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POLITIQUE - Faut-il célébrer une "année Edward Gierek"?

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 22 janvier 2013

 

L'idée de rendre hommage à un ancien dirigeant de la Pologne "populaire" représente-t-elle le symbole d'un passé dont la gauche polonaise n'arrive pas à tirer les leçons, ou réelle nécessité de réhabiliter certains hommes du système communiste ?

Ancien dirigeant de la République Populaire de Pologne, Edward Gierek, décédé en 2001, aurait eu 100 ans en janvier 2013. L'occasion, selon le SLD (Alliance de la Gauche Démocratique), parti social-démocrate issu de l'ancien PZPR (Parti Ouvrier Unifié Polonais) communiste, de rendre hommage à cet homme, dirigeant de la Pologne de 1971 à 1980. De quoi déclencher une nouvelle polémique dans un pays marqué par 45 douloureuses années de domination communiste.

Edward Gierek : de la mine au pouvoir suprême
L'idée soulevée par le SLD pose l'occasion de revenir sur Edward Gierek (1913-2001), un dirigeant de la République Populaire de Pologne (PRL) quelque peu oublié, car écrasé par les personnalités de celui à qui il succédait en 1971, W?adis?aw Gomu?ka et de celui qui l'évincera en 1980, Wojciech Jaruzelski. Gierek est cependant le seul dirigeant "ouvrier" de la Pologne communiste. Fils d'un mineur silésien mort en 1917 dans un accident, il devient lui-même mineur en 1925 à Ostricourt après avoir émigré en France, d'où il est expulsé en 1934 à la suite d'une grève. Après avoir passé la guerre dans la résistance communiste en Belgique, il rentre en Pologne en 1948, où il devient député et responsable du PZPR pour Katowice en 1957. Ses succès personnels en Silésie lui font gagner en influence au sein du PZPR, au point de renverser Gomu?ka au poste de premier secrétaire du parti à la suite des grèves sanglantes de Décembre 1970 de Gdynia et Gda?sk. Il restera ensuite l'homme fort du régime jusqu'en septembre 1980, où les luttes de pouvoir le font chuter au profit de deux de ceux qui furent ses protégés, Stanis?aw Kania, puis Wojciech Jaruzelski. 

1971-1980 : 10 années d'apaisement en République Populaire?
L'idée d'une "année Gierek" remonte au 2 janvier, quand Leszek Miller, président du SLD a proposé de rendre hommage au dirigeant de la République populaire à l'occasion de son centenaire. L'occasion selon L.Miller, de réhabiliter l'ancien secrétaire du PZPR, pour son action jugée bénéfique. Les premières années du régime Gierek ont en effet été considérées à l'époque comme celles d'un "miracle Polonais", après des années de stagnation sous Gomu?ka. Pays le plus pauvre du bloc de l'est, la Pologne avait alors connu une croissance inédite (au prix d'un endettement massif du pays à l'ouest), permettant une amélioration sensible du niveau de vie, jusqu'en 1976. Gierek, artisan de la détente, légalisa le premier le syndicat Solidarno?? en 1980, après avoir autorisé la visite du pape Jean-Paul II en Pologne malgré les réticences de l'URSS de Brejnev. De quoi redorer son blason entaché par la crise polonaise de 1976-1980 ou par la répression des grèves de juin 1976 ? Visiblement, seulement auprès du SLD.

? Ou dix années de continuité dans la terreur communiste ?
La majorité des partis politiques polonais, tant au pouvoir (Plateforme Civique (PO) et Parti Paysan (PSL)) que dans l'opposition (Mouvement Palikot (RP) et Droit et Justice (PiS)) ont cependant condamné cette initiative du SLD. Pour tous, Gierek reste le symbole d'années "ordinaires" en République Populaire. La Plateforme Civique souligne ainsi que dès 1971, Gierek faisait réprimer des manifestations, tandis qu'il se trouve à l'origine de la constitution de 1976 vantant l'amitié polono-soviétique et le régime de parti quasi-unique du PZPR. La plupart des opposants au projet ont tenu à rappeler à quel point la fin de la période Gierek s'apparente à une période de rationnements, de pénuries et de queues devant les magasins. Gierek avait en effet été à l'initiative de l'introduction du rationnement du sucre en 1976, année d'une hausse massive des prix. Prenant la chose en dérision, Wincenty Elsner, député (RP) de Wroc?aw a finalement suggéré au parti socialiste de faire de 2014 une "année W?adys?aw Gomu?ka", lequel aurait déclaré que "le choucroute apporte autant de vitamines C"

L'année 2013 sera de son côté, celle de la famille, et la polémique montre, une nouvelle fois, que le passé de la République Populaire ne passe pas et que certains partis, issus du système communiste, dans l'ancien bloc de l'Est, ont toujours du mal à tourner la page du pouvoir.

Charles Hubert (www.lepetitjournal.com/varsovie) - mercredi 23 janvier 2013

Sources historiques : Histoire de la Pologne communiste, autopsie d'une imposture, de Pierre Bühler.

 

 

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Publié le 23 janvier 2013, mis à jour le 22 janvier 2013
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