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AVOIR 20 ANS A DAKAR - Leuz Melody, auteur, chanteur et compositeur

Leuz MelodyLeuz Melody
Stéphane Tourné
Écrit par Claire Lapique
Publié le 19 août 2017, mis à jour le 12 juin 2023

Qu'est-ce que vivre à Dakar à 20 ans quand on a plein de projets en tête ? Leuz, de son vrai nom, Lamine est une des figures de cette jeunesse dakaroise qui bouillonne d'idées et d'envies. Âgé de 23 ans, il est auteur, chanteur et compositeur et partage avec nous ses projets et ses aspirations pour le futur. Une bouffée d'air de frais et d'optimisme.

Qu’est-ce que tu fais en ce moment en ce qui concerne la musique ?  

Je suis sur un projet de mixtape, un album de 8 titres. J’ai commencé il y a un an environ. J’ai deux singles pour le moment que j’ai lancés. En fait on avait prévu de le terminer plus tôt mais il faut qu’on le travaille bien. On travaille sur des variétés différentes, des styles et des sonorités différentes, donc il faut toujours s’améliorer.

Quels sont les principaux thèmes de ton album ?

D’abord ce sont nos mamans, on a voulu remercier et rendre hommage à nos mères. Ensuite la société, sur notre part de responsabilité dans la société. On parle d’une élection par exemple et on pose la question : Quelle est notre part dans la société ? Il y a aussi l’idée qu’on est tous pareils, on n’a pas besoin de s’entretuer, donc on fait l’éloge de la paix en quelque sorte. Il y a plusieurs autres thèmes aussi, plus généraux, nous faisons de la musique universelle.

Comment as-tu commencé la musique ?

A la base, ce n’était pas mon truc, la musique. Quand j’étais au lycée je dirigeais l’équipe d’anglais et donc à chaque fois que j’écoutais une chanson je voulais la chanter pour eux. Tout le monde me disait « tu as une belle voix, pourquoi tu ne te lances pas ? », et moi je répondais souvent « ce n'est pas ma vocation, moi je veux faire mes études ». Mais quand je suis venu à l’université, on m’a donné la chorale de 2014 à 2016 et c’est comme ça que ça m’est venu. En plus de ça, j’avais une guitare, et je prenais des cours. En fait, je ne pensais pas qu’un jour je pourrais faire de la musique mais les gens que je croisais me disaient de me lancer. J’ai écrit une première chanson puis une deuxième. Et puis un producteur m’a entendu chanter, il a un label. Il m’a enregistré dans son studio et c’est comme ça que j’ai fait mon premier single. Au début, je n’étais pas prêt à le publier parce que je ne savais pas si c'était bien ou pas, mais j’ai pris le risque et j’ai fini par le lancer. Heureusement, les gens qui l'ont écouté ont aimé et depuis, j'ai plongé dans la musique.

Et donc ça fait combien de temps que tu es dans la musique ?

Depuis 2014, mais officiellement, depuis la sortie de mon premier single le 25 novembre 2016. La guitare par contre, j’en fais depuis 2013. A l’époque on avait une école de musique et mon grand-père m’avait donné une guitare mexicaine, je l’avais tout le temps avec moi. Mais j’ai appris avec le temps car je ne savais pas jouer. J’ai connu des guitaristes et j’ai appris sur internet aussi. Et puis en rencontrant des musiciens, j'écoute les critiques ou les suggestions et c’est comme ça que je m’améliore.

Et en parallèle tu fais des études ?

Oui, je fais des études d’anglais. Au début c’était pour devenir interprète ou bien pour ouvrir mon cabinet d’interprétariat. Avec le temps j’ai perdu ce rêve, je me suis réorienté vers la musique. Maintenant il me reste 3 ou 4 ans d’université. Après la licence, je vais essayer de me spécialiser parce qu’avec l’anglais ce n’est pas assez. J’aimerais me spécialiser en marketing et en communication car je sens que c’est mon domaine, je suis à l’aise, je le fais presque sans formation.

Est-ce que tu as déjà un producteur pour ton album ?

Je n’ai pas encore de producteur et c’est aussi la raison pour laquelle on a repoussé le lancement de l’album. J’avais quelqu’un mais il n’était pas aussi motivé que nous.

Donc je me produis et je fais ma promotion tout seul avec mon argent.

C’est pour ça aussi que tu donnes des cours de guitare et d’anglais ?

