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Travailler à la frontière germano-polonaise au début de la pandémie

frontière germano-polonaisefrontière germano-polonaise
Écrit par Emma Monbrun
Publié le 15 octobre 2020, mis à jour le 16 octobre 2020

À la fermeture des frontières, il était devenu impossible pour les 125 000 Polonais transfrontaliers de se rendre sur leur lieu de travail en Allemagne. Cela a mené à de nombreuses manifestations des deux côtés de la frontière.

 

Des “villes-frontières” ou des “villes-dortoirs”?

Parmi les États membres de l'Union européenne, le plus grand nombre de travailleurs transfrontaliers sont les 125 000 Polonais qui travaillent en Allemagne, selon les chiffres d'Eurostat portant sur l'année 2018. La majorité de ces habitants résident dans des “villes-frontières” comme:

  • Francfort-sur-l’Oder (Słubice)
  • Küstrin (Kostrzyn nad Odrą)
  • Guben (Gubin)
  • Görlitz (Zgorzelec)

Les villages désertés de l'ancienne Allemagne de l'Est connaissent un nouvel essor grâce à l'immigration polonaise. Ces villages sont nombreux à être devenus des "villes-dortoirs" pour les travailleurs polonais.

 

La quarantaine, une vraie secousse pour ceux qui vivaient entre les deux États

Le 13 mars, la pandémie Covid-19 a conduit le gouvernement polonais à fermer les 472 km de frontière et à étendre les contrôles aux frontières avec l'Allemagne. Les Polonais qui travaillaient en Allemagne et qui revenaient dans le pays étaient soumis à une quatorzaine. Contre ces restrictions qui les empêchaient de se rendre au travail, les Polonais ont manifesté le long des frontières allemandes. Selon les protestataires, on comptait environ 20 000 Polonais travaillant sur le territoire allemand dans la région de la Saxe, traversant la frontière quotidiennement.

 

"Rentrons et travaillons sans quarantaine”

A l’annonce de la fermeture de la frontière, le pont qui relie Zgorzelec et Görlitz est militairement blindé. Ces deux villes-frontières ont toujours été perçues et ont toujours fonctionné comme une seule et même ville. Voici quelques témoignages:

"Je ne peux pas voir ma famille, mes petits-enfants, je me sens enfermé”.

"On peut perdre notre emploi, la vie n’est pas gratuite et je ne peux pas m’en sortir.”

L’enseignante Mirella Binkiewicz vit dans la partie polonaise mais travaille à quelques mètres de chez elle, l’autre côté de la frontière: "Je suis coincée à la maison depuis six semaines, je ne peux pas traverser la frontière, aller travailler”.

300 personnes ont rejoint la manifestation du côté polonais et une centaine du côté allemand. Les habitants polonais et allemands protestaient ensemble contre la même règle, mais séparés par un nouveau "rideau de fer" empêchant de traverser la frontière.

 

"On avait presque oublié qu'il y avait une frontière, jusqu'à ce qu'elle soit fermée"

Le deuxième exemple de villes-frontières où les protestations ont été médiatisées se situe à Łęknica/Bad Muskau. Dans l'esprit des habitants des deux frontières, les deux villages pouvaient être perçus comme un seul. Le cri "Otwórz granice" ("ouvrez les frontières"), n'est qu'un cri parmi tant d'autres. Les enfants et parents saluaient les travailleurs polonais sur le territoire allemand, ayant choisi de résider de l'autre côté de la frontière et de garder leur emploi. Les secteurs les plus touchés sont les sociétés industrielles et les hôpitaux, employant beaucoup de Polonais.

 

Soutien des autorités locales

Certaines régions allemandes ont encouragé les travailleurs polonais à ne pas rentrer chez eux en leur offrant une indemnité allant jusqu'à 65 euros par jour. L'autorité locale de Leknica, Olaf Napiorkowski déclarait: "J'espère vraiment que ces protestations, combinées aux appels des politiciens locaux, auront un effet". Il avait par ailleurs envoyé une lettre ouverte au Premier ministre, Mateusz Morawiecki: "Souvenons-nous que les emplois n'attendront pas éternellement le retour des travailleurs polonais. Ces personnes recevront-elles l'aide et le soutien de l'État ?”

 

D'autres protestations avaient été entendues à Gubin, Rosówek, Kostrzyn nad Odrą ou Porajów. Des manifestations ont également eu lieu aux frontières tchèques, dans le village polonais de Chalupki par exemple.

 

A la réouverture des frontières, ces restrictions ont été abandonnées pour les transfrontaliers et la situation semblent s'être appaisée. Mais ces habitants, dépendants des restrictions sanitaires, voient leur avenir professionnel en Allemagne plutôt incertain si la Pologne décide de refermer les frontières.

 

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