Le président polonais Andrzej Duda a annoncé mercredi lors d’une conférence de presse qu'il avait « pris la décision » de promulguer les deux lois controversées de réforme de la justice, quelques heures après le déclenchement par la Commission européenne de la procédure prévue par l’article 7.
« Ces solutions ont pour but de démocratiser le pays » a-t-il déclaré, en soulignant que « les juges ne sont pas une caste supérieure et spéciale. Ils doivent rester au service des citoyens ». Lors d’une interview accordée ensuite à la chaîne privée Polsat, le Président a en outre affirmé « ne pas comprendre la décision de la Commission européenne ». « C’est une décision purement politique. Elle ne repose sur aucun élément de fond. (...) Les solutions que nous avons adoptées en Pologne ne diffèrent pas de ce qui existe dans plusieurs pays européens. Au contraire, je dirais que nos solutions sont beaucoup plus démocratiques » a soutenu M. Duda. Il a dénoncé par ailleurs « beaucoup d'hypocrisie dans les actions de l'Union européenne ». Enfin, il a estimé que « beaucoup de représentants des institutions européennes disent des contre-vérités sur la Pologne. Ils mentent quand ils disent que les changements en Pologne conduisent à une violation des principes de l'Etat de droit, alors que nous renforçons les normes de la démocratie » a affirmé M. Duda.
La porte-parole du parti Droit et Justice (PiS), Mme Mazurek, a quant à elle rejeté toute la responsabilité sur l’opposition. « Concernant le lancement de l’article 7, ce sont les représentants politiques de la PO qu’il faut remercier. Ce sont eux qui sont responsables du lancement de cet article. Il s’avère que dénoncer son propre pays est efficace ». Elle a rassuré en même temps que « cela n’entraînera pas l’adoption de sanctions contre la Pologne puisque cela nécessiterait l’unanimité, et nous savons déjà à coup sûr que la Hongrie ne soutiendra pas pareilles sanctions ».
Le journal du soir de la télévision publique a aussi pointé du doigt les principaux coupables : Bruxelles, Berlin et "toute l'opposition" polonaise, s’attaquent au gouvernement en invoquant tous les prétextes. Selon le présentateur, c’est le désespoir et la frustration causés par la perte du pouvoir qui poussent l’opposition à soutenir les institutions européennes dans leurs attaques contre la Pologne.
M. Czarnecki, vice-président du Parlement européen (PiS), voit, pour sa part, une autre raison, car selon lui, il est évident que « c’est une vengeance pour notre politique à l’égard des migrants ».
Le quotidien catholique Nasz Dziennik évoque en une « un complot contre la Pologne » qui a pu aboutir grâce aux incitations de l’opposition.
Dziennik Gazeta Prawna parle de « l’Union qui entre en guerre avec la Pologne » en réitérant que les investisseurs ne croient pas dans les sanctions et restent insensibles aux menaces.
Gazeta Wyborcza titre en une sur « le jour de honte » et dénonce le comportement du Président, à l’égard des amis et alliés à l’Ouest pour un gouvernement polonais qui entraîne la Pologne vers l’Est ». Le rédacteur en chef adjoint déplore que la Pologne en deux ans « s’est transformée du premier de la classe en paria de l’Europe ». M. Sikorski, ancien ministre des Affaires étrangères, explique dans un entretien pour le journal, que la Pologne « perdra son prestige, puis s’ajouteront des pertes politiques et financières ». Il constate par ailleurs que la propagande primitive du PiS fonctionne bien auprès de l’électorat et il fait le parallèle avec la perception de l’UE lors du référendum britannique ».
Cependant, Rzeczpospolita, dans son commentaire, écrit que la Pologne a encore la possibilité de suivre l’exemple d’Orban qui grâce à une certaine souplesse arrive à atteindre des objectifs politiques dans les relations avec Bruxelles. Le pire scénario pour les Polonais, selon le journal, serait de se retrouver devant le choix entre sa souveraineté ou sa présence dans l’UE, alors que la Pologne a besoin des deux pour son développement et sa sécurité. Elle ne peut pas se permettre d’être en guerre avec l’Union dans un contexte international peu favorable, conclut le commentateur.
« Nous ne permettrons pas qu’il y ait un effondrement des relations entre Varsovie et Bruxelles. Nous avons besoin l’un de l’autre. Tout le monde le sait », déclare à Rzeczpospolita, M. Szymański, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. « Nous veillons à ce que cette affaire n’influe pas sur d’autres processus politiques », ajoute-t-il. « La Pologne défend tout simplement son droit de réformer le système judiciaire. Nous n’avons jamais mis en doute le principe d’Etat de droit […] La Hongrie ne partage pas la conviction que la question des réformes en Pologne devrait être résolue par la procédure de sanctions. Et ce n’est pas le seul pays qui prend ses distances face à de pareils projets du forum du Conseil européen », observe M. Szymański.