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Grégoire Nitot : « Le commerce, j’ai ça dans le sang »

Grégoire Nitot SII Varsovie PologneGrégoire Nitot SII Varsovie Pologne
Écrit par Julien Apaloo
Publié le 1 avril 2019, mis à jour le 1 avril 2019

Lorsque j’arrive au siège de SII Pologne, je découvre un homme au visage souriant et très accueillant. Parisien / Normand, après avoir transité entre Rennes pour ses études, Paris et Madrid pour le travail, Grégoire Nitot s’est installé à Varsovie il y a 13 ans maintenant. Ce qu’il décrit comme « une ville sûre et facile à vivre » peut s’avérer quelque peu triste l’hiver si l’on préfère l’ensoleillement aux horizons gris et couverts de neige. Nous nous installons dans son bureau, et le temps d’une après-midi, entre rétrospective de son parcours, une petite leçon d’entreprenariat et ses ambitions futures, le PDG de SII Pologne se livre à Lepetitjournal.com/Varsovie.

« J’adore le commerce, la concurrence, les clients »

Lepetitjournal.com/Varsovie : Bonjour Grégoire, nous sommes dans les bureaux de SII à Varsovie, pouvez-vous m’expliquer ce qu’est SII ?

Grégoire Nitot : Nous sommes une société de services informatiques. Notre équipe est composée de 4 000 ingénieurs, en Pologne, qui aident d’autres sociétés à construire et à mettre en place leurs produits et services informatiques. Dans le secteur de l’informatique il y a des entreprises qui vendent des produits comme HP, d’autres qui vendent des licences comme Microsoft et celles qui vendent des services comme Accenture ou Capgemini, nos concurrents. Nous travaillons pour des banques, des boîtes high tech, des sociétés de télécoms, en Pologne ou à l’étranger.

Vous êtes implanté uniquement à Varsovie ?

Non, nous sommes présents dans 12 villes en Pologne. Nos plus grands bureaux sont à Gdansk, mais notre siège est à Varsovie où nous disposons d’environ 7 mille mètres carré de bureaux (30 000 m2 de bureaux au total en Pologne). Il y a 850 personnes qui travaillent à Varsovie, la moitié dans nos bureaux et la moitié chez nos clients. Il y a aussi tout le back office, la comptabilité, la RH, marketing…

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous installer en Pologne ?

Je voulais monter en Pologne une société de services informatiques. Avant d’arriver j’ai établi un business plan et à l’été 2005 et je me suis mis à la recherche d’investisseurs. J’ai démissionné de ma boîte à Paris et je suis arrivé ici le 2 janvier 2006. Aujourd’hui je suis actionnaire de la société à 30% et je suis le seul membre du directoire. Nous sommes très indépendants de SII France, en dehors du logo, tout nous est propre.

Ça n’a pas dû être simple…

Au départ il faut trouver les bureaux, rédiger les statuts de la boîte, trouver une banque, rédiger les contrats et trouver des clients. Une fois l’investisseur trouvé, la recherche de clients s’est révélé être le challenge principal. Au départ j’ai contacté des entreprises françaises pour déterminer s’ils avaient besoin de support pour développer leurs systèmes informatiques. Ce n’était pas évident. Il faut avoir un esprit commercial.

C’est quelque chose qui vous a toujours habité, l’entreprenariat ?

Oui, j’ai ça dans le sang, depuis toujours, depuis que je suis au lycée. J’adore le commerce, la concurrence, les clients. J’ai la chance aussi d’avoir une certaine aisance : identifier les besoins des gens, répondre à leurs attentes. Au fil des années j’ai aussi su m’adapter en tant que manager parce que depuis plusieurs années je ne fais plus de travail de commercial, puisque j’ai 130 commerciaux, mais davantage un travail de management

« On a des tonnes de concurrents polonais ou étrangers »

Vous avez beaucoup de concurrents sur ce marché en Pologne ?

Nous avons énormément de concurrents, c’est le propre des métiers de service. Que ce soit des avocats, des boîtes de relations publiques, de communication, toutes les entreprises qui vendent de l’expertise ont peu de barrières à l’entrée. Ce sont des sociétés qui n’ont pas besoin de beaucoup de capitaux, d’énormes usines ou de brevets donc c’est facile de monter une société de services informatiques. Il y a une multitude de concurrents polonais ou étrangers. Mais tous n’ont pas la même taille donc pour des gros projets stratégiques, une petite structure ne va pas pouvoir se positionner mais pour un petit projet, une boîte qui a de bons experts, de bonnes références peut nous concurrencer voire rafler la mise.

J’imagine que la lutte doit être acharnée sur les différents appels d’offre…

Nous coopérons avec des nouveaux clients chaque mois que ce soit en Pologne ou à l’étranger. Un quart de nos nouveaux projets sont des projets qu’on lance avec les entreprises scandinaves, allemandes, suisses, etc. C’est ceux qu’on essaie de développer le plus parce que ce sont des clients qui proposent de meilleurs tarifs et qui sont plus fiables que peuvent parfois l’être les sociétés polonaises. Donc on a vraiment intérêt à se développer sur ces marchés étrangers.

SII Poland a été Great Place to Work 2018 (classement américain qui évalue les meilleurs endroits où travailler dans le monde, ndlr), comment on devient le meilleur endroit où travailler ?

