

Le Beaujolais Nouveau est arrivé cette nuit. Chaque année le troisième jeudi de novembre ce vin primeur crée l'événement. A l'occasion des 60 ans de cette opération marketing, lepetitjournal.com s'intéresse au cru le plus fêté (et critiqué) au monde
Une réussite commerciale
Les professionnels de la région Beaujolaise ont réussi à imposer un produit atypique, un calendrier précis, et inventer un rituel festif. L'origine de cette mode planétaire remonte à 1951. L'administration française reconnait alors au Beaujolais son caractère de vin primeur et autorise une commercialisation anticipée. En 1970, le Beaujolais Nouveau se popularise sur les comptoirs parisiens, mais c'est seulement en 1975 que la forte médiatisation de ce primeur donne une ampleur nationale au phénomène.
Depuis quelques années la mode du Beaujolais s'est essoufflée et les ventes ont réduit de 30%. Le Beaujolais Nouveau roule maintenant en vitesse de croisière, son "arrivée" reste encore l'un des grands événements mondiaux du vin : il s'en écoule 40 millions de bouteilles en trois semaines. La production s'est stabilisée à près 300.000 hectolitres (contre un record de 500.000 dans les années 90). Moins de 60% de ces bouteilles sont d'ailleurs consommées dans l'Hexagone. Derrière les Français, les Japonais sont les premiers amateurs de ce vin fruité (90% du vin français envoyé vers le Japon est du Beaujolais), viennent ensuite les Etats-Unis, l'Allemagne.
En Pologne, la part du Beaujolais est encore infime. La consommation de vin, dans son ensemble, est déjà très réduite : alors qu'un polonais boit 100 litres de bière par an, il consomme chaque année moins de 3 litres de vin (contre 40 pour un français). Le marché est par contre en forte croissance (+5% en volume, +10% en valeur par an selon AC Nielsen). Il faut souligner que parmi les 50.000 vendangeurs venant des 4 coins du monde, juste après les effectifs français les Polonais sont historiquement très bien représentés.
Sacrifié sur l'autel du marketing
Si le Beaujolais Nouveau séduit encore les néophytes, il énerve aussi toujours les connaisseurs. On lui reproche son goût standardisé de gros vin à la Fraise Tagada. Il dévalorise les excellents crus (non primeurs) du Beaujolais et gâche du bon raisin qui, gardé en fûts, serait devenu un excellent vin.
En effet, les viticulteurs de Beaujolais Nouveau ont encore tendance à standardiser leur production pour mieux la commercialiser. Ils ont tout fait pour faire ressortir les arômes de fruits rouges. D'où le recours quasi-systématique à la chaptalisation (ajout de sucre pour gonfler le taux d'alcool), ou à la macération pré-fermentaire à chaud (on chauffe, puis refroidit rapidement les cuves de raisins pour obtenir des vins encore plus aromatiques) et même par le passé à des levures artificielles (qui donnaient le fameux goût de banane).

- Pour l'expérience fruitée des vins primeurs. Commercialisé quelques semaines après les vendanges ce vin est peu alcoolisé et facile à boire. Paradoxe : c'est ce goût exagérément fruité et standardisé qui plaît à l'étranger et soulève des critiques en France où l'on préfère des vins plus boisés, tanniques et structurés. Mais contrairement à ces vins amers et astringents, le Beaujolais Nouveau est facile à boire en dehors des repas et plait à un public très large. D'ailleurs la météo a été favorable et le millésime 2011 est une bonne année avec des vins riches, frais et puissants
- Pour ne pas bouder un rituel festif. Le Beaujolais Nouveau est un vin joyeux et léger qu'il ne faut pas prendre au sérieux. Les longues soirées pluvieuses de novembre ne sont pas folichonnes et le Beaujolais est un bon prétexte pour se réunir dans une atmosphère conviviale.
- Pour son prix (presque) raisonnable. Le Beaujolais Nouveau se paye souvent 5 euros en France et 25 euros au Japon. En Pologne, on peut le trouver à 40 zlotys dans les supermarchés et chez tous les bons cavistes, un peu plus de 50 pour un Beaujolais Villages.
- Parce que, comme pour le Goncourt, tout le monde en parle et que vous adorez donner votre avis.
- Enfin ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de caser gouleyant dans une conversation ! Une dégustation de Beaujolais est toujours une excellente opportunité de briller en société : votre Beaujolais Nouveau sera certainement tout en rondeur et souplesse, fringant, friand avec, bien sûr, des notes gourmandes de groseilles.
CQ (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) jeudi 18 novembre 2010
(Mise à jour, jeudi 17 novembre 2011)
Mode d'emploi
Le Beaujolais est très adapté aux plats de saison (raclette, tartiflette... ). Il accompagne étrangement bien la cuisine traditionnelle polonaise (b?uf, pommes de terre...), il est parfait avec un plateau de charcuterie ou de fromage et s'accommode très bien avec la cuisine italienne (pizza, lasagnes, pâtes...).
L'appellation Villages (1/3 des Beaujolais primeurs) offre un Beaujolais plus puissant, tout en gardant l'esprit fruité et rafraichissant d'un primeur. Il se conservera aussi un peu mieux. Si le Beaujolais Nouveau est parfait pour les entrées, le Beaujolais Villages Nouveau accompagnera mieux les repas. Idéalement, ils se servent respectivement à 12 et 14°C (laissez-le 1h dans le bac à légumes pour le premier, dans la porte de votre frigo pour le second).
Pensez à regarder l'étiquette ou mieux le bouchon, un N ou la mention Négociant indique que le contenu de la bouteille est un assemblage des vins de différents producteurs. Plus homogènes, ces vins offrent moins de surprises (bonnes ou mauvaises) que les bouteilles du simple Récoltant (R sur le bouchon).







