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Chantal Levy (LIAD) - "Les enseignants ont dû être très courageux"

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©Hadia Beghoura pour lepetitjournal.com: Madame Chantal Levy, Proviseure du LIAD d'Alger
Écrit par Hadia Beghoura
Publié le 7 décembre 2020, mis à jour le 22 janvier 2021

Lepetitjournal.com est parti à la rencontre de Madame Chantal Levy, Proviseure du Lycée International Alexandre Dumas d'Alger. C'est dans son bureau au sein du LIAD que Madame Levy nous a accordé cette interview en date du 26 novembre 2020. 

Quel a été votre parcours avant de devenir proviseure ?

J’ai passé mon CAPES, concours de professeur certifié de SVT en 1995 et j’ai enseigné pendant 9 ans. En 2004 j’ai passé le concours de Personnel de Direction que j’ai eu et je suis devenue Personnel de Direction depuis cette année. J’ai un parcours d’enseignant assez classique dans trois établissements. Une année en lycée, c’était mon année de stage, ensuite huit années en collège et ma dernière année en lycée.

Quelle est la journée type d’un proviseur ?

Je ne sais pas vraiment s’il y a de journée type, c’est ce qui est bien dans ce métier. Je bouge tout le temps. Nous avons d’abord toute la lecture du courrier administratif qui arrive par mail, puis nous avons des réunions qu’on organise avec mes collaborateurs proches. Il y a aussi une partie de mon temps que j’aime particulièrement et qui est de marcher dans la cour et être en contact des élèves, notamment à l’ouverture. De temps en temps je suis au portail.  

En plus du LIAD (Lycée International Alexandre Dumas) à Alger, j’ai trois autres sites à gérer. Un à Oran, un à Annaba et l’EPIAD (Ecole Primaire Internationale Alexandre Dumas) à Alger mais sur un autre site. Je suis obligée de me déplacer vers les annexes mais avec la conjoncture actuelle il est assez compliqué de le faire. Néanmoins, grâce aux moyens de communication, nous restons toujours en contact avec nos autres établissements scolaires. Quand les visio-conférences sont apparues au mois de mars, je me suis dit que c’est très utile car je peux regrouper tout le monde en même temps et plus souvent.

Ensuite il y a des journées atypiques lorsqu’il y a un sujet particulier qui émerge et que nous devons traiter pendant un certain temps de travail par exemple une crise sanitaire comme celle que nous vivons actuellement.

Comment se fait la désignation d’un proviseur pour un établissement français à l’étranger ?

Je suis rattachée au Ministère de l’éducation nationale et l’AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger) qui est un opérateur du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères français. Ça veut dire que lorsqu’on travaille pour l’AEFE, nous sommes détachés du Ministère de l’éducation nationale vers le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères. C’est donc l’AEFE qui organise le recrutement des personnels pour ces établissements, personnels de façon générale détachés, qu’ils soient résidents ou expatriés. Les personnels de direction sont tous expatriés. 

Pour les personnels de direction ça se passe en décembre. On passe devant des membres de la direction de l’AEFE à Paris. La procédure est qu’on candidate, on présente une lettre de motivation, on remplit un dossier puis on est short-listé et enfin ils choisissent pour nous l’un des pays de la liste qu'on aura préalablement présentée. Le recrutement est un moment très intéressant dont je garde un bon souvenir.  

Pouvez-vous nous faire une brève présentation du LIAD, ses annexes et l’EPIAD ?

Le LIAD, qui est l’établissement mère ou appelé le « vaisseau mère », a ouvert en 2002. Le collège a ouvert en 2007 et l’EPIAD a ouvert sur un autre site en 2012. Ensuite, les deux annexes, Oran et Annaba, ont respectivement ouvert en 2017 et 2018. A Annaba, il n’y a que l’école élémentaire et à Oran il y a l’école grandes sections maternelles, école élémentaire et trois niveaux de collège jusqu’à la 4ème.

Sur le LIAD, au total, c’est un beau bateau d’environ 2100 élèves, dont 570 élèves pour le lycée et 670 élèves pour le collège et sur l’EPIAD 670 élèves. J’ai trois directeurs qui m’aident dans mes tâches, un à l’EPIAD, un à Annaba et un à Oran.

