Ancienne pigiste de l’édition Lepetitjournal.com Wellington, Elsa signe aujourd’hui une websérie documentaire autofinancée qui explore l’impact culturel et touristique de la saga culte sur le territoire néo-zélandais. Entre galères, émerveillements et quête de sens, elle nous raconte son épopée à travers une Nouvelle-Zélande façonnée par le cinéma.


Wellington, 2019. Journaliste fraîchement diplômée, Elsa s’envole pour la Nouvelle-Zélande avec un visa vacances-travail, une caméra dans le sac et le rêve de s’approcher de ce territoire de cinéma qui la fascine depuis l’adolescence. Car ce pays, qu’elle a brièvement exploré 10 ans plus tôt depuis l’Australie, lui évoque avant tout une terre de légendes : la Terre du Milieu.
« Welcome to Middle-Earth. » - Elsa
« Dès que j’ai atterri à Wellington, j’ai vu Gandalf sur un aigle géant. Welcome to Middle-Earth. », raconte-t-elle. Le décor est planté. Pour Elsa, ce voyage n’est pas qu’un break professionnel. C’est un rêve de cinéma. « Je savais que je voulais faire un documentaire. Mais à l’époque, je ne savais pas encore sur quoi exactement. J’ai attendu de ressentir les choses sur place. » se souvient Elsa.
Ce qui la pousse à franchir les 18.500 kilomètres qui séparent la France de la Nouvelle-Zélande, c’est un mélange d’amour du cinéma, de goût de l’ailleurs, et un désir d’expérimenter une autre vie. Mais ce n’est pas sa première expérience en Océanie : « J’avais déjà fait un PVT en Australie dix ans plus tôt. Là, je venais d’avoir mon diplôme, je voulais voir si je pouvais bosser ailleurs qu’en France, même en cumulant des petits boulots si besoin. »
L'idée trouvée sur le tarmac
Au départ, Elsa envisage son projet comme un documentaire classique. Une enquête journalistique sur l’impact de la trilogie sur le tourisme et le développement culturel du pays. Soutenue ponctuellement par Lepetitjournal.com de Nouvelle-Zélande – qui l’avait accueillie en tant que pigiste.
« Les gens écoutaient la musique des films en randonnée.» - Elsa
Les premières images s’imposent à elle rapidement. Le tourisme autour du Seigneur des Anneaux est omniprésent : « Même sur les pages officielles de Tourism New Zealand, ils disaient encore il n’y a pas si longtemps : Welcome to Middle-Earth. Les gens écoutaient la musique des films en randonnée. Un soir, j’ai dormi dans un gîte avec deux chasseurs, l’un d’eux avait été figurant en Orque. Je me suis dit : “ok, il y a un vrai sujet ici.” »
Elle commence donc à filmer, à enquêter, à interviewer : « Je voulais comprendre l’impact économique et culturel du film sur le pays. Mais à mon retour, les producteurs à qui je proposais mon projet m’ont répondu qu’ils ne voulaient pas d’un sujet déjà tourné. Ils cherchaient une histoire personnelle. On m’a demandé pourquoi moi, Elsa, ferais-je ce documentaire ? »
« Je suis une fan, une touriste cinéphile, une expatriée, une réalisatrice. » - Elsa
Mutation du regard pour créer un format hybride
Cette remise en question la pousse à faire évoluer son projet. Alors, elle déconstruit ses réflexes journalistiques, se met en scène, assume son rôle de fan et de réalisatrice : « Je suis une fan, une touriste cinéphile, une expatriée, une réalisatrice. J’ai compris que je devais raconter cette histoire à la première personne. »
Le résultat est un format hybride, entre journal de voyage et documentaire de terrain. Dans le premier épisode de sa websérie Elsa fait son cinéma en Nouvelle-Zélande, disponible sur YouTube, elle se met en scène avec humour et sincérité, sans cacher les galères : « J’ai des difficultés dans ce projet, et c’est aussi ça que je voulais montrer. Pas juste une image lisse. »
« Je posais mon trépied, je me filmais en marchant. J’ai tout écrit, tout filmé, pris tous les rendez-vous. » -Elsa
Une aventure autofinancée en solitaire
Sans production derrière elle, Elsa filme seule ou avec l’aide ponctuelle d’amis, d’un frère de passage, de pigistes bienveillants. Elle écrit, monte, réalise souvent avec du matériel loué à la semaine. Elle raconte : « Je posais mon trépied, je me filmais en marchant. J’ai tout écrit, tout filmé, pris tous les rendez-vous. » Le projet relève de l’exploit artisanal.
