

De la période où "le temps se refroidit" à la période où "le sol est gelé" en passant par la "tombée des feuilles", les noms choisis par les Polonais pour les mois de l'année ne sont pas aussi abstraits qu'il y paraît. Ils évoquent la nature et l'agriculture, deux éléments fondateurs du pays. Lançons-nous sur le chemin de l'étymologie des mois polonais !
Les étymologistes ne s'entendent pas sur l'origine de stycze?, janvier, mais les deux hypothèses les plus populaires sont « styka? si? », se contacter, et « stygn?? », se refroidir. En effet, janvier est le mois où l'année qui s'achève et l'année qui commence se chevauchent, tout autant qu'il est le mois où le froid mordant des hivers nordiques s'installe pour de bon. Mais ne croyez pas que février, luty, sera plus clément! On s'explique bien que le nom de ce mois qui vous a sans doute marqué par son déficit lumineux et son froid de canard (« zimno jak w psiarni ») soit dérivé d'un adjectif proto-slave (l'ancêtre commun des langues slaves) signifiant « cruel ». Suit le mois de mars, marzec. Comme quoi le polonais, après tout, n'est pas une langue si excentrique qu'on tente de vous le faire croire! « Marzec », tout comme le nom français « mars », tient son origine du latin « Maritius ».
Et nous voilà déjà en avril, kwiecie?, de « kwitienia », « floraison ». Est-ce que le printemps arrivait plus tôt il y a quelques siècles, ou est-ce que les polonais de l'époque croyaient redonner espoir au peuple grâce à cette promesse des beaux jours à venir? Toujours est-il qu'en cas de printemps tardif comme cette année, on peut se réfugier dans l'image utopique qu'évoque « kwiecie? ». Et voici, de nouveau, un mois tiré du latin : maj, de maius. Rassurez-vous, les sept prochains mois polonais redoublent de poésie pour se faire pardonner ces deux emprunts au latin, véritable affront à la richesse de la langue polonaise! Nous nous retrouvons donc en juin, czerwiec, inspiré de « czerw », une sorte de ver dont la présence était particulièrement notable au cours de ce mois. On repassera pour la poésie, reste que le choix de ce nom illustre l'important rôle qu'a joué la nature pour le peuple polonais pendant des siècles.
Arrive ensuite juillet, lipiec, de « lipia », « tilleul ». « W lipcu », en juillet, vous pourrez lire à l'ombre des feuilles en forme de c?ur à bord dentelé d'un des innombrables tilleuls qui révèlent alors toute leur splendeur sur le territoire polonais. C'est en août, sierpie? que se faisaient les récoltes à l'aide d'une faucille, « sierp ». Vient ensuite septembre, wrzesie?, de « wrzos », « bruyère ». C'est en effet au cours de ce mois que fleurit cette plante qui colore les champs polonais d'un charmant violet, soulignant que l'été ne nous a pas encore abandonné.
En octobre, pa?diernik, on retourne aux origines agricoles : « pa?diernik » vient de « pa?dierze », « anas », le résultat de la récolte du lin et du chanvre. Mais octobre est également un mois envoûtant, avec les feuilles qui s'approprient tant de couleurs flamboyantes, s'accrochant obstinément aux branches des arbres, comme si elles croyaient être les premières à réussir l'exploit de repousser l'hiver. En novembre, listopad, elles doivent bien se résigner : ce n'est pas pour rien que le nom de ce mois combine « li?? », feuilles, et « pada? », tomber. Fait intéressant, en croate, « listopad » arrive un mois plus tôt? Et nous revoilà déjà en décembre, grudzie?, tiré d'un mot proto-slave signifiant « période où le sol est gelé ». Prêts à recommencer le cycle?
La richesse des noms des mois polonais illustre la diversité du climat de ce pays... L'important est de savoir apprécier chaque saison certaines étant plus longues que d'autres... et, comme le rappelle le proverbe polonais : « Bój si? w styczniu wiosny, bo marzec zazdrosny » (Aie peur du printemps en janvier, car mars sera jaloux).
Any-Pier Dionne (www.lepetitjournal.com/varsovie) - lundi 15 avril 2013
Crédit photo : Stock Corbis