Sur le LIAD il y a 102 enseignants dont 42 détachés. Un tout petit peu plus de personnels engagés sur un contrat local que de personnels détachés depuis la France et il y a trois expatriés. Sur l’EPIAD, il y a 52 personnels au total, dont 15 enseignants détachés, parmi eux deux expatriés. Nous comptons dans les enseignants les vacataires et les remplaçants car quand nous en avons besoin ils sont là.

Quels sont les départements qui composent le LIAD ?

Tous les gros services sont basés au LIAD à Alger notamment le service ressources humaines et le service financier. Nous avons bien sûr la vie scolaire qui est propre au LIAD. Il y a une toute petite vie scolaire au collège à Oran car il n’y a que trois niveaux et une seule classe de chaque. Nous avons un secrétariat dans chaque site et des personnels de services techniques. Mais la base de l’administration est sur le LIAD ce qui fait quatre belles structures à gérer du point de vue des services administratifs.

Quelle est la différence entre le LIAD et l’EPIAD et un lycée, collège ou primaire classiques en France et comment gérez-vous tous vos établissements scolaires ?

En France, c’est rare si ce n’est inexistant, où vous avez une seule structure qui rassemble une école, un collège et un lycée. Généralement vous avez l’école de secteur ou plusieurs écoles, un collège et un lycée dans les petites villes. Plus la ville est grande, plus il y a de collèges et de lycées.

Ici c’est assez particulier. Même si j’ai des directeurs, le pilotage général me revient. Je dois en permanence penser au LIAD, aux annexes à Annaba et à Oran ainsi qu’à l’EPIAD. Mais ce qui est intéressant, c’est que nous donnons un élan général à ces établissements avec l’AEFE notamment pendant la semaine des lycées français du monde (du 30 novembre au 5 décembre 2020) que nous lançons dans les quatre sites et ça part d’ici.

En France on peut avoir des établissements multi-sites mais c’est rare d’en avoir dans d’autres villes.

Sur l’interne, j’ai les mêmes responsabilités qu’en France même si j’ai plusieurs sites à gérer mais ce qui va changer ce sont les spécificités locales ; le public, les usagers, les personnels (locaux et détachés). Nous sommes donc obligés de connaitre le code du travail car nous avons des collègues qui travaillent selon le droit local et qui prime sur le reste.

Ce qui est très intéressant quand on travaille pour ces structures à l’étranger c’est que nous travaillons en lien avec l’ambassade. Ce n’est donc pas le même fonctionnement que lorsqu’on travaille avec le rectorat.  Nous travaillons très bien ici avec le service de coopération d’actions culturelles, notamment le COCAC (le Conseiller de Coopération d’Actions Culturelles). Ce qui change c’est les projets qui ne viennent pas que du LIAD mais qu’on nous propose de l’extérieur, notamment de l’ambassade, de l’institut français, de partenariats, de l’AEFE. Il y a de gros projets de l’AEFE qui nous donnent une dimension au sein du réseau très intéressante. Puis il y a une échelle intermédiaire qui est l’échelle avec la zone avec laquelle nous travaillons et qui implique l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Une sorte de grande académie. Les distances et les différences de cultures sont d’une richesse incroyable qui nourrit le quotidien de notre travail.

En termes de programme, c’est le programme français. L’OIB (Option Internationale du Bac) existe aussi en France. En Algérie, l’OIB est basée sur la langue arabe, ce qui fait partie des accords bilatéraux de l’ouverture du LIAD en Algérie.

Quelles sont les activités scolaires et extra-scolaires de vos établissements ?

Il y a les clubs, notamment au LIAD, comme le club mathématiques, le club science po, club Modèles des Nations Unies, l’atelier théâtre. C’est la richesse de l’établissement et ça se passe souvent le mardi après-midi. Il y a l’association sportive qui cette année explose et où beaucoup de jeunes y sont affiliés mais aussi les partenariats notamment avec l’Institut français que nous utilisons beaucoup actuellement dans le cadre de l’hybridation de cours où pendant la semaine, une partie des élèves est en cours, et une autre partie de la classe est à la maison. Cela permet aux élèves qui restent à la maison de garder un lien social.

