Le livre de Vincent Werner, un Néerlandais expatrié en Espagne, fait parler de lui depuis quelques mois. Dressant un portrait peu flatteur du pays pour dénoncer ses dérives financières et ses inégalités, assorti de remarques quelque peu acides, l’auteur suscite la polémique.
C’est un livre qui fait polémique. 383 pages qui résument tous les problèmes de l’Espagne, selon son auteur, Vincent Werner, économiste originaire des Pays-Bas et consultant pour de nombreuses multinationales européennes et américaines.
Installé depuis 17 ans en Espagne (dont deux ans à Madrid et 15 ans à Barcelone), ce quadragénaire à la langue bien pendue, exaspéré par certaines des traditions et pratiques de son pays d’accueil, a décidé d'écrire un ouvrage pour les dénoncer.
Entre expressions bien senties dignes des tabloïds britanniques, clichés un peu faciles mais aussi réflexions sincères sur la culture espagnole...
Entre expressions bien senties dignes des tabloïdes britanniques, clichés un peu faciles mais aussi réflexions sincères sur la culture espagnole (notamment sur la culture d’entreprise) et sur sa propre expérience, il livre un portrait du pays qui a le don d'exaspérer une certaine partie de la population espagnole.
Dans l’ouvrage, Werner met en avant sept problèmes principaux qu’il a identifiés en Espagne. D'après lui, les Espagnols auraient une connaissance assez limitée du monde autour d’eux, avec une éthique différente de celle de la plupart des pays européens. L’auteur identifie aussi une absence de culture financière, aussi bien dans les entreprises que dans la population générale, et dénonce une tendance au refus d’assumer ses responsabilités ou de prendre des risques. Enfin, il critique également la vision court-termiste de certains Espagnols qu’il a côtoyés dans le monde professionnel et les services plutôt désastreux des administrations publiques.
Intitulé "It’s not what it is: The real (S)pain of Europe" ("Ce n’est pas ce que vous croyez : La vraie douleur de l’Europe"), le livre cherche à montrer que l’image projetée à l'extérieur d’un pays fêtard, offrant un climat agréable, des plages idylliques et une gastronomie de haute volée cache des dysfonctionnements. Son argument principal : le pays, caractérisé par des inégalités très importantes et des problèmes financiers majeurs, serait une bombe à retardement, qui pourrait faire imploser l’Europe.
Une vie faite de siestes et de fêtes afin de ne pas se stresser au travail
Une vision de l’Espagne qui n’est guère vue d’un bon oeil par nombre de ses habitants. Interrogé par le journal El Confidencial lors de la sortie de son livre, on reproche à Werner de ne pas citer certaines de ses sources, et d’avoir recours à un certain nombre de clichés. C’est le cas par exemple lorsqu’il écrit que les Espagnols recherchent une "vie faite de siestes et de fêtes afin de ne pas se stresser au travail".
Une critique dont il se défend en disant que ce qu’il dénonce n’est pas la culture espagnole, faite de joie de vivre et bons moments, mais plutôt le fait que la productivité au travail ne soit pas toujours optimale.
Son message semble toutefois mieux accepté lorsqu’il dénonce les inégalités, la pauvreté, et la corruption, montrant que près de 30% de la population vit près du seuil de pauvreté, alors que les politiciens du pays ne cessent de s’enrichir.
Des analyses parfois un peu simplistes, mais qui ont le mérite de faire réfléchir et de rappeler les dysfonctionnements souvent pointés du doigts dans la presse espagnole, mais plus rarement à l'étranger. Des dysfonctionnements qui pourraient, selon Werner, causer préjudice à l’Espagne et au reste de l’Europe si rien n’est entrepris pour réformer le pays.
Attention, voici de quoi hérisser la susceptibilité de certains lecteurs sensibles
En vente (depuis octobre 2017) sur Amazon, le livre est présenté par l'auteur, avec ces quelques mots (traduits de l'anglais). Attention, voici de quoi hérisser la susceptibilité de certains lecteurs sensibles !
Le monde a besoin de savoir ce qui se passe en Espagne. On sert aux touristes de belles plages, le sport et la gastronomie (...) Il y a beaucoup de «choses» qui se passent dans ce glorieux pays, qui ne font jamais la une des journaux (...). Des «choses» importantes puisqu'elles déterminent en définitive l'état de l'Europe et sa position dans le monde.
(...)
Comment les Européens peuvent-ils parler de questions relatives aux droits de l'homme en Chine, alors que des milliers de femmes sont forcées de travailler dans la prostitution «illégale» en Espagne ? Beaucoup d'entre elles ont été amenées en Espagne sous de faux prétextes. Sans parler des 100.000 immigrants africains qui travaillent et vivent dans des conditions proches de l'esclavage à Almeria.
Près de 30% des citoyens espagnols vivent au seuil de la pauvreté. (...) L’UE continue de verser de l’argent à son principal bénéficiaire, mais «l’Espanistan» continue à le gaspiller. (...)
Le pays est dirigé par une force invisible qui porte plusieurs noms (par exemple, la casta, el tinglado). Cette force se positionne au-dessus de la loi (...) remplace les juges critiques dans les affaires importantes, fait taire les témoins et les achète et exerce la "loi bâillonnée" obsolète. Une loi qui contredit clairement la liberté d'expression.