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Merouane Mezali, artiste peintre:"Mon univers artistique est le chaos"

Merouane MezaliMerouane Mezali
©Merouane Mezali, artiste peintre algérien
Écrit par Hadia Beghoura
Publié le 3 décembre 2020, mis à jour le 4 décembre 2020

Après les portraits de Yasmine BOURAHLI et Younes KOUIDER, deux artistes algériens contemporains et très talentueux, lepetitjournal.com est parti à la rencontre d’un jeune artiste peintre, Merouane MEZALI à l’univers artistique intrigant. Il donne vie et mouvement aux personnages qu'il peint. 

Merouane Mezali, 23 ans, issu de l’Ecole Nationale des Beaux-arts est un jeune artiste peintre algérien spécialisé dans la peinture de scènes contemporaines. Il entre dans la catégorie des artistes d’art contemporain réaliste.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?

En quittant les beaux-arts, je me suis tourné vers différents jobs. J’ai été décorateur dans des séries télévisées telle que celle de « Achour El Achar », j’ai travaillé sur plusieurs spots avec des marques comme Ramy, Mobilis .. J’ai fait des designs de logos et des portraits sous commande.

Je consacrais plus de temps pour les boulots que je faisais que pour la peinture. Mais à partir de maintenant, je dédie tout mon temps à la peinture car c’est ce que je veux faire.

Décrivez-nous votre art.

Je peins essentiellement des scènes contemporaines. C’est un style réaliste. Mon univers artistique est le chao.

Je rattacherais ce chao au fait que la vie est pour moi une tragédie. L’homme est là pour surmonter la tragédie. La tragédie est surmontable mais l’enfer l’est plus difficilement.  

Pourquoi dites-vous que la vie est une tragédie tout en rattachant cette idée à votre style artistique ?

Dans nos vies on cherche toujours des réponses mais nous ne les avons pas toutes. Si c’était le cas, ça serait plus simple. Par dépit, on se base souvent sur ce qu’on nous dit mais on ne peut pas croire à tout, alors on reste indécis et c’est donc le chaos dans nos têtes. Mais ce n’est pas un discours décourageant. Les gens doivent accepter le fait que la vie est une tragédie et prennent en main les choses et qu’ils puissent convertir ce chaos en ordre en ayant un pied dans le chaos et l’autre dans l’ordre.

Je suis passé moi-même par une période de chaos puis je m’en suis sorti. Je me suis dit que ça doit changer et je m’efforce à mettre de l’ordre dans ma vie.

Dans mes œuvres, je reflète cette vie chaotique à travers ma technique de peinture. Je commence toujours à peindre mes œuvres d’une manière un peu chaotique et par la suite les choses se mettent à leur place. Je puise dans ce chaos pour arriver à un ordre perceptible quand on se met à une certaine distance de l’œuvre et c’est là que l’image devient plus claire, plus « ordonnée », disons-le ainsi.

Oeuvre Merouane Mezali
© Merouane Mezali, peinture à l'huile

Quelles ont été vos influences ?

J’adore le travail qu’a fait Mark Tennant, un artiste peintre contemporain américain, il a la soixantaine, c’est un artiste confirmé. Il peint des scènes contemporaines, des scènes de chaos, de violences policières, de fêtes, de jeunes dans des soirées, des choses de la vie quotidienne à travers des photos prises par de simples téléphones. Sa touche artistique est tellement extraordinaire que lorsqu’il peint une simple chaise c’est exceptionnel.  

Pour développer mon art, j’ai commencé d’abord par copier. J’ai notamment regardé toutes les œuvres de cet artiste peintre, j’ai cherché les références initiales sur lesquelles il s’est basé pour peindre afin d’identifier la différence entre l’image originale et la touche qu’il donne à ces images lorsqu’il les peint.

Il y a un autre artiste qui m’inspire, Casey Baugh, américain, qui fait des travaux avec une technique un peu différente de celle de Mark Tennant. Il peint des scènes mais aussi des portraits mais sa touche donne un côté pas classique à ses peintures. Il utilise aussi le charbon. Pour moi ça se rapproche beaucoup de la peinture, d’ailleurs je l’utilise beaucoup, c’est un bon entrainement.

Quelle peinture utilisez-vous habituellement pour peindre vos œuvres ?

J’utilise principalement de la peinture à l’huile. Ça permet d’avoir tous les effets que je veux. On peut avoir de la transparence. On peut choisir un effet si on veut que ça sèche lentement ou vite, de superposer les couches. On peut créer presque tous les effets qu’on souhaite.

La peinture à l’huile est essentielle pour mon travail. Elle répond mieux à ce que je veux par rapport à d’autres peintures. L’acrylique par exemple sèche trop vite et la couleur change lorsqu’elle sèche. Je ne peux pas la manier comme je le souhaite et je suis limité. D’ailleurs je n’aime pas être limité. J’aime avoir toutes les couleurs à ma disposition et tous les mediums. Pour moi l’innovation commence de là.

Transition faite, comment innovez-vous et quelle est votre touche personnelle qui fait la différence entre vous et les artistes qui vous ont inspiré ?