Pour l’EPIAD, nous avons le périscolaire pour les petits en lien avec une association qui est gérée par l’association de parents d’élèves avec des animateurs qui proposent des échecs, des sports collectifs …

Dans le cadre des programmes, nous avons des sorties cinéma, sorties théâtre… En ce moment nous les organisons uniquement à l’Institut français car, vue la conjoncture actuelle, tout est encore fermé. Dans un monde hors Covid, comme l’année dernière, il y a eu des voyages qui ont été organisés, des projets internationaux comme « Ambassadeurs en herbes » qui font partie des projets de l’AEFE. Parmi les voyages il y a eu une rencontre sportive à Dubaï. Une autre rencontre était prévue aux Etats Unis mais qui malheureusement a été annulée à cause de la crise sanitaire. J’avais prévu beaucoup de voyages en Algérie. D'ailleurs, j’avais demandé aux collègues de se recentrer sur l’Algérie car il y a une richesse culturelle et géographique incroyable et que nous devons sensibiliser les élèves sur leur environnement proche. Ces voyages sont reportés pour l’année prochaine.

Cette année 2020 a été et est toujours marquée par la crise sanitaire due à la propagation du Coronavirus. Ainsi, la rentrée scolaire s’est faite dans un contexte très spécial. Comment s’est déroulée cette rentrée scolaire ? Quelles sont les mesures prises jusque-là par votre direction ?

La rentrée fut difficile, pour les élèves comme pour les personnels et les parents car il y a eu un contexte sanitaire mondial qui n’est pas spécifique à l’Algérie. Nous avons repris selon des modalités hybrides, c’est-à-dire que nous avons des élèves qui viennent en alternance, groupe A, semaine A, groupe B, semaine B et c'est toujours d'actualité. Cela nous permet de respecter les normes sanitaires qui sont exigées. On voit que de l’autre côté de la méditerranée on l’applique de plus en plus et je pense que nous avons été avant-gardistes.

Je parle d’une rentrée difficile car les enseignants ont dû être très courageux et le sont toujours car ça veut dire faire une relecture de ses pratiques professionnelles quotidiennes, et franchement on ne peut que leur tirer notre chapeau car c’est inédit dans une carrière quand on vous dit du jour au lendemain de mettre en place une autre méthode. Ce sont eux qui ont maintenu le cap. Et ce que j’ai dit aux parents c’est que c’était magique de revoir les yeux des enfants car ça nous avait tellement manqué.

Il ne faut pas oublier que le LIAD compte environ 200 personnels. Ça ne fonctionnerait pas sans le travail tout aussi admirable des personnels administratifs qui eux aussi doivent s’adapter aux conditions sanitaires et qui ont dû revoir leur façon de faire et je leur tire aussi mon chapeau. Ce sont pour moi des leçons d’humilité.

Quelles ont été les mesures sanitaires les plus difficiles à appliquer ? 

Je pense que pour les grands, le port du masque n’est pas ce qu’il y avait de plus compliqué. Pour le primaire en revanche, depuis que c’est devenu obligatoire dès l’âge de 6 ans c’est un peu plus difficile pour eux.

Mais ce qui est dur c’est cette spontanéité des enfants qui doit être en quelque sorte contrôlée. C’est tout autant difficile pour nous d’être toujours en mode vigilance. Dire à des enfants de devoir se séparer essentiellement en maternelle, c’est très spécifique.

Si toutefois un reconfinement total venait à être appliqué en Algérie, quelles sont les mesures que vous avez prévues afin de ne pas interrompre le programme scolaire ?

Si toutefois nous étions amenés à un reconfinement total, on passerait au 100% distanciel. C’est une méthode que nous maitrisons maintenant. Ça ne nous perturbera pas par rapport à l’avancement du programme. Les jeunes s’adaptent et les enseignants savent faire.

Est-ce que votre établissement est soumis aux décisions internes du pays dans lequel il se trouve en termes de gestion de la crise sanitaire ou êtes – vous totalement indépendant ?

Nous ne sommes pas totalement indépendants. Nous vivons selon le rythme du pays. Un très bon exemple, quand il y a eu fermeture des écoles le 15 mars en France, nous avons fermé le 12 mars au soir comme les écoles algériennes.

Pour d’autres types de mesures, je peux être en lien par exemple avec la protection civile notamment sur les extincteurs. Ils viennent voir si nous sommes aux normes internes du pays. Sinon sur les autres aspects, la gestion est interne.

Comment sont gérés les établissements scolaires français basés à l’étranger ?

