Édition internationale

AFGHANISTAN – Le coût de la guerre

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

 

Les corps du soldat et de l'infirmier tués samedi à Ghazni sont arrivés hier à Varsovie. 24 polonais sont morts en Afghanistan depuis 2007. 2630 militaires participent à la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) sous commandement de l'OTAN. Comme en France, cet engagement n'est que peu débattu en Pologne, son coût humain et financier le rend pourtant impopulaire.

(1 Rosomak en opération, 2, 3 et 5 Province de Ghazni, 4 Irak - wikicommons)

Marcin Pastusiak et Marcin Knap sont morts lors d'une patrouille de routine. Les insurgés afghans ont fait exploser une mine artisanale au passage de leur blindé. Le Rosomak polonais est pourtant un véhicule dont la solidité a fait ses preuves, mais la quantité d'explosif utilisée est toujours plus importante.

Une opération coûteuse
2.630 soldats polonais sont basés dans la province de Ghazni. Ils tentent notamment de sécuriser la dangereuse route Kaboul-Kandahar et entraînent les forces de sécurités afghanes. Pour aider le gouvernement et se faire accepter de la population, ils participent aussi à la reconstruction du pays et à des opérations humanitaires. A titre de comparaison, la France ne déploie "que" 3.850 soldats et déplore 53 morts. Son budget militaire est pourtant 5 fois plus important que celui de l'armée polonaise.

En 2010 cette dernière affirme avoir tué 239 insurgés, arrêté 243 suspects, désamorcé 200 bombes et confisqué plus de 5 tonnes d'explosif. Le coût de ces opérations est très élevé: 1,3 milliard de zlotys par an (330 millions d'euros). La Pologne vient d'ailleurs de s'offrir 8 drones israéliens ultra modernes pour la bagatelle de 76 millions de zlotys. En période de chasse aux déficits, ces sommes sont importantes. Selon le libéral Janusz Palikot, elles pourraient résoudre la pénurie de crèches en Pologne et transformer 7.000 bibliothèques en centres multimédia.

Un engagement symbolique
L'effort du pays est pourtant modeste au regard de l'énormité des opérations de l'ISAF. Les 2.630 polonais comptent pour moins de 2% des 140.000 soldats de la coalition internationale présents en Afghanistan. Leurs 24 morts représentent 1% des 2.300 pertes de l'ISAF.

Mais

cette présence est très importante pour la politique internationale de la droite polonaise pro-américaine. Elle est aussi extrêmement appréciée des Américains qui font tout pour présenter leurs interventions militaires comme le fait d'une large coalition.

En novembre, lors de la visite du président polonais à la Maison Blanche, Obama déclarait d'ailleurs : ?Les Polonais ont cette chose qui fait d'un homme le meilleur des alliés. Ils ont une aspiration à défendre leur liberté et celle des autres".

L'expérience irakienne
En 2003 la Pologne est avec l'Australie, le Royaume-Uni et les Etat-Unis l'un des 4 pays à envahir l'Irak. La population polonaise est partagée sur cette participation, mais le gouvernement y place de grands espoirs. Un diplomate basé à Washington pavane: « Les représentants de petits pays comme la Norvège bavent en voyant qui je peux rencontrer ». Ces considérations de politique étrangère sont doublées d'espoirs économiques : juteux contrats sous-traités par les américains mais aussi recouvrement de sa dette (700 millions de dollars). La Pologne avait été très présente dans les années 1970 et 1980 sur les chantiers irakiens.

Mais Varsovie déchante rapidement : elle se met à do

s ses partenaires européens, les sommes obtenues déçoivent et la fin espérée des visas pour les USA n'arrive pas. La Pologne quitte finalement l'Irak en 2008. Jusqu'à 2.600 militaires ont participé aux opérations, et 15.000 sont passés par le pays. 21 polonais y sont morts (0,5% des 4.754 morts). Comme pour l'Afghanistan, Washington s'est félicitée de la participation polonaise en Irak. Sur le terrain, les Marines reprochent pourtant à tous leurs alliés leur manque d'engagement et se plaignent de faire le sale boulot. Les statistiques ne leur donnent pas tort : 93% des pertes de la coalition sont américaines.

"Just kind of hanging around"
En décembre un article du magazine Time crée une polémique en Pologne. Le journaliste cite des officiers américains qui critiquent l'inefficacité des soldats polonais. Ils se plaignent des patrouilles polonaises inutiles qui n'arrivent justement pas à sécuriser les routes et ne font que se "balader". Le commandement américain s'est rapidement excusé. Un général polonais à la retraite en avait alors profité pour dénoncer le manque de soutien financier et politique du gouvernement polonais pour son armée.

Annus Horribilis
La situation ne s'améliore pas en Afghanistan. L'année 2010 a même été la plus meurtrière depuis le début du conflit pour les forces de la coalition : 711 de ses soldats sont morts, majoritairement des américains. Mais ce chiffre doit aussi être comparé aux 10.000 morts afghans cette même année : insurgés bien sur, mais aussi forces gouvernementales et civils. L'année 2011 commence sous de meilleurs auspices, ?seulement? 27 morts pour l'ISAF en janvier.

Le retrait
Les guerres sont rarement populaires. L'éloignement des combats, leur but incertain, le défilé des cercueils et le manque de résultat, voire la dégradation de la situation afghane n'arrangent rien. En 2010, la participation polonaise jusque là peu débattue devient un thème de la campagne présidentielle.

La Pologne ne s'est jamais sentie particulièrement concernée par la guerre contre la terreur. Mais elle doit plaire à son allié américain et montrer son engagement actif au sein de l'OTAN. Varsovie veut une organisation militaire forte et mobilisée. Plus que les talibans, c'est le bellicisme de Moscou qui l'inquiète.

Peut-être justement en réponse au « lâchage » de Barack Obama dans le projet de bouclier antimissile, Donald Tusk déclare en juin dernier: « Nous sommes suffisamment engagés en Afghanistan pour pouvoir discuter d'un retrait le plus rapide possible ». Le tabloïd polonais FAKT titre alors: « Nous avons perdu assez de sang pour défendre l'Amérique qui nous a trahis ». Des sondages montrent que 75% des polonais sont favorables au retrait.

Mais l'OTAN a insisté et les forces polonaises devraient finalement continuer leur mission de terrain jusqu'en 2012. Elles se consacreront ensuite uniquement à la formation de la police afghane jusqu'en 2014, date probable de leur départ.

CQ (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mercredi 26 janvier 2011

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Publié le 26 janvier 2011, mis à jour le 14 novembre 2012
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