

A l'occasion de la traduction en polonais de son roman Le Passager, Jean-Christophe Grangé est venu à la rencontre de ses lecteurs à Varsovie. Aujourd'hui maître dans l'art du thriller - il compte près de 500.000 exemplaires vendus de chacun de ses romans - le romancier a d'abord vécu plusieurs vies avant de se consacrer totalement à l'écriture.
Rien ne prédestinait Jean-Christophe Grangé à devenir l'auteur de romans policiers à succès que l'on connait. Il a d'abord dû trouver sa voie : de ses rêves de jeunesse de musicien, aux études de Lettres, en passant par la publicité et le journalisme... le moins que l'on puisse dire, c'est que le parcours fut dense mais qu'il trouve une certaine cohérence à travers le prisme de l'écriture. C'est le fil rouge qui le conduira en 1994 à publier son premier roman. Le genre du roman policier n'a pas tout de suite été une évidence. Grangé avait certains préjugés et c'est un peu par hasard et par la force des choses qu'il a découvert ce genre. Grand reporter, il voyageait beaucoup et souvent accompagné par un photographe passionné de polars. Il faut bien occuper les heures de vols... "Une fois que j'ai commencé, j'ai tout de suite adoré et j'ai préféré à la littérature classique", reconnaît-il.
Trois choses l'intéressent dans le genre du policier : tout d'abord la nécessité d'une vraie intrigue, ensuite le suspens qui impose une écriture de l'urgence et enfin les thèmes de la violence et de la cruauté humaine. Indéniablement ces thèmes sont omniprésents dans l'oeuvre de Grangé. La violence n'est pas cachée ni feutrée mais elle s'impose au lecteur à travers notamment des descriptions minutieuses de corps mutilés. Quand on l'interroge sur l'origine de cette violence (comment un homme qui semble normal et pacifique peut-il écrire des choses aussi horribles ?), Jean-Christophe Grangé parle de catharsis. "On écrit toujours sur les choses qu'on ne comprend pas, sur ce qui nous fait peur. Chez moi, l'écriture agit comme une catharsis de peurs très enfouies et réelles. La violence des hommes est quelque chose que je ne peux pas digérer depuis que je suis tout petit".
Aux enquêtes scientifiques, il préfère les intrigues qui mettent l'homme au centre du livre : «J'aime plonger dans la folie des tueurs, ceux qui vont laisser des traces sur leurs victimes plutôt que de partir dans une recherche improbable d'indices semés dans la moquette.» Ce bourreau de travail (il se lève quotidiennement à 4 heures du matin pour se mettre à la tâche) commence toujours l'écriture de son roman par le dénouement. «J'ai un livre quand j'ai une fin, quand j'ai trouvé la réponse à "qui a tué ?". C'est toujours l'assassin qui me permet de remonter au crime» explique-t-il. Mettre l'homme au centre du roman, c'est bien ce que Jean-Christophe Grangé a appliqué une nouvelle fois pour son roman Le Passager. Au coeur de l'intrigue, on trouve un suspect amnésique aux multiples identités, une personnalité complexe qui va permettre à Grangé de brouiller les pistes et d'emmener son lecteur sur les traces des meurtres mythologiques. "Mon flic ou mon héros, explique-t-il, c'est toujours une espèce de héros mythologique. Ce type qui cherche son identité, qui erre d'île en île, c'est un peu Ulysse. J'aime bien l'idée que les meurtres rappellent les mythes anciens de la Méditerranée". C'est efficace et bien mené. Un vrai polar comme on les aime : une fois ouvert, on ne le lâche plus.
Extrait
"Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. C'est une connerie. Du moins dans son acceptation banale et contemporaine. Au quotidien, la souffrance n'endurcit pas. Elle use. Fragilise. Affaiblit. L'âme humaine n'est pas un cuir qui se tanne avec les épreuves. C'est une membrane sensible, vibrante, délicate. En cas de choc, elle reste meurtrie, marquée, hantée."
Le Passager, Editions Albin Michel, 752 p.
Cécile Gaudemet (www.lepetitjournnal.com/varsovie) - mardi 26 mars 2013
Photos : Site IFV