C’est l’AEFE qui gère l’organisation des établissements scolaires mais nous avons toujours une double tutelle. L’éducation nationale gère tous les programmes et l’agence gère tout ce qui est personnel et ressources humaines pour les détachés. Au niveau de la direction, nous avons notre supérieur hiérarchique direct qui est l’Ambassadeur de France, par l’intermédiaire du COCAC. Nous avons un encadrement de proximité où en France le recteur est assez loin des chefs d’établissements. Ici par exemple en Algérie il n’y a qu’un seul établissement français en plus de la « Petite école d’Hydra » mais il n’y a qu’un seul proviseur. Ça veut dire qu’avec le COCAC, il y a un lien constant sur tous les sujets qui le nécessitent. Les échanges sont facilités par sa disponibilité pour le LIAD, je l’en remercie.

Qui est votre interlocuteur direct en France ?

C’est la Chef de secteur au sein de l’AEFE qui est mon interlocutrice pour tous les sujets pédagogiques, ressources humaines et sécuritaires. Elle connait très bien ses établissements et nous sommes en lien avec le COCAC. C’est donc un triangle entre le Chef de secteur à l’AEFE, le COCAC et le Proviseur.

En termes d’orientation des élèves, quel accompagnement reçoivent-ils pour leurs choix d’inscriptions aux universités françaises ?

Depuis la réforme du baccalauréat de la première session 2021, il a été mis en place dans les établissements scolaires un volet très important sur l’orientation. Au LIAD nous l'avons décliné sous forme de ce qu’on appelle « l’accompagnement personnalisé orientation ». Nous avons mis encore plus le paquet que ce qu’on peut faire en France. Il y a une vraie nécessité ici car il y a une forte demande de nos élèves d’aller étudier en France et à l’étranger de façon générale.

La réflexion sur le choix de leur orientation est la même, que ça soit pour des élèves qui veulent étudier en France ou en Algérie. Après, de notre côté, nous leur présentons ce que nous connaissons du système supérieur français mais certains feront le choix de rester en Algérie.

Ils ont donc ces temps d’accompagnement personnalisé spécial orientation. Ce sont des heures pendant lesquelles les enseignants travaillent selon un programme qui est établi par notre référant Bac + 3, Bac – 3. Dans le programme, il peut y avoir des entretiens personnalisés, un travail sur la connaissance du système supérieur français, une connaissance de soi, apprendre à découvrir ses compétences, apprendre à faire une correspondance entre ses compétences et les champs professionnels qui pourraient leur correspondre.

La société économique dans laquelle nos jeunes se placent actuellement leur demande de passer d’un métier à un autre et assez rapidement. Et pour autant, ils doivent être en capacité de se remettre en question, redéfinir leurs compétences à tout moment, plus celles dont ils se sont enrichis dans un précédent post, être en capacité de rebondir sur un nouveau boulot qui peut-être n’aura pas grand-chose à faire avec le précédent. Une gymnastique intellectuelle à laquelle nous les formons et ce dès la seconde, parfois même un peu avant, avec les troisièmes. C’est pour cela qu’on parle du continuum Bac +3/Bac – 3. On est vraiment sur cette grande période de la seconde jusqu’à la licence qui englobe trois années d’enseignement supérieur pendant lesquelles les jeunes font des choix de filières de métiers.

Mais nous sommes là avant tout pour leur apprendre à se connaitre et faire leur choix de formation. Il y a d’ailleurs des rencontres avec les parents. En ce moment, nous faisons des visio-conférences à hauteur de 60 à 80 parents en même temps. Ainsi, pour éviter de renfermer les jeunes dans des filières, car ce n’est pas l’objet de la réforme, nous leur permettons d’élargir le champ des possibilités.

Quelle est la procédure d’inscription au LIAD ou l’EPIAD ?

Maintenant qu’il y a toutes les sections, nos élèves, quand ils entrent en maternelle, et donc à l’EPIAD, peuvent passer leur baccalauréat au LIAD. Mais nous avons toujours des candidatures. C’est un lycée qui est extrêmement demandé. Nous avons en moyenne une dizaine de candidatures pour une place dans l’ensemble de nos quatre sites. A Alger, la demande est très forte et donc il y a des commissions d’étude des dossiers pour l’entrée à tous les niveaux.

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