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IMPOSSIBLE N'EST PAS POLONAIS (4) - Niedotykalska ?

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 23 juin 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

 

Sainte-Nitouche ? La langue polonaise n'est en tout cas pas une fille facile. Elle se courtise et se mérite. Lepetitjournal.com vous offre ici quelques conseils avisés pour conquérir cette belle slave...

 

Que tous ceux ? hormis ces quelque 50 millions d'époux légitimes ? à qui la belle aux charmes bruissants a tourné la tête (zawróci?a w g?owie), arrêtent de se leurrer : elle ne se laissera pas prendre (nie da si? posi???) sur un coin de table dans une salle de classe désertique, elle résistera aux charmes de la conversation à domicile et demeurera de glace, ou plutôt de pierre (pozostanie z kamienia) devant vos promesses de liaison durable. Non : ce qu'elle veut, ce n'est pas une nuit d'amour, mais une vraie communion du corps et de l'esprit ; et là, précisément, les problèmes commencent.

Car l'esprit de la langue polonaise, souvent obscur pour ses propres fils que cela ne perturbe d'ailleurs nullement (dans la famille, on raffole de tout ce qui dépasse l'entendement - co si? nie mie?ci w g?owie), se laisse encore moins approcher par un francophone féru de clarté et de sens logique, pour qui la langue constitue avant tout un instrument de communication.

"Esprit, es-tu là ?", demande anxieusement notre prétendant tout en récitant, d'une voix monotone, ses déclinaisons tandis que, de nature méfiante et extrêmement économe de ses moyens, l'esprit du polonais retient sa langue (trzyma j?zyk za z?bami) ; commence alors un vrai dialogue de sourds où tout le monde est forcément perdant. Que faire ? Jak nie wiesz, co masz robi?, to dzieci rób (Si tu ne sais pas quoi faire, fais des enfants), dit une expression populaire pas très élégante mais, après tout, peut-être efficace ?

Avant toutefois de lui faire subir les derniers outrages (cette expression n'a pas d'équivalent en polonais qui, dans le domaine sexuel, a toujours préféré les actes aux paroles), essayons la manière douce et caressons notre dulcinée dans le sens du poil (en polonais : bra? pod w?os ce qui est déjà une sorte de possession, bra? signifiant prendre).

Première consigne : la patience. Vous vous sentez impuissant devant le nombre ahurissant de consonnes doubles (sz, cz, rz, dz,...) et de signes diacritiques (?, ?, ?, ó, d?, d?..., et encore on vous fait grâce de l barré) qui constel­lent le front de votre sainte-nitouche ? N'ayez crainte : ça viendra ! Si ce n'est pas dans un mois, ce sera dans un an, ou deux. En attendant, dites-lui ?abko (ma petite grenouille), dites-lui ?rebaczku (mon poulain), ?uczku (mon petit scarabée), s?onko (mon petit soleil), biedroneczko (ma coccinelle) et même, osez-le, d?d?ownico (mon ver de terre) : ça vous fera de l'exercice et ça lui fera plaisir. Si, en dépit de vos efforts, vos résultats sont toujours médiocres, pensez à la langue serbo-croate qui peut enchaîner jusqu'à 5 consonnes, une vraie ceinture de chasteté ! Et puis, que diable, surveillez vos voyelles ; il y en a trop, la preuve, c'est que ça vous empêche d'apprendre les langues étrangères.

Allez-y doucement, et surtout n'y perdez pas votre latin (nie zapominajcie j?zyka w g?bie). Au contraire, il s'agit de rafraîchir vos connaissances de cette langue belle bien que morte, car le latin ayant conservé l'étrange manie de décliner tout ce qui bouge (wszystko co si? rusza), même les substantifs, il peut servir d'intermédiaire pour mieux aborder la déclinaison polonaise. De là à admirer la force du caractère du polonais, il n'y a qu'un pas. A travers les âges, il a su se passer de l'autorité des prépositions pour garder à ses noms une liberté exceptionnelle, celle de changer de terminaison kiedy dusza zapragnie (quand bon leur semble). Król Karol kupi? królowej Karolinie korale koloru koralowego : le pouvoir des terminaisons est sans frontières (bez granic).

Surtout, parlez-lui, pas forcément d'amour car dans je t'aime à la polonaise (kocham ci?) vous guette le phonème h, la pierre angulaire de toute entreprise amoureuse sur laquelle vous risquez de vous casser les dents (po?ama? sobie z?by). Parlez plutôt de la pluie et du beau temps, c'est-à-dire o tym lub owym, comme disent les autochtones de façon quelque peu détournée à cause du temps qui est rarement beau en Pologne. Parlez-lui de vous, n'est-ce pas une occasion rêvée de paraître sous un meilleur jour, de devenir un vrai homme d'action, débarrassé que vous serez de ces pronoms maudits qui vous empêchent, en français, de passer directement au verbe ? Je suis beau, j'ai une Porsche, je possède une île dans le Pacifique où vous serez reine ; que de temps perdu en vains marivaudages ! Jestem pi?kny, mam Porsche'a, posiadam wysp? na Pacyfiku gdzie b?dziesz królow? : voilà le pays où le verbe est roi. Et ne vous méprenez pas si la belle Polonaise demeure taciturne : tandis que chez vous ?qui ne dit mot, consent?, ici "co si? rzek?o, to przepad?o" (Ce qu'on dit est perdu). Co kraj, to obyczaj (autres pays, autres m?urs).

Anna Kryst (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) jeudi 23 juin 2011


Pour en savoir plus, nos articles :

- IMPOSSIBLE N'EST PAS POLONAIS (1) - Kostki zosta?y rzucone !
- IMPOSSIBLE N'EST PAS POLONAIS (2ième partie) - Jasne jak s?o?ce ?
- IMPOSSIBLE N'EST PAS POLONAIS (3) - Wszystko w swoim czasie !
- APPRENDRE LE POLONAIS - Un doux supplice ?
- PARAMIOLOGIE ? Ce que les proverbes nous disent de la Pologne


Cet article est paru initialement dans feu Le Courrier de Varsovie. Nous le republions avec l'aimable autorisation de son ancienne rédaction.

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Publié le 23 juin 2011, mis à jour le 14 novembre 2012