Oui à côté, je travaille et il y a les soirées que j'organise. Je fais des afterworks et ça participe au développement de mon projet. Il y a parfois des gens qui me contactent pour que je joue pour eux, et je me déplace dans des restaurants ou des bars avec ma guitare. Je leur propose de jouer pour eux et on fait un essai parfois. Il m'arrive de le faire gratuitement le premier soir et si ils sont intéressés ils me rappellent pour d’autres soirées. Je donne des cours de guitare mais ça demande du temps et souvent les élèves sont impatients, ils voudraient apprendre à jouer rapidement, mais ce n’est pas si facile. Quant aux cours d’anglais, j'en donne depuis longtemps. Depuis le lycée, quand j’étais en seconde je donnais des cours aux terminales, j’ai toujours été bon en anglais.

Qu’est-ce tu aimerais par la suite ? Quel est ton rêve ou ton objectif ?

En ce qui concerne la musique j’ai plusieurs rêves. J’aimerais voyager, partir du Sénégal et me faire connaître. Disons que je ne suis pas là à parler, j’aimerais travailler, améliorer ma musique, ma voix et mes techniques vocales. J’aimerais me faire connaître, peut être que ça va prendre du temps, mais je persiste. Comme je fais une musique universelle, elle peut être exportée et elle est plus appréciée en occident. C’est aussi pour ça que j’aimerais la faire connaître ailleurs.

Est-ce que vivre à Dakar t’a permis de créer ton projet ?

Le fait de vivre à Dakar m’a aidé à émerger. A Louga, où j’ai vécu, je ne pouvais pas monter ma carrière, parce que là-bas les gens me considéraient comme le bon élève, le gars responsable. J’encadrais des enfants, je leur donnais des cours, je les formais, dans les clubs d’anglais. Souvent dans ces clubs on donne des cours en anglais sur le leadership, ou comment devenir des bons leaders. Je ne pouvais pas lancer ma carrière parce que personne ne s’attendait à ce que je devienne un artiste un jour. Une fois à Dakar je me suis lancé et j’ai trouvé des contrats. Je m’améliore ici aussi !

Et Dakar au niveau de la musique c’est un bon tremplin ? 

En parallèle, c’est vrai qu’ici au Sénégal, il y a quand même peu de débouchés pour la musique de variété internationale. Parfois quand tu vas dans un restau, ils ne t’aident pas dans ta carrière, ils ne te payent pas pour que tu viennes. A Dakar on se débrouille jusqu’à ce qu’on ait les moyens de sortir du Sénégal. Quand j’aurais les moyens j’aimerais sortir pour découvrir d’autres horizons. Il y en a beaucoup qui sont partis à l’étranger et parfois ils reviennent, parfois ils tracent leur route et on entend plus parler d’eux ! Disons que, concernant la musique ici, les gens sont parfois concentrés sur le mbalax ou le rap. Même s’ils commencent à écouter de la musique universelle, elle n’a pas encore le succès du mbalax et du rap. Mais la patience c’est ce qu’un artiste sénégalais doit avoir.

Moi personnellement, avec ma voix et ma musique, je pense que je serai plus apprécié à l’étranger qu’ici. Même au niveau des inspirations musicales Dakar ne m’apporte plus tant que ça. Comme je travaille sur des thèmes universels, des thèmes qui se rapproche du Sénégal et de l’Afrique mais aussi des thèmes plus globaux, je serai mieux écouté ailleurs je pense. Mais je ne suis pas pressé.

Tu connais d’autres artistes de musique universelle ?

Oui, souvent on joue dans les boites, dans les restaurants. Parfois on organise des concerts et chaque artiste qui l’organise, invite les autres. Moi j’en ai organisé un le 14 février lors de la sortie de mon deuxième single, à la Brioche Dorée en face de l’université. Grâce à ça on fait aussi des vidéos, et on les met sur les réseaux sociaux, ce qui nous permet de nous faire un peu mieux connaître.

Qu’est-ce que représente Dakar pour toi ?

A Dakar j’ai eu de bons moments mais aussi des moments plus difficiles. Ça n’a pas été facile de quitter Louga et de se gérer tout seul, sans sa famille. Mais j’ai vécu une expérience, parce que c’est en vivant loin de sa famille qu’on découvre les réalités de la vie. Je peux dire que j'ai grandi, ça m’a permis de murir. Il y a plein d’opportunités ici que je n’aurais pas eu à Louga.

