant à l'École française de la Mission Laïque Française, la pépinière de la relation franco-grecque de demain.

Pensez-vous que le nombre croissant d'entreprises françaises s'installant en Grèce vous aidera à promouvoir le développement de la langue française?
Les entreprises françaises qui s'installent en Grèce entraînent dans leur sillage à la fois une image de la France et une présence du français dans le paysage quotidien grec. Ma conviction est qu'il pourrait y en avoir davantage en Grèce du Nord. Cela pourrait se faire par exemple par le biais du développement du tourisme vert, de l'agrotourisme : le potentiel de cette magnifique région est énorme, l'expertise française très utile dans ce domaine et tout le monde a à y gagner.

Un dernier mot pour clore cet entretien ?
Je souhaite vivement que l'IFT et l'EFT, forts de la richesse de leur passé plus que centenaire et grâce à des équipes dévouées, contribuent toujours plus à donner intensité et épaisseur à la relation franco-grecque dans le Nord du pays.
Enfin, j'aimerais citer une grande dame de la chanson grecque, Haris Alexiou. Quand elle chante cette phrase toute simple : « ??????????????????», j'y crois. Et puis, elle a raison : il est toujours bon de penser que le meilleur reste à venir !
Hind Boughedaoui (www.lepetitjournal.com/athenes.html) Mercredi 16 décembre 2009

Programme des manifestations et activités de l'Institut français de Thessalonique : sur le site www.ift.gr

 

BIO EXPRESS

Directeur de l'Institut Français de Thessalonique depuis le 1er septembre 2009, Julien Chiappone-Lucchesi a fait ses humanités en France et à l'étranger : des études en sciences politiques, relations internationales, linguistique et civilisation parallèlement au Conservatoire de musique où il a étudié le violon. Il a ensuite effectué un troisième cycle à l'école normale puis dans une école d'administration avant d'intégrer le ministère de la défense comme chargé de mission en 2008 où il s'est occupé des affaires sociales. C'est essentiellement une passion pour les langues, et leur dimension culturelle, qui l'a mené vers des expériences à l'étranger : au Liban, en Allemagne, dans la péninsule balkanique, en Afrique de l'Ouest. En 2004, il a effectué sa première expérience en chancellerie diplomatique à l'ambassade de Belgrade.
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Publié le 16 décembre 2009, mis à jour le 13 novembre 2012

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