Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

INTERVIEW - Catherine Suard, directrice de l'Institut Français d'Athènes

Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 10 novembre 2008, mis à jour le 9 janvier 2018

Une nouvelle directrice est arrivée à l'Institut Français. Catherine Suard vient ainsi, après 3 ans, remplacer Alain Fohr et nous présente dans une longue interview ses projets pour l'Institut. Thèmes principaux autour desquels se développera son programme : l'environnement et la Méditerrannée

Catherine Suard,directrice de l'IFA (Photo del'IFA)

Tous les instituts du pourtour méditerrannéen vont essayer de porter ces objectifs gouvernementaux, sous l'impulsion de leur ministère de tutelle, le ministère des Affaires Etrangères français. Ce n'est donc pas un hasard si , en plus de sa fonction de directrice de l'IFA, Catherine Suard est aussi conseillère d'ambassade. Lors d'une longue interview accordée au Petit Journal, Catherine Suard s'est expliquée avec beaucoup de dynamisme et d'enthousiasme sur ses projets.

Sur la question de l'enseignement du francais d'abord, en défendant notamment l'idée qu'il fallait aujourd'hui partir à la conquête d'un nouveau vivier d'étudiants susceptibles par la suite de rejoindre les écoles et facultés françaises. Sur la question culturelle ensuite, en rappelant le rôle de diffusion de la civilisation francaise d'un outil comme celui de l'IFA. Extraits.

Le Petit Journal : Quel a été votre parcours jusqu'à cette nomination à la tête de l'Institut Français d'Athènes ?
Catherine Suard : "J'ai derrière moi 22 ans de carrière au service de la coopération internationale du Ministère des Affaires Etrangères. J'ai commencé en 87 par un poste à Paris où je m'occupais de la coopération culturelle et technique avec les pays de l'Afrique anglophone. Je suis partie après cela au Nigéria pour quatre ans comme numero deux du service de coopération. Je suis ensuite partie en Estonie qui a été une expérience passionnante parceque c'était l'époque de transition entre le régime sovietique et l'entrée du pays dans l'Union Européenne. Après un retour de 6 ans à Paris, je suis enfin partie 3 ans en Bulgarie en tant que directrice de l'institut francais de Sofia et conseillère d'ambassade. Exactement le même schéma qu'ici donc".

Parlons d'abord de la fonction de centre de langue de l'IFA. L'année 2008, élue année du débat interculturel et du multilinguisme par la Commission Européenne se termine. Pour quelques mois encore cependant le multilinguisme sera encouragé dans la communauté. Quelle est pour vous la place de l'IFA dans cet effort ?

"Chaque pays a son contexte et en Grèce ce qui est saisissant, c'est la dimension francophone des élites grecques. Mais l'on observe un recul de l'apprentissage du francais chez les plus jeunes. Je pense que l'on perdrait beaucoup à se positionner sur une position défensive, c'est a dire en voulant à tout prix reconquérir des parts de marché par rapport à l'anglais par exemple. Aujourd'hui, il me semble normal et même nécessaire qu'un citoyen européen parle plusieurs langues européennes.Il faut juste être vigilants pour que le francais reste une langue que l'on ait envie voire besoin d'apprendre en Europe. C'est cela le multilinguisme".

Dans ce pays particulièrement francophile qu'est la Grèce comment envisagez-vous de convertir à la francophonie des étudiants qui se tournent de plus en plus vers l'anglais, jugé plus à même de leur ouvrir les portes des formations qu'ils poursuivent en Angleterre et aux USA ? Il semble en effet que la France, bien que jouissant toujours d'une relativement bonne image sur le plan culturel, ne soit guère jugée très performante sur le plan de ses formations... l'IFA a t'il un rôle à jouer sur cet aspect là ?
"Deux aspects à la question. D'abord il faut absolument continuer à enseigner aux plus jeunes car c'est là que se trouve notre vivier pour l'avenir. En Grèce, le réseau des annexes de l'IFA a été réduit drastiquement et les frontistirios occupent le marché. D'ailleurs avec succès. Près de 40 000 personnes sont ainsi inscrites pour passer nos tests de langue dont seulement une infime portion étudie dans nos classes. Je ne suis pas contre l'idée de mettre en place un système de collaboration avec les meilleures de ces frontistirios, en les labellisant par exemple, ce qui permettrait de créer ce vivier dont nous parlons.
Mais pour encourager les jeunes à apprendre le francais, il faut aussi montrer que cela sert à quelque chose ! Et c'est vrai que la France souffre du manque de visibilité de son offre sur le plan de l'enseignement supérieur. Les meilleures écoles de commerce et d'ingénieur sont en France mais personne ne le sait ! En Grèce, la France n'a pas de Centre d'Education Libre. Doit-on en mettre en place ? Cela doit-il se passer au sein de l'IFA ? Je réflechis à toutes ces pistes en ce moment."