Qu’est-ce que tu fais à Dakar pour te relaxer ?

Je joue de la musique ! Tout le temps ! Souvent quand on n'a rien à faire, alors on va au monument de la renaissance, on prend nos guitares et les gens nous écoutent, on fait un petit show. Sinon, parfois, on va à la place du souvenir, à la place de l’indépendance ou bien à la plage. Partout où l'on peut rencontrer des gens. Je n’y vais pas juste pour chanter mais aussi pour faire des rencontres. J’ai connu beaucoup de gens comme ça ! La première émission radio que j’ai faite à Dakar, j’étais au monument, je chantais "Here the world" de Michael Jackson. Un monsieur qui m’écoutait est venu me parler, il travaillait à la "West African Democratic Radio". Il m’a proposé une émission, c’était le lendemain de l’enregistrement de mon premier single. Je rencontre aussi parfois des gens qui me proposent de jouer pour eux lors d'un mariage ou d’un anniversaire. Je vais souvent au monument parce que c’est proche de chez moi, je peux y aller à pied. 

LEUZ MELODY
Photo Stéphane Tourné

Où est-ce que tu vas quand tu veux faire un concert ?

Pour le moment on est en train de démarcher des salles pour faire des concerts mais souvent on va à la Brioche Dorée, on a une collaboration avec eux, ils nous donnent la salle et nous on invite les gens. Sinon il nous arrive louer une salle et on gère tout nous même.

Où est-ce que tu sors le soir d’habitude ?

D’habitude je vais dans les restaurants où jouent des artistes et si je vois un orchestre connu j’y vais et j’apprends d’eux, j’écoute ce qu’ils font, et j’essaye de m'améliorer et de créer quelque chose de mieux pour ma musique. Je vais dans les soirées acoustiques le plus souvent.

Qu’est-ce que le pays t’apporte dans tes créations ?

La vie au Sénégal, c’est une source d’inspiration. Disons que vivre au Sénégal, les difficultés, les politiciens, ça m’inspire et me permet d’écrire. Parfois j’écris aussi sur les jeunes qui sont perdus, qui ont perdu leurs rêves et leur chemin, afin de leur redonner espoir. J’en ai connu beaucoup, certains avec qui j’ai passé mon enfance, d’autres que j’ai croisé dans la rue, d’autres que j’ai connu à l’université. Ils ont eu une mauvaise orientation ou bien de mauvaises fréquentations. Ils n’ont pas forcément eu des idoles, des figures à copier et ils ont perdu leurs objectifs. C’est d’ailleurs aussi pourquoi je ferai en sorte de ne jamais devenir quelqu’un d’autre. Je sais que c’est le milieu qui te détermine le plus souvent, mais je considère qu’il faut rester celui qu’on était.

Qu’est-ce que tu aimes le plus au Sénégal et à Dakar ?

Il y a la paix et l’entente. Par exemple, je peux m’assoir avec n’importe quel groupe d’amis dans un bar et commencer à jouer, ils vont m’accueillir. Les gens sont ouverts d’esprits. Il y a aussi la Teranga.

Qu’est-ce qui peut être difficile à vivre à Dakar quand on est jeune ?

Si tu n’as pas de travail, la vie n’est pas facile. C’est ce qui fait la différence entre Dakar et les régions. Si tu restes par exemple à Louga et que tu n’as pas de travail alors il te reste la famille. Ici il faut savoir comment trouver du travail, car si tu n’as pas les moyens ta vie est un peu misérable.

Quels sont les quartiers que tu préfères à Dakar ?

Ouakam, parce que j’y vis. Il y a aussi les Almadies ainsi que Ouest Foire parce que j’ai habité là-bas.

Qu’est-ce qu’une journée type pour toi ?

Tout dépend du programme parce que parfois on a une soirée. Si je n’ai pas de soirée, je vais au monument, je fais des vidéos, je peux voir les sourires que j’ai apporté. Même si je n’ai pas gagné d’argent, j’ai donné du plaisir. Pour moi, l’important c’est d’éduquer et de faire plaisir aux gens avant tout.

Qu’est-ce que tu projettes maintenant ?

Je cherche un producteur intéressé, qui croit en nous. J’ai confiance en moi je pense que le jour viendra. Il y a des labels qui peuvent te produire et des maisons de distribution qui gèrent la distribution et la vente de ton album. Mais pour le moment je me concentre surtout à la finition de l’album. 

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