La Casbah, une médina à l’architecture musulmane et méditerranéenne, est la gardienne de l’histoire d’Alger et de ses traditions. Elle était un lieu stratégique de la guerre d’Algérie où y siégeaient les membres du FLN. Elle tire son nom de la citadelle qui la surplombe. Elle a été conçue par les berbères sous la dynastie des Zirides au Xe siècle.
Son origine est millénaire si nous prenons en compte son passé punique et romain. En 1992 elle a été classée au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO.
Devenue lieu incontournable d’Alger, la Casbah attire chaque année des touristes venus de toute l’Algérie et de l’étranger. En effet, plusieurs agences de voyage et guides touristiques font la promotion des visites guidées, des diners pour les célébrations pendant lesquelles bon nombre de ses habitants ouvrent les portes de leurs maisons pour des soirées dans un cadre purement algérois.
Casbah d’Alger, El Djazair El Mahroussa
Construite sur une pente, la Casbah surplombe le site de la médina. On l’appelle El Djazair El Mahroussa, « Alger la bien gardée ». Ses rues sont très étroites et ne permettent pas le passage de véhicules, elle est entièrement piétonne. D’ailleurs, le ramassage des ordures se fait à dos d’âne.
L’architecture des maisons de la Casbah est caractérisée par son cachet musulman et méditerranéen. Elles ont toutes un patio qu’on appelle « wast edar », lieu de convivialité des familles et d’accueil des invités. On y trouve généralement un puit ou une fontaine. Le point fort de ces maisons ce sont leurs terrasses qui offrent une vue imprenable sur la baie d’Alger.
La Casbah a cinq portes qui sont ses points d’accès. Au sud-ouest se trouve Bab El Djedid (Porte Neuve) qui a été détruite par l’administration française mais dont le passage reste encore apparent. Au sud-est, Bab Azoun qui est ouverte sur Bab El Oued, lieu de passage fréquent tout au long de la journée. A l’est, Bab El Bahr (porte de la mer) et non loin Bab El Djezira (porte de l’île). La première permettait le passage des marchandises et la seconde donne accès au port. Enfin, au nord, il y a Bab El Oued, nom donné aussi à l’un des plus célèbres quartiers populaires d’Alger.
Un square appelé Square Port Saïd, relie la basse Casbah et Alger-centre. Son nom d’origine était Square Aristide Briand qui a été baptisé Square Port Saïd, nom de la ville égyptienne suite à la visite du président de l’époque Nasser en 1963. Plusieurs plantes et arbres exotiques sont présents comme des Palmiers, des Mûriers, des Bambous, des Ficus, des Magnolias d’Asie et des Lataniers.
La Casbah est également un symbole fort de la guerre d’Algérie. De grandes figures de la guerre notamment Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, Krim Belkacem, Saad Dahleb, Benyoucef Benkhedda qui étaient tous membres de ce qu’on appelait le CEE, Comité de coordination et d’exécution, s’y sont établis et en ont fait leur QG. La Casbah est aussi le lieu de la « bataille d’Alger » en 1957 lors de laquelle Yacef Saadi s’est opposé à la 10ème division de parachutistes de l’armée française sous le commandement du général Massu. Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, Hamid Bouhmidi et le Petit Omar cernés par l’armée française et qui se font tuer lors d’une importante explosion sont des martyrs de la guerre d’Algérie qui ont marqué l’histoire de la Casbah à jamais.
Palais et lieux de culte musulman de la Casbah
Les principaux palais de la Casbah sont Dar Aziza, Dar Hassan Pacha, le Palais Mustapha Pacha, Palais Ahmed Bey, Dar Khdaoudj Al Amia, Dar Soltan, Palais des Raïs ou appelé Bastion 23. Ce dernier est devenu le lieu d’accueil des évènements culturels tels que des expositions, des rencontres artistiques et autres évènements principalement dans le domaine de l’art. D’autres palais dits palais d’été sont pour la plupart situés en extra-muros. Le plus célèbre est celui du Bardo actuellement devenu un musée portant le même nom.
