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Twarz : le dernier film de Malgorzata Szumowska

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Écrit par Morgane Guichard
Publié le 17 septembre 2020, mis à jour le 18 février 2021

Malgorzata Szumowska est une cinéaste polonaise connue en France principalement pour son film Elles avec Juliette Binoche. Dans Twarz, elle dépeint les traditions et les relations sociales polonaises.

 

Malgorzata Szumowska
Malgorzata Szumowska. Crédits: Jacek Poremba

 

Apprendre le polonais, à l’âge adulte, n’est pas chose aisée – surtout si on ne l’utilise pas dans sa vie professionnelle. Une autre façon de se plonger dans la langue, et la culture polonaises, est de regarder des films locaux, sous-titrés. C’est ainsi que j’ai regardé Twarz, de Malgorzata Szumowska (Grand Prix du Jury de la Berlinale en 2018). Le film est disponible sur Netflix avec des sous-titres en anglais.

Bande-annonce avec sous-titres en anglais:

 

Qui est Malgorzata Szumowska ?

Malgorzata Szumowska est une cinéaste polonaise prolifique, souvent présente comme membre du jury dans de nombreux festivals européens. Issue du documentaire, elle a réalisé également plusieurs courts-métrages avant d’être reconnue par ses films. Notamment Elles (2012, film en français) avec Juliette Binoche, Anaïs Demoustier et Joanna Kulig, qui évoque la prostitution étudiante. Elle participe également à la réalisation du film hispano-polonais (Body) Bialo qui met en scène une militante des droits des animaux et ses rapports avec son père. On retrouve ainsi souvent dans ses films une curiosité pour des personnages entiers et en marge, un regard extérieur, et une certaine distance. Elle reconnaît d’ailleurs que ses nombreux voyages en dehors de son pays lui permettent d’avoir ce regard extérieur qu’elle utilise dans ses films.

 

Le pitch

Revenons au film Twarz. Le pitch, comme on dit, est original et inspiré de faits réels. Alors qu’il travaille à la construction de la statue du plus grand Jésus-Christ du monde, devant celui de Rio de Janeiro, Jacek subit un accident et doit subir une greffe du visage, une des premières au monde, et donc de la Pologne.

(Alors, oui, petite précision. Effectivement, le Christ de Rio, le si connu « Cristo redentor », en haut du Corcovado, l’incontournable et l’incontestable icône de Rio, n’est plus le plus grand Christ jamais réalisé. Depuis décembre 2010, le Christ-Roi de Pologne, avec ses 36 mètres de hauteur, dépasse son cousin brésilien et fait surtout la fierté du prêtre de la ville de Swiebodzin, qui a imaginé et fait construire cette œuvre magistrale, à la frontière avec l’Allemagne, à environ 4h de route de Varsovie.)

Jacek, donc,  subit un accident qui le défigure et subit en urgence une des premières greffes du visage en Pologne. L’opération est un succès, mais le plus difficile reste à venir pour Jacek, qui doit se réapproprier ce nouveau visage, et surtout apprendre à supporter les réactions de ses proches et de tous ceux qu’il côtoie. Loin d’être un film morbide et sombre, malgré une photographie assez terne, la réalisatrice essaye d’apporter un peu de légèreté par le biais de son héros qui, fan de hard-rock, reste toujours positif et enthousiaste, contrairement à ceux qui l’entourent. Malgorzata Szumowska évite également tout misérabilisme en évitant de montrer les premières cicatrices de Jacek, et en évitant d’en faire une bête de foire. Pour autant, le film reste touchant et difficile, quand on suit les efforts du personnage principal pour reprendre sas vie d’avant.

 

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Analyse

Le film met également formidablement en valeur les traditions polonaises, la vie dans les familles simples, sans voyeurisme, mais avec une justesse et une objectivité mesurées. Bien sûr, l’omniprésence de l’Eglise est parfois critiquée, notamment quand elle intervient dans les relations sexuelles entre les couples ou quand elle exagère la séparation du monde en « Bien » et « Mal », mais cela permet également de mieux s’imprégner de ces traditions – comme la récurrence de la confession qui témoigne de l’importance du prêtre, à tous les niveaux de la vie familiale.

Ce film est à voir pour la peinture au vitriol des relations familiales et amicales dans ce petit coin de Pologne, mais aussi pour la leçon de vie et de courage que nous apporte Jacek : car c’est bien souvent le regard des autres qui dérange.