Nasz Dziennik et Rzeczpospolita évoquaient hier la commémoration de la Journée des "soldats maudits", qui a lieu depuis 2011 chaque 1er mars. Des combattants qui, après avoir refusé de voir la Pologne disparaître sous la botte nazie, se sont opposés à la renaissance de leur pays sous le joug soviétique. Leur lutte pour l'indépendance de la Pologne, près de 20 000 de ces soldats la paieront de leur vie.
Envahie le 1er septembre 1939 par l'Allemagne nazie, puis le 17 septembre de la même année par l'Union Soviétique, la Pologne fut la première victime de la seconde guerre mondiale. Le pays en a aussi payé le plus lourd tribut, perdant 17% de sa population, mais aussi son indépendance. D'abord sous domination allemande, le pays passe sous domination soviétique en 1945. Pris entre deux feux, les résistants polonais deviendront des "soldats maudits". Aujourd'hui, le pays leur rend hommage.
Pris entre deux feux : l'histoire des résistants polonais
L'histoire des "soldats maudits" (?o?nierze wykl?ci) débute avec la "libération" de la Pologne par l'armée rouge à partir de l'été 1944. Malgré l'existence d'un gouvernement en exil à Londres dirigé par Stanis?aw Miko?ajczyk, l'URSS installe à Lublin puis à Varsovie un Comité de Libération Nationale (PKWN) sous son contrôle. Pour affirmer leur autorité, les nouveaux dirigeants communistes se donnent pour objectif premier d'écraser une résistance rattachée à Londres et hostile depuis le début de la guerre à l'Union Soviétique. Avant même la fin de la guerre en Pologne, le NKVD (police politique soviétique) et les nouvelles autorités pro-soviétiques dirigées par W?adys?aw Gomu?ka mènent donc la chasse à l'Armia Krajowa (AK, Armée Nationale, résistance londonienne).
1945-1952 : une guerre qui ne dit pas son nom
On estime qu'environ 50 000 résistants polonais seront ainsi déportés en Sibérie avant la fin du conflit mondial. Parmi eux, le dernier responsable de la résistance intérieure, Leopold Okulicki, qui sera exécuté à Moscou en 1946. Condamnés quoi qu'il advienne, les résistants polonais deviennent des "soldats maudits". Arrêtés et déportés dès qu'ils se rendent, certains choisissent de continuer la lutte au travers de l'organisation "Wolno?? i Niezawis?o??" (WiN, Liberté et Souveraineté). Dans un climat de quasi-guerre civile en Pologne, l'organisation sera cependant, comme l'AK, écrasée par la force et elle se dissoudra en 1952, après l'exécution de ses principaux leaders le 1er mars 1951 dans la prison de Mokotów, à Varsovie. 7 ans après la fin de la guerre, l'espoir d'une Pologne libre disparaissait, même si le dernier résistant polonais, Józef Franczak, ne sera tué qu'en 1963.
Une reconnaissance tardive
Occultée durant les 45 ans de régime communiste, la résistance polonaise d'après-guerre n'a été reconnue qu'après la démocratisation du pays. Le premier pas vers une reconnaissance officielle est effectué en 2001, quand le Sejm émet une résolution reconnaissant le sacrifice de ceux s'étant battus pour l'indépendance de la Pologne après la seconde guerre mondiale, et notamment des combattants de WiN. Il faut cependant attendre 2010 pour que le président Lech Kaczy?ski, soutenu par les associations d'anciens combattants et les principaux partis politiques polonais, annonce son intention de faire du 1er mars une journée d'hommage aux "soldats maudits".
Après la disparition du président Kaczy?ski, le projet de loi fut adopté en février 2011. Le 1er mars 2013 marque donc la 3e "journée nationale d'hommage aux soldats maudits". La poursuite d'une réhabilitation, pour des soldats victimes de deux totalitarismes, puis de 45 années d'oubli et de rejet.
Article publié le 1er mars 2013
Charles Hubert (www.lepetitjournal.com/varsovie) - Jeudi 1er mars 2013
Photo : LPJV