Je vous invite à lire l’article sur mon blog à ce sujet. Pour que les gens se sentent bien il faut que la boîte grandisse et qu’elle soit profitable. Comment génère-t-on du profit ? Avec des bons prix de ventes, en maîtrisant les coûts, en ayant une bonne qualité de service. Je pense que sur tous les business il faut avoir un différenciant. Soit la société est en situation de monopole, comme les entreprises de service public, qui vendent de l’eau ou de l’électricité, par exemple si un appartement est raccordé en eau auprès de cette société, il est obligé de se fournir auprès de cette dernière qui peut alors se retrouver en situation de monopole. Soit il y a des sociétés qui sont tellement fortes sur leur marché qu’elles ne laissent aucune place… Google par exemple. Sur le marché de la pub sur internet, ils sont tellement puissants qu’ils sont pratiquement en situation de monopole. Mais la plupart des business sont en concurrence. Prenons l’exemple du restaurant. A midi si je veux aller au restaurant, j’ai le choix entre des dizaines de restaurants mais je ne vais en choisir qu’un. Pourquoi ? Soit parce que c’est pratique, soit parce que c’est pas cher, soit parce qu’il est de bonne qualité. Il faut toujours avoir un différenciant.

C’est comme cela qu’on finit par devenir leader…

Arriver à ça ce n’est pas simple. Il y a plein de sociétés françaises qui ont commencé comme moi en 2006 et qui ont fait faillite en Pologne. C’est comme une équipe de foot, pourquoi cette équipe va-elle gagner la Champions League et une autre finir dernière en Ligue 1 ? Parce qu’il y en a une qui est meilleure, qui se bat plus, avec une meilleure alchimie et qui est plus compétente. Il y a la stratégie aussi, attaquer les meilleurs marchés, faire les meilleurs investissements.

Faire les meilleurs choix…

Oui, une autre force de SII Pologne c’est de réinvestir le profit dans la société. Depuis 2006 nous générons du profit chaque année et avec ce profit deux options s’offrent à vous : le réinvestir dans la société ou verser des dividendes. En ce qui me concerne j’ai choisi de réinvestir, dans le commerce, le marketing, lancer des nouvelles offres, ouvrir de nouvelles agences, mais aussi dans le back-office et les outils informatiques, ce que des concurrents n’ont pas forcément fait parce que le retour sur investissement n’est pas immédiat. Les actionnaires préfèrent se payer des dividendes. Il y a plus de 200 personnes qui travaillent juste pour nos outils informatiques internes, aucun concurrent ne fait autant d’efforts. Le retour sur investissement est plus long mais quand on a de meilleurs outils on est plus efficace et au final c’est un différenciant pour le client.

« Cette adrénaline c’est énormément de fun »

Vous avez fait un parallèle avec le foot, vous êtes supporter d’une équipe en particulier ?

Je suis en Pologne depuis 13 ans donc je supporte l’équipe nationale polonaise, mais elle n’est pas terrible, et le Legia Varsovie que je vais voir jouer au stade cinq à six fois par an, mais malheureusement eux non plus ne jouent pas bien. J’aimerais qu’ils soient à un meilleur niveau et qu’ils participent à la Champions League mais le club n’est pas bien géré, il y a des changements de joueurs et d’entraîneurs trop souvent. Même si je suis déçu je supporte le Legia… mais je suis davantage supporter du PSG ou de l’Equipe de France (rires).

Quel changement vous remarquez dans la ville de Varsovie ? Vous recommanderiez de s’y installer ?

Ce qui est frappant c’est que la première fois que je suis venu à Varsovie il y a 19 ans c’était complètement différent. Il n’y avait que 2 gratte-ciel dans le centre, la ville était assez pauvre donc ce développement est hallucinant. Et il ne concerne pas que Varsovie c’est la même chose dans toute la Pologne. Aujourd’hui Varsovie est une ville assez ouverte. C’est aussi une ville verte qui regorge de parcs. L’hiver est un peu triste mais de mai à septembre c’est superbe. Il fait beau, les terrasses le long de la Vistule sont pleines de monde, les parcs sont en fleurs, c’est très sympa. C’est aussi une capitale donc il y a beaucoup de théâtres, de concerts, également des clubs de sport et c’est moins cher que Paris. Ma femme est polonaise et mes enfants sont nés ici donc je connais une grande communauté polonaise et ce sont des gens accueillants et chaleureux.

Qu’est-ce qui continue à vous motiver chaque jour ?

La compétition. C’est pour ça que j’adore mon métier. Il y a toujours des concurrents qui essaient de nous attaquer et nous on essaie toujours d’être meilleurs. La compétition me donne du plaisir en tant que telle, j’en ai besoin. Les jeux de société à la maison, le sport avec des amis et cette compétition dans le business, cette adrénaline c’est énormément de fun. Il y a toujours plein de nouveaux marchés à explorer et plein de nouveaux projets à développer mais on a des faiblesses aussi. Certaines sociétés de notre secteur sont infiniment plus grandes que nous comme Accenture Cagemini, des sociétés indiennes, donc on essaie de rattraper notre retard. On doit aussi faire face à des échecs, certains investissements ne marchent pas, et des secteurs sont en perte. Je ne m’ennuie pas du tout et ce qui est intéressant c’est que mon job évolue, j’ai le même statut depuis 13 ans, CEO, mais qu’on soit seul à 10, 500 ou 4 000 personnes, mon métier est très différent !

Alors qu’il vient d’ouvrir une nouvelle société à Stockholm, Grégoire Nitot, se ravit de pouvoir « développer son business dans un nouveau pays, très différent de la Pologne ». A 42 ans, il lance encore de nouveaux projets et a récemment acheté un petit hôtel-restaurant dans le nord de la Pologne, à Cachoubie. « C’est un emplacement idéal sur un lac magique avec une vue magnifique », nous dit-il. Le site actuellement en travaux ’ouvrira aux visiteurs à partir de mai 2020. « On a davantage d’idées de projets à réaliser que de capacité à les mettre en place », rappelle ce père de quatre enfants qui à titre privé aimerait trouver le temps de réaliser des films et de continuer à progresser au squash.

Publié le 1 avril 2019, mis à jour le 1 avril 2019

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