La Casbah est également caractérisée par ses incontournables lieux de culte musulman. Pendant la colonisation française, certaines mosquées sont devenues des cathédrales pour redevenir des mosquées à l’indépendance.
Des mosquées historiques s’étendent jusqu’à la basse Casbah. On retrouve Djamaa Ketchaoua, Djamaa El Djedid, Djamaa El Ihoud, Djamaa El Kbir, Djamaa Sidi Ramdane, Djamaa Sidi M’hamed Cherif, Djamaa Berrani et Djamaa El Safir. La plus ancienne d’entre-elles est Djamaa El Kbir construite à la fin du 11ème siècle.
Djamaa Ketchaoua est quant à elle une mosquée unique mêlant les styles mauresques, turcs et byzantins. Pendant l’occupation française, elle a fait office de cathédrale puis est redevenue une mosquée après l’indépendance du pays.
Djamaa El Djedid est une mosquée plus récente construite en 1660 par le Dey Mustapha Pacha.
La Casbah comprend aussi de petites mosquées comme la mosquée Ali Bitchin, un renégat d’origine vénitienne de son vrai nom Picenio converti à l’islam.
Autre mosquée très connue, Djamaa El Ihoud, « mosquée des juifs », ancienne synagogue qui devient une mosquée à l’indépendance de l’Algérie.
La culture musulmane est très ancrée dans la vie de ses habitants. La Casbah abrite des lieux rattachés à cette identité musulmane qui la caractérise tant. On retrouve des Madersas (écoles coraniques) dont la plus connue est la Madersa Thaâlabiya bâtie en 1904. Elle a été construite en hommage au théologien maghrébin Sidi Abderrahmane considéré comme le saint patron de la ville d’Alger. On y trouve également des mausolées de grandes figures maraboutiques (hommes musulmans sages, des saints) comme Sidi Brahim, Sidi M’hamed Cherif qui a une fontaine très réputée ainsi que d’autres mausolées.
Boutiques artisanales, restaurants, boui-bouis et cafés de la Casbah
Dans les étroites ruelles de la Casbah, existent encore des boutiques d’artisans dont le savoir-faire a été transmis de génération en génération et qui essaient tant bien que mal de le faire perpétuer. Il y a des artisans qui travaillent le cuivre, le cuir, le bois qui permet entre-autre la restauration des boiseries des maisons ainsi que la fabrication de sendouk, qui sont des coffres faits de bois peint. Il faut faire le tour de la Casbah pour découvrir tous ses artisans gardiens de l’âme de la citadelle.
Le métier de l’artisanat algérois le plus illustre est celui de la dinanderie. On y travaille essentiellement les sniwa, plateaux en cuivre, les mbakhra, encensoirs, tassa, bassines, bérèdes, les théières …
On peut s’attabler dans différents restaurants, boui-bouis et cafés qui vous font baigner dans une atmosphère d’époque. Pour en citer que quelques-uns : « Foie chez Karim » où vous mangerez les meilleurs sandwichs à base de foie. Le Relai Casbah, un café d’un style très atypique, une bonne adresse pour faire une pause et prendre un bon thé fait maison. Le café Malakoff qui vous fera voyager dans l’univers du Chaâbi qui signifie « populaire », ce style musical typique de l’algérois, patrimoine de la ville d’Alger et porté par le célèbre chanteur M’Hamed Al Anka, appelé « Hadj Al Anka ». D’ailleurs, ce qui caractérise ce café ce sont plusieurs photos du chanteur sur ses murs. Le restaurant « Dar Sultan », ancien Hammam à l’époque de Mustapha Pacha, devenu un restaurant depuis 1883, offre un cadre très authentique. Un peu plus loin, à proximité de la Casbah, il y a des restaurants très connus tels que Le Dauphin, Lamirauté ou encore Le Corsaire, au niveau de la pêcherie.
