Nombreux sont ces étudiants qui chaque année viennent des quatre coins de l'Afrique étudier en Algérie grâce à des bourses d'études octroyées par leurs pays et l'Algérie.
Lepetitjournal.com édition Alger est allé à la rencontre de plusieurs étudiants essentiellement venus d'Afrique sub-saharienne. Après avoir recueilli les témoignages de Ben (Ghana) et d'Eloge (Burundi), nous consacrerons cette semaine à une étudiante venue du Mali. Elle s'appelle Adiarra SOGODOGO et elle nous raconte ses expériences, son intégration et sa vie d'étudiante en Algérie.
Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Adiarra SOGODOGO. Mes proches et mes amis m’appellent habituellement Aziza. Je viens du Mali, pays d’Afrique francophone. Je suis née à Sikasso, troisième ville à l’est du Mali. Je suis mariée avec un Algérien et j’ai une fille. Je suis venue en Algérie en 2015. Actuellement, je suis étudiante en dernière année de Linguistique à l’Université de Bouzaréah à Alger et je suis boursière.
Parlez-nous un peu de votre vie dans votre pays et ville d’origines
J’ai commencé mes études à Bamako, la capitale puis j'ai fait le collège et le lycée dans ma ville natale Sikasso. Par la suite, je suis retournée à Bamako pour entamer mes études universitaires en langues à l’Université de Bamako, FLASH (Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines). J’y ai étudié 2 ans et demi.
Ce que j’aimais faire chez moi c’était de participer aux activités artistiques à l’école et passer du temps en famille.
Pourquoi et comment avoir choisi l’Algérie ?
Bien que j’avais déjà fait deux ans d’études chez moi, le système à l’époque permettait de postuler à des bourses jusqu’à deux ans après l’obtention du baccalauréat. Venir en Algérie était un pur hasard. Je voulais étudier à l’étranger. Lorsque j’ai pris connaissance des bourses en Algérie, j’ai candidaté et j’ai été prise.
Est-ce que les étudiants de votre communauté sont nombreux ? Dans quelles villes sont-ils majoritaires ?
Il y a une importante communauté malienne en Algérie, je dirais quelques milliers. Là où je suis sure qu’il y a une forte concentration c’est dans la ville d’Annaba. C’est d’ailleurs la communauté d’étudiants étrangers la plus importante de toutes. Autrement, il y a aussi des étudiants maliens à Oran et dans d’autres wilayas.
Comment s’est déroulée votre arrivée en Algérie ?
Mon arrivée s’est plus ou moins bien passée. Nous étions deux étudiants venus du Mali. La première nuit, nous avons été logés à la cité universitaire de Bab Ezzouar. Le lendemain, chacun a rejoint sa ville d’accueil. En ce qui me concerne, je devais aller à Annaba pour une formation de langue française bien que je suis issue d’un pays francophone. Du fait que la communauté malienne est importante dans cette ville, une association a été formée avec un président et un secrétaire et d’autres membres. D’ailleurs, c’est eux qui m’ont accueillie à l’aérogare. J’avais une chambre seule mais entre nous maliennes on s’organisait autrement. Celle qui s’occupait des filles avait fait une organisation très pratique où une chambre servait de dortoir, une autre pour la cuisine et une autre pour ranger nos affaires.
A Alger, par contre, je suis la seule Malienne à la fac mais il y a d’autres nationalités. Dans ma classe, il y a trois Zimbabwéennes, une Sénégalaise et une Guinéenne.
Racontez-nous votre quotidien dans votre ville de résidence en dehors de vos études.
Depuis quelques temps, je me suis mise à une activité qui consiste à la confection et vente d’habilles et d'accessoires africains faits à base de Wax et Bogolan. Le confinement que nous avons vécu m’a aidée à commencer cette activité. J’ai une page Facebook qui s’appelle Adiarra’s World où on peut retrouver mes articles.
Avez-vous pu vous intégrer facilement en Algérie ?
Je suis de nature à m’adapter facilement donc je n’ai pas eu de grandes difficultés à m’intégrer et à me faire des amis que ça soit étrangers ou algériens. J’ai fait connaissance avec des Algériens principalement à l’université et ailleurs. Certaines situations vous permettent de faire des connaissances.
Quels sont vos lieux préférés dans votre ville de résidence ? Qu’aimez-vous y faire ?
A Alger j’aime bien les Sablettes. Il y a plusieurs attractions et ma préférée est le bateau pirate. Sinon j’aime me balader en bord de mer.
Avez-vous voyagé en dehors de votre ville de résidence ? Si oui, citez-nous les noms des villes visitées.
Je suis allée à Boumerdes, Chréa (Wilaya de Blida), Tipaza, bien évidemment Annaba où j’y ai vécu six mois, Chlef, Boukadir. J’ai envie de visiter Tikjda pour la neige, Oran, Constantine le Sahara. D’ailleurs, je compte aller bientôt à Tamanrasset.
Quels plats ou mets algériens traditionnels avez-vous testé ?
J’ai testé le couscous, le berkoukes, la chakchouka, le couscous noir, la rechta, la Chakhchoukha, la chorba, la h’rira, les boureks et autres.
Et quels sont les plats traditionnels de votre pays ? En avez-vous un que vous préférez ?
Le plat traditionnel au Mali c’est le riz aux grains, avec beaucoup de légumes, du poisson ou de la viande. Mon plat malien préféré est le Fakoye. C’est à base d’une plante qui pousse naturellement, accompagnée de riz blanc et viande de mouton. Ses épices sont spéciales et on retrouve aussi de la cannelle dans ce plat. Dans ma région par contre on est connu pour du couscous à base de mil, une sorte de graine.
