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Le mont Taranaki : quand la Nouvelle-Zélande donne des droits à la nature

En Nouvelle-Zélande, le mont Taranaki n’est pas une montagne comme les autres. Depuis 2017, il est reconnu comme une personne morale. Une décision inédite qui mêle droit, traditions māories et nouvelle relation à l’environnement. Zoom sur cette montagne sacrée devenue entité juridique.

Mont TaranakiMont Taranaki
Un mythe raconte que le Taranaki se trouvait autrefois au milieu de l'île du Nord. Photo : Suzy Bevins
Écrit par Jules Bourlet
Publié le 6 juin 2025, mis à jour le 20 juin 2025

 

Nourrie par les traditions ancestrales māories, la Nouvelle-Zélande repense elle aussi la relation entre l’humain et le vivant. Depuis plusieurs années, le pays engage un virage juridique inédit pour reconnaître la nature comme un sujet de droit. C’est dans ce contexte que le mont Taranaki, volcan emblématique de l’île du Nord, s’inscrit comme un symbole fort de cette évolution. Avec ses 2.518 mètres d’altitude, ce géant solitaire endormi incarne bien plus qu’un simple relief. “Il faut écouter les néo-zélandais conter l’histoire du mont Taranaki pour comprendre l’importance et le poids de ce monument.” raconte Louise, expatriée française, installée à Auckland depuis 2018.

 

Un statut juridique inspiré du droit autochtone

Longtemps ignorées par le droit occidental, les conceptions māories de la nature commencent à influencer profondément les institutions néo-zélandaises. Le mont Taranaki, volcan majestueux de l'île du Nord, a obtenu en 2017 le statut de personne morale, sur le modèle déjà appliqué au fleuve Whanganui, autre entité sacrée pour les Māoris (The Guardian, 30 janvier 2025).

 

“C’est une réparation symbolique et légale importante après des décennies d’injustice” - Jamie Tuuta, négociateur en chef pour Taranaki Maunga

 

En janvier 2025, le Parlement néo-zélandais a adopté à l’unanimité une loi qui renforce cette reconnaissance en donnant officiellement au mont le nom māori Taranaki Maunga et en le désignant juridiquement sous l’appellation Te Kāhui Tupua, entité légale agissant en son nom (Eco Jurisprudence Monitor, 2025). Cette loi est le fruit d’un accord entre l’État et huit iwi (tribus) māories, qui considèrent la montagne comme un ancêtre vivant. “C’est une réparation symbolique et légale importante après des décennies d’injustice”, souligne Jamie Tuuta, négociateur en chef pour Taranaki Maunga. D’un point de vue juridique, cela signifie que le mont peut désormais être représenté par des gardiens (appelés kaitiaki) et bénéficier de droits, notamment celui d’être protégé des atteintes environnementales. Cette évolution témoigne d’une volonté de fusionner droit moderne et traditions ancestrales māories dans la gouvernance écologique du territoire, écrit Kristine Sabillo pour Mongabay.

 

 

 

 

Taranaki, figure spirituelle et symbole écologique

Dans la tradition orale māorie, Taranaki n’est pas simplement une montagne. Solitaire et majestueux, il est un personnage central de la cosmogonie locale. Selon la légende, il vivait autrefois auprès d'autres volcans, Tongariro, Ruapehu, Ngauruhoe, mais après un conflit amoureux, il se serait exilé vers l’ouest où il se tient aujourd’hui. Ce récit fonde le lien sacré que les iwi entretiennent avec la montagne, et justifie leur rôle dans sa protection. En reconnaissant la personnalité juridique de Taranaki, l’État néo-zélandais acte une vision du monde où l’humain n’est pas au sommet de la hiérarchie naturelle, mais en interaction constante avec ce qui l’entoure. Cette démarche place la Nouvelle-Zélande à l’avant-garde d’un droit environnemental repensé, fondé sur la réciprocité entre les êtres vivants.

 

"Donner une voix à ceux qui ne parlent pas le langage humain" - The Guardian

 

Le modèle de gouvernance mis en place repose sur une entité de cogestion composée à parts égales de représentants de l’État et des tribus māories. Ensemble, ils agissent au nom de la montagne, dans le respect des principes du tikanga (droit coutumier māori) et du droit national. Comme le rappelle The Guardian, cette forme de représentation légale vise à “donner une voix à ceux qui ne parlent pas le langage humain, mais qui ont des droits à faire valoir”.

 

La reconnaissance en 2014 de l’ancien parc national de Te Urewera et de la rivière Whanganui en 2017 comme personnes morales, confirme que la nature est un sujet de droit. Un changement de paradigme qui pourrait, à terme, inspirer d’autres pays confrontés aux défis environnementaux et culturels du XXIe siècle.

 

 

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