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DIRIGEANTS FRANÇAIS EN POLOGNE – Eric Bramoullé, Amundi Polska

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 16 septembre 2014, mis à jour le 16 septembre 2014

Le Groupe Amundi, acteur mondial de la gestion d'actifs, ouvrait le 9 avril dernier sa filiale polonaise, Amundi Polska TFI S.A, qui nourrit de fortes ambitions de développement. Quelle en est la stratégie et quels sont ses enjeux? Eric Bramoullé, Directeur Général, répond pour nous à ces questions et nous fait partager sa perception du monde professionnel en Pologne.

Le Petit Journal/Varsovie: Quel a été votre parcours ?
Eric Bramoullé: J'ai commencé ma carrière en 1999 à la Société Générale en tant que gérant de portefeuilles sur les marchés d'actions jusqu'à ce que je parte en Inde en 2005. J'avais en effet envie d'orienter mon parcours vers l'international et, à l'époque, nous établissions une joint-venture avec State Bank of India dans l'asset management. Je suis resté près de 3 ans à Bombay où j'ai pu découvrir un marché émergent fascinant par bien des aspects, puis je suis rentré à Paris en tant que directeur adjoint des gestions actions de SGAM (Société Générale Asset Management). En 2010, Amundi, issu de la fusion entre SGAM et CAAM (Crédit Agricole Asset Management) a été créé. J'ai pris alors la responsabilité des gestions actions pour nos réseaux partenaires.

Lorsqu'en 2012 le projet de monter une structure en Pologne a émergé, alors que jusque-là la crise mondiale laissait peu de place pour des projets de développement, j'ai tout de suite voulu relever le challenge. Mon expérience indienne s'était inscrite dans une phase de marché en plein développement et m'avait laissé un goût prononcé pour ce type de défi.

Racontez-nous les débuts d'Amundi Polska
Je suis arrivé à Varsovie avec ma famille en avril 2013 après avoir fait plusieurs mois la navette avec Paris. J'ai démarré seul dans un office center; en l'espace de 6 mois, nous étions déjà une quinzaine, et 6 mois plus tard une petite trentaine. Donc un développement très rapide, mais nécessaire au vue de notre activité ! Amundi Polska était un vrai challenge, car il s'agissait de créer une structure de toutes pièces : recruter les équipes, mettre en place les outils, construire une stratégie sur un nouveau marché, etc., sachant que l'enjeu était d'accompagner le développement de nos réseaux partenaires : Crédit Agricole Bank Polska, et Eurobank. A la fin du premier trimestre 2014, nous avons démarré les ventes dans le réseau CA Bank Polska, et celles avec Eurobank sont prévues à la fin du mois de septembre. Cette première étape, socle de notre présence en Pologne, aura donc vu la mise en place d'une structure de gestion pleine et entière, à la différence de plusieurs de nos concurrents qui n'établissent ici qu'une représentation commerciale.

Pourquoi Amundi a décidé de s'installer en Pologne ?
Amundi s'est installé en Pologne pour accompagner le développement de ses réseaux partenaires. On m'a souvent posé la question suivante : pourquoi Amundi n'est pas venu plus tôt en Pologne? Nous devions d'abord nous assurer que nos partenaires étaient désormais prêts à proposer nos produits. Nous nous sommes en effet aperçus que des structures de vente de fonds créées par de grands concurrents n'avaient pas fonctionné, faute de réseau de distribution. Nous avons donc attendu que nos partenaires soient suffisamment armés pour vendre nos produits, qu'ils aient opéré leur mue, passant de sociétés de crédit à la consommation à des modèles de banque universelle ou banque de réseau. Le point d'orgue a été lorsque Crédit Agricole Bank Polska a changé de nom et de modèle en 2010 (anciennement Lukas Bank, N°1 des sociétés de crédit à la consommation) pour devenir un modèle de banque universelle. 

Quelle place occupe aujourd'hui Amundi sur le marché Polonais ?
C'est une place qui est aujourd'hui naissante, puisque nous avons démarré nos ventes il y a seulement 5 mois. Cependant, nous avons, au travers du réseau Crédit Agricole, déjà obtenu plus de 3000 clients et gérons désormais plus de 200 millions de zlotys d'encours. C'est un beau démarrage !

La totalité du marché de la gestion d'actifs avoisine les 48 milliards d'euros sous gestion et notre ambition dans ce schéma-là, est d'atteindre, d'ici 3 ans, 1 milliard d'encours sous gestion, et ainsi de faire partie des acteurs majeurs du marché avec près de 4% de part de marché sur la partie fonds ouverts qui est le c?ur de métier que nous attaquons aujourd'hui.

Et au sein du Groupe ?
Le groupe Amundi pèse plus de 800 milliards d'euros d'encours sous gestion et a pour objectif de gérer plus d'un trilliard d'ici à 2016? Amundi est le n°1 de l'asset management en Europe, et fait partie du top 10 mondial. Par conséquent, nous serons un des challengers du Groupe ; pour autant, un acteur important puisque nous avons décidé de nous implanter avec une équipe de gestion locale, les Polonais étant très attachés à leur marché. La Pologne est un pays clef, représentant le plus gros marché d'Europe de l'Est, hors Russie. Donc même si Amundi Polska reste modeste à l'échelle du Groupe, c'est un pays d'avenir et nous avons une vision de long terme sur ce marché.