Elle contacte des hôteliers, des guides touristiques, d’anciens figurants — tous ravis de parler de cette époque. « Il y a une vraie fierté. Un de mes colocataires avait même travaillé sur les effets spéciaux. », se souvient Elsa. Pour un seul épisode, cela lui demande un mois de travail à temps plein. Sans compter l’année et demie passée à tourner sur place. Certaines portes restent pourtant closes : « Hobbiton, Weta, ce genre de structures, refusaient les interviews car je n’avais pas de production officielle derrière moi. »
« C’était mon plan D. Mais c’était le seul moyen de montrer ce que j’avais fait. » - Elsa
Ce choix du format YouTube, elle ne l’avait pas envisagé au départ : « C’était mon plan D. Mais c’était le seul moyen de montrer ce que j’avais fait. » Aujourd’hui, la journaliste lance une campagne de financement participatif pour produire les six épisodes restants. « J’ai fixé un objectif à 5.900 €. C’est peu par rapport à l’énergie engagée. Mais sans cet argent, je ne pourrai pas continuer. Ou alors, cela prendra cinq ans. » nous confie-t-elle.
Comment le cinéma a façonné l’identité de la Nouvelle-Zélande ?
Au fil de ses rencontres, Elsa découvre l’ampleur de l’impact de la trilogie. Non seulement elle a stimulé le tourisme, mais elle a profondément modifié le tissu économique local. Le Seigneur des Anneaux est devenu un pan entier de la culture néo-zélandaise. D’après la réalisatrice, « Aujourd’hui, la Nouvelle-Zélande attire encore des tournages. Il y a des aides publiques. J’ai croisé des techniciens français sur le tournage d’Avatar. Ce n’est pas qu’un phénomène passé. » Elsa a rencontré des guides touristiques devenus acteurs d’un monde parallèle, des cuisiniers reconvertis après avoir nourri les équipes de tournage, des techniciens qui continuent de travailler dans l’industrie audiovisuelle florissante de Wellington.
La série du Seigneur des Anneaux va quitter la Nouvelle-Zélande
« Les Maoris ont un vrai rôle politique, social, cérémonial. » -Elsa
Mais le projet ne se limite pas au cinéma. Elsa s’intéresse aussi à la culture maorie, qu’elle découvre à la fois présente et discrète. « Ce n’est pas du folklore. Ce n’est pas montré pour les touristes. Les Maoris ont un vrai rôle politique, social, cérémonial. C’est une culture très présente dans le quotidien, mais en même temps préservée, secrète. J’ai voulu faire un sujet là-dessus, et j’ai rencontré quelques refus. Il aurait fallu plus de temps pour créer la confiance. »
Et si la saga a contribué à forger l’image d’un pays “vert”, les questions environnementales restent, elles, plus sensibles. « Dès qu’on aborde l’impact écologique du tourisme cinématographique, les réactions sont plus défensives. C’est un sujet délicat. » évoque Elsa.
Du rêve à la réalité économique d’une série à suivre et à soutenir
Elsa diffuse désormais sa série sur YouTube : « C’était mon plan D. Mais au moins, ça existe. C’est vivant. Et les retours ont été hyper positifs, même de gens qui ne sont pas fans du Seigneur des Anneaux. »
Aujourd’hui, elle espère pouvoir continuer. Un financement participatif est en cours pour permettre la réalisation des épisodes restants. Elle vise aussi des sponsors engagés dans les domaines du voyage, du cinéma ou de la transition écologique : « Je suis habillée Décathlon des pieds à la tête. J’utilise l’appli Campermate. Je me dis que certaines marques pourraient être sensibles à cette aventure. »
Au-delà de l’aspect économique, Elsa défend une manière personnelle de raconter le voyage. Elsa fait son cinéma en Nouvelle-Zélande est un projet hybride, entre récit documentaire et carnet de voyage, qui dépasse le cadre du fan film. Une exploration sensible du pays à travers le prisme du cinéma et de l’expérience d’expatriation.
Soutenir Elsa : lien vers sa campagne participative
Suivre l’aventure sur Instagram : @elsafaitsoncinema.nz
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