Je travaille toujours sur ma touche. Je n’estime pas qu’elle soit déjà là et qu’elle n’évoluera pas. Mais pour moi, je dirais que la différence c’est que je ne dessine pas avant de peindre. Je peins directement. Quand je commence à peindre avec des couleurs mélangées les unes aux autres, on a l’impression que l’image ne veut rien dire. Mais plus on recule plus l’image commence à venir et on a l’impression que c’est une photo. Et plus on s’approche, plus on observe les détails des touches et du type de pinceau que j’ai utilisé. Je veux que le spectateur remarque justement le travail fait par l’artiste. Je ne veux rien lui cacher. Mais parfois, j’aime travailler des œuvres floues. Je n’aime pas me limiter dans mon art.  

Y-a-t-il des artistes qui travaillent dans le flou et qui vous inspirent ?

Il y a un artiste qui le fait, Wendelin Wohlgemuth, artiste germano-américain, qui fait beaucoup dans le flou et l’abstrait. Par contre ce ne sont pas ses références ou photos prises par lui mais plutôt trouvées sur le net. Ce sont des photos bizarres, détériorées, qu’il floute et qu’il ramène à la vie avec sa touche. Il travaille avec beaucoup de transparence. C’est-à-dire qu’il crée son œuvre, il peint normalement sans technique précise pour créer son flou, puis il rajoute des films de couleurs transparentes qui teintent légèrement le tableau mais ne changent pas la forme qui est en dessous et c’est ce qui m’a beaucoup inspiré.

Combien d’œuvres avez-vous réalisé à ce jour et quelle est votre œuvre préférée ?

Depuis que j’ai quitté l’école en 2019, j’ai fait à peu près une vingtaine d’œuvres.

Ma préférée est « The Selfish gene ». C’est une image de l’époque coloniale que j’avais trouvé sur le net. C’était une période où j’étais vraiment en manque d’inspiration. Je me suis dit arrête, peins n’importe quoi pourvu qu’il y ait un soupçon de profondeur. On y voit une femme entre deux soldats qui a l’air terrorisée. Puis je me suis dit est ce que je reproduis l’image telle qu’elle est ou pas. Et là j’ai flouté l’image et j’ai complètement changé la composition et j’ai travaillé avec beaucoup de techniques, une symétrie dynamique, j’ai cadré l’image, j’ai choisi un format pas conventionnel, rectangulaire, en format portrait. J’ai la transparence du noir qui n’est pas souvent exploitée. Je ne m’attendais pas à ce résultat. Ça m’a pris environ 10 jours pour finir cette œuvre, 8H par jour non-stop. Quand j’ai fini, je me suis dit c’est mon meilleur tableau car c’était fun de travailler sur cette œuvre.

Merouane Mezali peinture
© Merouane Mezali, "The Selfish gene"

Une autre de mes œuvres que j’apprécie particulièrement et qui est « Extraverted Sensing » . Son nom est en rapport avec le « Myers-Briggs Type Indicator » (MBTI) tiré des études psychologiques de Carl Gustav Jung sur les stéréotypes. Jung a typé des gens et les a mis dans certaines catégories. Il disait que les gens sont des « archétypes ». Certes chacun est unique mais on appartient quand même à un archétype. J’ai tellement lu Jung que c’est devenu mon vocabulaire. Quand j’ai vu ce tableau, c’est le premier mot que j’ai eu en tête, « Sensation extravertie », une connexion avec le monde sensoriel. Pour moi des gens dans une « rave party » à danser, les yeux fermés, à fêter quelque chose, je trouve ça super beau.

Vous m’avez dit en off qu’il y avait auparavant une autre peinture en dessous de celle de « Extraverted sensing » et que vous avez complètement effacé en peignant ce tableau.

Tout à fait, je l’ai peinte sur une autre de mes œuvres que je n’ai pas aimé et que j’ai recouverte de noir. La base de cette œuvre est donc noire. L’éclairage est celui d’un flash d’un appareil photo. C’est un éclairage au contraste élevé. Une lumière blanche qui cerne bien la scène. Le fait de travailler sur un fond noir était intéressant. J’ai aussi voulu donner du mouvement à cette peinture.

Merouane Mezali peinture
© Merouane Mezali, "Extraverted sensing"

Quels sont vos futurs projets ?

Je veux faire une exposition extraordinaire et inoubliable à travers un aménagement qui me permet de créer une expérience particulière. Non pas une expo banale où les gens viennent voir des œuvres exposées, en acheter quelques-unes et repartir. Je veux que mes œuvres soient connectées à de la musique, des lumières par exemple et des expériences sensorielles.

Un autre projet me tient à cœur. Je réintègrerai peut être l’Ecole Nationale des Beaux-Arts pour deux raisons : la première est que j’aurai un atelier où peindre, la deuxième est que je souhaite réaliser un film documentaire sur une expérience que j’ai vécue à l’école. J’ai un père réalisateur, une mère présentatrice et j’ai toujours baigné dans ce monde de l’audio-visuel. Je ne veux pas restreindre mes options. J’ai commencé son écriture. Ma mère m’aide beaucoup d’ailleurs car elle en écrit aussi. J’ai donc envie de l’écrire, le réaliser et peut être même d’y jouer.

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Sur Instagram: https://www.instagram.com/merouane_mezali/

 

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