Comment les Polonais perçoivent-ils l'épargne ?
Nous sommes dans une période particulière du pays ; en effet, nous sortons d'une phase où la société était une société de pure consommation pour entrer dans une société plus épargnante. Mais nous n'en sommes qu'au début. La croissance des encours sous gestion dans l'asset management en Pologne, au cours des 5 dernières années, atteint 150%. Ce qui signifie qu'il y a une très forte demande pour l'épargne à l'heure actuelle. Cela s'explique par un changement dans les mentalités, mais d'autres paramètres entrent en compte également : les taux d'intérêt étaient encore très élevés en Pologne il y a quelques années, ce qui ne rendait pas forcément nécessaire le fait d'aller diversifier son investissement sur les marchés. Or, aujourd'hui, les taux d'emprunt d'état à 10 ans sont tombés sous les 3%. Une normalisation des marchés est en train de se mettre en place et les épargnants vont chercher plus de rendement en se tournant vers les acteurs de la gestion d'actifs. L'autre facteur, c'est comment se faire une épargne pour sa retraite? C'est un enjeu fort en Pologne qui va accompagner ce mouvement de croissance de l'épargne.

Quelle est votre stratégie de développement en Pologne et quels sont les principaux enjeux?
Nous avons réalisé notre première phase de développement avec une philosophie que je résumerai en deux mots : simplicité et proximité. Nous nous attachons à proposer des produits simples pour qu'ils soient facilement compréhensibles par nos clients et par les vendeurs de nos réseaux partenaires. Un produit qui n'est pas bien compris est un produit qui ne sera pas bien vendu. Quant à la proximité, c'est cette volonté d'avoir engagé une équipe locale pour gérer une gamme de fonds polonais et d'implanter des vendeurs dans l'ensemble des régions du pays. En effet, le maillage commercial se traduit par l'implantation d'un responsable de région dans chacune des cinq grandes régions identifiées en Pologne. Pour appuyer cette philosophie nous avons importé le savoir-faire développé auprès de nos réseaux partenaires en France et à l'international en l'adaptant au contexte polonais. Voilà quel a été notre premier axe de développement. La 2ème phase est de s'ouvrir, à d'autres distributeurs ainsi qu'aux institutionnels et corporates. Ce développement se fera notamment au travers d'importations en Pologne de produits gérés par Amundi Groupe à l'étranger, d'exportations de fonds polonais à l'étranger, mais aussi via le développement de l'épargne salariale et la mise en place de solutions sur mesure pour nos grands clients. Il y a en effet de grands groupes implantés en Pologne et nous voulons répondre à leurs besoins d'épargne salariale dans une optique retraite ou de fidélisation de leurs salariés (le taux de turn over étant assez élevé en Pologne). 

Quelles sont les conséquences de la crise ukrainienne, sur Amundi Polska en ce moment?
Il est difficile de répondre à cette question, en donnant des chiffres, puisque nous sommes en démarrage d'activité. Il y a certainement eu un impact psychologique sur les investisseurs polonais qui ont préféré aller vers des produits de taux plutôt que vers des produits actions. Ce que je constate, sur l'ensemble du marché de la gestion d'actifs, c'est qu'il y a un ralentissement de la collecte par rapport à l'an dernier. Concernant les restrictions imposées à la Pologne sur les exportations de produits alimentaires vers la Russie, nous n'avons pas encore assez de recul pour l'évaluer. Nous avons toujours une croissance attendue de plus de 3% pour cette année et des prévisions toujours plus ambitieuses pour 2015. Je dirais que l'impact géopolitique de la crise ukrainienne est là mais difficile à chiffrer pour le moment.

Avez-vous rencontré des difficultés liées au contexte du pays et aux usages professionnels?
N'étant que 2 Français parmi 26 Polonais, nous avons pu rapidement identifier un certain nombre de différences culturelles. Celle qui m'a le plus marqué, c'est la façon de communiquer dans l'entreprise : les Polonais sont très explicites, directs, là où les Français sont beaucoup plus implicites. J'ai donc fait appel à une consultante qui est intervenue auprès de l'ensemble des salariés, ce qui nous a permis d'accélérer la compréhension interculturelle?. L'expérience a été très instructive.

Un autre point qui m'a surpris positivement, c'est la rapidité d'adhésion d'un collaborateur à un projet naissant. Je trouve que les Polonais sont vraiment de bons professionnels. Le seul bémol que j'indiquerais est peut-être un certain manque de souplesse. Changer de cap, par exemple, en plein milieu d'un projet semble plus problématique pour un Polonais que pour un Français. J'ai surtout remarqué cela auprès de nos prestataires externes car l'équipe que j'ai mise en place est composée de profils d'entrepreneurs qui ont adhéré au projet d'une startup avec tout ce que cela implique en termes de souplesse.

Quels sont vos lieux de prédilection à Varsovie ?
Il y en a un que j'affectionne particulièrement qui s'appelle « Les salons de Chopin ». C'est un lieu où l'on peut écouter du Chopin (mais pas que) sous forme de musique de chambre. C'est une petite salle avec une dizaine de chaises et un piano, dans un immeuble ancien de la vieille ville, à l'atmosphère totalement surannée. C'est un endroit qui, selon moi, raconte bien l'histoire de Varsovie. Ce que j'aime aussi ce sont les espaces verts de la ville, comme les jardins de Wilanów ou le parc ?azienki où mes enfants aiment nourrir les écureuils.

Propos recueillis par Laura Giarratana (Le Petit Journal/Varsovie) - Mercredi 17 septembre 2014

 

 

 

 

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Publié le 16 septembre 2014, mis à jour le 16 septembre 2014