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné et/ou étonné à votre arrivée en Algérie ?
L’architecture et la verdure. D’ailleurs, j’ai pris beaucoup de photos à Annaba à mon arrivée. Mais ce qui m’a le plus étonnée, et ça va paraitre bizarre, c’est le ciel en Algérie. J’ai l’impression qu’il est plus proche de nos têtes qu’au Mali, c’est une sensation particulière. Et ce qui est très impressionnant ce sont les chantiers dans toute l’Algérie. D’ailleurs j’en ai parlé partout autour de moi.
Quelles différences avez-vous notées entre la culture algérienne et celle de votre pays ?
Partout au Mali, il y a beaucoup d’activités, même la nuit les villes sont très animées. Bien que le Mali soit un pays à majorité musulmane, il existe des communautés chrétiennes ainsi que celles de croyances ancestrales. Il y a une région chez nous, qui est d’ailleurs la quatrième ville du Mali où nous retrouvons ces personnes appelées les Bambaras. Néanmoins, la vie au Mali est assez simple et chacun vit comme il l’entend. Par exemple les restaurants et les cafés restent ouverts même la journée pendant le ramadan mais la fréquentation n’est pas importante. Seuls les discothèques ferment.
Autre différence, nous avons des codes vestimentaires au Mali. Chaque tissu porté par une femme a sa signification. Il y a un tissu pour la femme mariée, un autre tissu pour la nuit de noces, un tissu pour les femmes célibataires, un autre pour les femmes divorcées et même une couleur spéciale pour les femmes veuves et qui est le bleu. Mais la nouvelle génération ne s’intéresse plus trop aux histoires des tissus et ne fait plus attention aux codes vestimentaires.
Vous venez d'un pays francophone et pourtant vous avez fait une année de langue française au même titre que les étudiants venus de pays non francophones, racontez-nous cela.
Je suis francophone à la base mais on m’a quand-même imposé de prendre des cours de français la première année. Néanmoins, je n’en ai fait que six mois au lieu d’un an car, après évaluation de mon niveau de français, il s’est avéré supérieur à celui des étudiants étrangers venus en même temps que moi.
Arrivez-vous à parler et à comprendre l’arabe, essentiellement l’arabe algérien ? Quels mots ou phrases avez-vous appris jusqu’ici ?
Je ne parle pas vraiment l’arabe mais j’ai appris quelques mots et expressions et je comprends ce que les gens disent mais uniquement quand ils parlent l’arabe algérien et non pas l’arabe littéraire. Le premier mot que j’ai appris est « Atini » (donne-moi). Sinon il y a wesmèk (comment tu t’appelles), bezaff (beaucoup) et autres.
Que vous manque-t-il le plus de chez vous ?
La nourriture, les activités sur place, ma famille.
A ce jour, le coronavirus continue à circuler dans le monde entier et l’Algérie n’en est pas épargnée bien que le nombre de contaminations ait considérablement diminué et les mesures de confinement partiel à domicile sont allégées. Mais lors de la période du grand pic, un confinement sévère a eu lieu en Algérie. Comment avez-vous vécu le confinement et quel impact cela a eu sur vos activités quotidiennes et vos études ?
J’ai très mal vécu le confinement et je pense que c’est le cas de tout le monde. Nous n’étions pas habitués à être contraint de rester chez soi toute la journée. Mentalement, ça a vraiment pesé sur moi. Pour mes activités, j’avais commandé des articles du Mali et je n’arrivais donc pas à avancer, j’étais bloquée. Pour ne pas perdre mes idées, je les notais au fur et à mesure.
En ce qui concerne mes études, au début j’ai résisté car je me disais qu’il fallait terminer l’année dans les temps mais malheureusement ça n’a pas vraiment aboutit. J’ai continué à étudier jusqu’au mois de ramadan même si on ne partait plus en classe mais les rumeurs d’une année blanche m’ont un peu découragée et déstabilisée. Au final, nous avons quand-même passé les examens en ligne.
Après l’obtention de votre diplôme, quels sont vos futurs projets ?
Je compte me consacrer à mes activités de création d’articles africains en Algérie, du moins pour un moment et en quelque sorte vivre entre ici et le Mali. Je peux dire que je suis devenue un peu Algérienne ! Bien que j’aie étudié la linguistique dans le but de faire du journalisme, il y a quelque chose qui a changé et donc je me suis orientée vers l’art. Néanmoins, je compte intégrer l’audiovisuel dans mon projet par exemple en allant sur le terrain et solliciter les Algériens à participer à des jeux autour de la culture africaine et leur permettre de gagner un article. Mon but n’est pas uniquement de vendre mais aussi d’échanger avec les Algériens et les amener à connaitre la culture de mon pays et de créer ce contact.
Que vous a apporté votre expérience en Algérie?
L’Algérie m’a permis de me découvrir, notamment une capacité à me contenir et ne pas réagir à tout. J’ai appris à ne compter que sur moi-même. Aussi, ça m’a encouragé à m’investir dans la création, chose que je n’aurais peut-être pas faite si j’étais restée au Mali.
Quel conseil donneriez-vous à de futurs étudiants étrangers qui viendraient en Algérie ?
Mon expérience m’a appris à relativiser et c’est ce que chacun devrait essayer de faire. Parfois on fait face à des situations compliquées et on doit apprendre à les gérer.
Quel serait le plus beau souvenir d’Algérie que vous emporterez avec vous ?
Tout ce qui m’a permis d’aller au-delà de mes limites et pouvoir me projeter dans l’avenir sans encore y être.