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Restitution des biens juifs, un sujet épineux

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Écrit par Félix Fier
Publié le 3 juillet 2019

La question de la restitution des propriétés juives spoliées durant la guerre fait de nouveau débat suite à la promulgation de la loi américaine « 447 ».  Si la question de la restitution des biens volés reste particulièrement sensible dans différents pays d’Europe, la Pologne reste le seul pays ayant subi l’occupation nazie à ne pas avoir légalement réglé la question.  

 

Une question actuelle qui fait débat

 

Des manifestations d’opposition à la loi américaine 447 JUST : « Justice for Uncompensated Survivors Today » organisées par les leaders de l’extrême droite du mouvement national se sont déroulées à Varsovie le 7 mai dernier. Cette loi de mai 2018 fait en effet l’objet de contestations. Celle-ci oblige le département d’Etat américain de rapporter au Congrès les mesures prises par les pays européens en faveur de la restitution des biens des victimes de l’Holocauste ainsi que leur indemnisation. Une mesure que les groupes d’extrême droite dénoncent car trop coûteuse, elle qui donnerait de plus le rôle de « bourreau » à la Pologne alors qu’elle fut « victime » selon le premier ministre Mateusz Morawiecki.  

Il est à noter que la contestation face à la loi 447 n’a ressurgi que récemment en raison des élections européennes, et cela particulièrement pour des raisons de politique intérieure. En effet, l’opposition à cette loi a permis au parti du Mouvement National de se démarquer du PiS qu’il soutient habituellement. Ce dernier ayant, au moment de son adoption déclaré que la loi n’aurait pas de répétition en Pologne.

Pourtant, la question fait régulièrement débat et entraine des crispations, notamment avec Israël qui cherche pourtant à se rapprocher des gouvernements européens de droite dure. Ainsi, le ministère des affaires étrangères polonais décidait en mai d’annuler une visite de responsables israéliens, ayant été informé que les discussions se concentreraient notamment « sur des questions liées à la restitution de biens ».

Le gouvernement polonais semble en effet opposé à toute nouvelle mesure en ce sens. Le premier ministre aurait même déclaré lors d’une conférence tenue dans la ville de

Łodz que cela constituerait une « victoire posthume d’Hitler » avant d’ajouter « Si on dit aujourd’hui que la Pologne devrait accorder la restitution à quelqu’un, nous répondons : nous ne sommes pas d’accord et ne le ferons pas ».

Il avait par ailleurs estimé que la question « était réglée » suite à la demande de Mike Pompéo, chef de la diplomatie américaine « à adopter une loi qui permettrait de restituer les biens à ceux qui les ont perdus pendant l'Holocauste ». Le Premier ministre invoque la loi d’indemnisation co-signée en 1960 avec les Etats-Unis « qui libère la Pologne de ses responsabilités », il rajoute par ailleurs que l’Allemagne n’a jamais indemnisé la Pologne pour les pertes subies durant le IIIème Reich.

La restitution des biens est demandée par les familles et les associations juives. Notamment l’Organisation mondiale de restitution des biens juifs, qui dénonce régulièrement les mesures restrictives de la Pologne en ce sens.

 

Une restitution techniquement compliquée

 

Au-delà des considérations politiques de la question de la restitution des biens juifs, cette dernière présente des obstacles techniques. En effet, si elle peut sembler évidente au premier abord, la restitution passe déjà par la mesure du préjudice. En effet, les biens ne représentent pas l’intégralité des saisies nazie, les entreprises, les fortunes personnelles, la prospérité, le capital humain ainsi que toutes les valeurs immatérielles détruites par l’occupant sont extrêmement difficile à quantifier.

De manière plus pragmatique, il est régulièrement souligné par le gouvernement que les biens publics, notamment les synagogues ont étés rendues aux communauté juives. Cependant, la majeure partie des biens privés reste pour l’instant perdue par les victimes et descendants de victimes.

En effet, après la guerre, le régime communisme a mis en place une procédure rendant particulièrement difficile pour les survivants (premièrement seuls les descendants directs des victimes puis les proches parents par la suite) de récupérer leurs biens. S’ajoute à cela un problème toujours d’actualité, à savoir la destruction des archives et donc de nombreux titres de propriété. Rendant particulièrement compliqué pour les familles de prouver la possession légitime de biens. Ceux n’ayant pas étés récupérés, soit une majorité compte tenu des circonstances, sont ensuite devenus propriété de l’Etat. Ils ont pour la plupart étés revendus à des privés, soit par le gouvernement communiste, ou par ses successeurs et se sont malheureusement dispersés. Les bâtiments et les industries saisies ont parfois pu être abandonnés annihilant leur valeur ou même détruits. Ajoutez à cela l’évolution des frontières polonaises, le déplacement des populations réinstallées par Staline depuis les années 40 ainsi que la migration vers d’autres pays de nombreux survivants. Cela rendant la procédure de restitution transnationale, donc encore plus complexe. Vous obtenez un véritable casse-tête qui va bien au-delà des considérations idéologiques portées par le gouvernement.

 

Une situation également difficile dans les autres pays européens

 

La problématique commune à tous les pays occupés par les nazis semble connaitre des niveaux d’avancement plus ou moins élevés selon les pays. En juin 2009, à l’occasion de la conférence de Prague, 46 états européens ont co-signés la déclaration de Terezin. Celle-ci stipule entre autres, que les Etats s’engagent à continuer la recherche et le devoir de mémoire sur ce terrible évènement mais aussi à restituer les biens volés durant la guerre.    

En France et en Allemagne, les gouvernements se sont emparés de la question dès 1945, mais force est de constater que la question, particulièrement sensible concernant les œuvres d’art exposées dans les musés, n’est toujours pas réglée. En effet, en France, le gouvernement a encore annoncé en juillet 2018, la création d’une « structure administrative spécifique » visant à retrouver et indemniser les propriétaires d’œuvres exposés dans les musées français. On compte parmi celles-ci 2 100 œuvres non-restituées, dont 2 000 sans propriétaire identifié auxquelles s’ajoutent 17 000 livres dans les bibliothèques publiques. Il arrive que des gérants de musées ou d’institutions publiques soient réticents à la restitution de biens illégalement détenus depuis des décennies.

 

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Publié le 3 juillet 2019, mis à jour le 3 juillet 2019
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