Dans votre dernier poste à Sofia vous aviez mis en oeuvre « un plan français pour l'europe » visant à former des fonctionnaires en langue française... Souhaitez-vous tenter l'experience en Grèce et pour quelles finalités ?
"La Grèce est membre de la francophonie et donc éligible au "Plan Francais pour l'Europe". L'enjeu est de garder la langue francaise comme outil de communication au niveau européen et pour cela il faut que les décideurs en charge des dossiers européens soient formés à cette langue. Dans ce contexte, l'IFA est prestataire de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et, même si ce plan a été d'abord pensé pour les nouveaux pays entrants [de l'est] je pense que l'on peut l'implanter ici en Grèce."

Le nombre croissant des entreprises françaises s'installant en Grèce joue t-il un rôle dans le développement de la langue française ici ?
"Oui bien sur. Mais le vrai enjeu est auprès de toutes les entreprises internationales implantées en Grèce qui ont intérêt à ce que leurs cadres soient mobiles dans toute l'Europe et que donc ils parlent plusieurs langues. Là encore la notion de multilinguisme est importante. L'IFA a d'ailleurs développé une série d'offres à la carte, très flexibles, à destinations de ces entreprises".

Sur la question de l'IFA comme outil de rayonnement de la culture française. L'une des critiques faîtes à l'état français est précisément que les budgets liés à l'action culturelle rétrécissent d'année en année. Et que le réseau des centres à l'étranger se résument de plus en plus à leur activité d'enseignement de la langue française... Que pensez-vous de ce débat ? Et plus largement, quels aspects de la culture française devraient selon vous être diffusés dans le réseau ?
"Sur la question des credits, je ne ferai pas de commentaires, étant soumise à un devoir de réserve. Mais ce qui est sur, c'est que nos instruments à l'étranger sont aujourd'hui en situation de concurrence et qu'il faut donc les faire vivre comme des entreprises de ce point de vue là. Ce qui était autrefois de l'ordre du monopole de l'IFA est aujourd'hui pris en charge par les partenaires cultutels grecs. Alors faut-il garder les mêmes ressources alors qu'il semble normal de développer l'influence de la France dans les nouveaux territoires que sont par exemple l'Inde ou la Chine ? C'est un débat. Pour ma part, je pense qu'il faut faire attention à ne pas laisser le terrain européen en friche. Si la France n'a plus d'image en Europe, elle aura du mal a en imposer une ailleurs. A la question quels aspects de la culture francaise doivent etre diffusés, j'ai envie de dire tous les aspects mais avec une exigence aigüe de qualité, tout en proposant quelque chose d'accessible".

Les instituts d'une maniere génerale mais aussi l'IFA proposent un programme qui porte sur les aspects les plus classiques de la culture francaise. Comment y faire entrer les tendances les plus contemporaines de ce que se passe aujourd'hui en France. Comme par exemple, l'essor des arts de la rue, qui avec le débat sur la démocratisation de la culture, réveille le monde culturel francais.
"Nous avons une double contrainte. Celle de notre public existant qui demande plutôt du classique et que l'on doit respecter et celle aussi de la visibilité. C'est à dire que l'on doit attirer les têtes d'affiches. Aujourd'hui, je pense que l'on doit faire de plus en plus les choses hors les murs en collaboration avec nos partenaires grecs. Cela nous oblige à aller dehors et à renouveler notre offre. Sur la question de promouvoir les artistes issus des arts de la rue francais... oui, pourquoi pas et j'adore mais cela ne prendra que si l'on rentre dans une équation locale. Je viens d'arriver et je ne peux pas encore dire si cela peut fonctionner en Grèce".

Quels sont vos projets pour l'IFA ? Avez-vous déja défini vos lignes de travail et de programmation ?
"Il va falloir se concentrer. Tant en termes de moyens qu'en termes de visibilité, on ne peut plus se permettre d'éparpillement. Il va falloir définir une ligne directrice forte. Et deux dominantes émergent. Une première autour de la Méditerrannée. Il y a une actualité particulière et il faut en profiter [la creation de l'Union pour la Méditerrannée voulue par Nicolas Sarkozy ]. Et la seconde c'est l'environnement. Les deux se croisant d'ailleurs particulièrement bien. Sur le détail, le programme reste encore à definir, pour l'instant on boucle les opérations en cours. Le grand RDV 2009 sera les 10 ans du festival du film début avril que l'on associera avec un hommage à Costa Gavras. Et on essaiera en mai aussi de célebrer les 50 ans de la première illumination, par des Francais, de l'Acropole".

Quelles particularités avez-vous trouvées en arrivant en Grèce et qui seraient de nature à orienter votre projet ? Quel est votre sentiment à l'égard de ce pays ?
"Ici nous sommes à jeu egal. Nous sommes plus dans une situation d'échange et de partenariats que dans une représentation en forme de modèle. Les institutions culturelles grecques existent et il nous faut travailler plus avec elles. Je considère la Grèce comme un partenaire privilegié en Europe car nous avons le même point de vue sur de nombreux sujets et il nous faut donc entretenir cette relation. Mais je note aussi, que sous l'image merveilleuse de chaleur, soleil, lumiere, culture... travailler en Grèce est assez complexe. Il va donc me falloir trouver le bon mode d'emploi ! "
Propos recueillis par Adéa Guillot (www.lepetitjournal.com/athenes.html) lundi 3 novembre 2008

lepetitjournal.com Athènes
Publié le 10 novembre 2008, mis à jour le 9 janvier 2018

Flash infos