Nous ne pouvons parler des restaurants et cafés de la Casbah sans parler du célèbre café restaurant « TANTONVILLE », mitoyen du grand théâtre national Mahieddine Betchtarzi .On s’y attable essentiellement à sa célèbre terrasse. L’établissement, ouvert depuis 1870, portait le nom de Tourtel –Tantonville qui était une brasserie fondée par les frères Tourtel. Il était autrefois très fréquenté par les intellectuels, journalistes et comédiens du théâtre. D’ailleurs, on y trouve plusieurs photos d’anciens comédiens de théâtre. Il y a gardé son cachet d’époque et ses plats sont à un prix peu onéreux.
La basse Casbah quant à elle regorge de rues marchandes et de marchés. L’emblématique rue de la Lyre, sous le nom actuel rue Bouzrina Arezki, ou « rue de la mariée », appelée ainsi car connue pour ses nombreuses boutiques de robes et tenues traditionnelles. Son marché porte le même nom et se trouve au-dessus de Djamaa Ketchaoua. Plus bas on arrive à la Place de Chartres, elle aussi a un marché qui porte le même nom. On y vend aussi tout plein d’objets utiles, vêtements, chaussures, ustensiles, cosmétiques et autres. Les vendeurs ont pour habitude de crier haut et fort les articles qu’ils vendent ainsi que leurs prix.
Au bout de la rue, sur le côté gauche, on aperçoit des vendeurs de dattes, parmis les meilleures d’Alger. Une réputation que ces vendeurs ont depuis des décennies.
L’art dans la Casbah
En plus du savoir-faire artisanal que ses habitants essaient de perpétuer, la Casbah a depuis toujours été un lieu d’art. Elle y a vu naitre un style musical très ancré dans la culture algéroise et algérienne et qui est le Chaâbi. Il était chanté tant bien par les musulmans que les juifs d’Algérie.
Ce genre musical venu de ce quartier d’Alger a été porté par de grands noms de la chanson algérienne à savoir Cheikh Nador, Hadj Al Anka et Cheikh El Hasnaoui. Le Chaâbi a été de renommée internationale à la suite de la reprise de la célèbre chanson Ya Rayeh de Dahmane El Harrachi après sa mort par le défunt chanteur Rachid Taha qui a redonné vie à cette chanson traduite et interprétée dans les quatre coins du monde. Le Chaâbi est fortement chanté dans les patios des maisons de la Casbah lors des célébrations et essentiellement lors de soirées pendant le mois du Ramadhan.
Le monde du cinéma en a aussi fait son décor. La Casbah d’Alger a inspiré bon nombre de réalisateurs et a donné lieu à plusieurs longs métrages et ce depuis les années 20. Parmi les films les plus célèbres tournés à la Casbah, Sarati le Terrbile (1922) ou encore Tarzan, l’homme singe (1932), L’Etranger (1968) sans oublier le célèbre film algéro-italien La Bataille d’Alger sorti en 1966.
Après l’indépendance, des réalisateurs algériens ont voulu mettre la lumière sur ce quartier de la capitale tel que Merzak Allouache avec ses célèbres films Omar Gatlato (1976) et Bab El Oued City (1994) ou encore plus récent Délice Paloma (2007) du réalisateur algérien Nadir Moknèche.
En 2012, le film El Gusto a aussi réveillé le souvenir de la cohabitation entre juifs et musulmans au sein de la Casbah d’Alger. Ce film montre les retrouvailles entre musiciens musulmans et juifs d’Algérie qui à l’époque jouaient ensemble du Chaâbi.
Toujours dans l’art, la Casbah a aussi inspiré des peintres tels que Eugène Delacroix ou encore Mohamed Racim, natif de la Casbah.
Réhabilitation de la Casbah : projet de grande envergure
Actuellement, la Casbah souffre de par l’effondrement de ses bâtisses qui certaines hélas n’ont pas tenues jusqu’à leur réhabilitation. Un grand projet a été mis en place afin de permettre de conserver ce bijou historique de la ville d’Alger et de l’Algérie toute entière. Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, plusieurs associations se mobilisent afin de tenter de préserver la Casbah.