Édition internationale

JEAN GASPAROUX - Quand un Français débarque en pleine Insurrection de Varsovie

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 juillet 2016

 

L'esprit rebelle est quelque chose d'universel, mais dans l'histoire, les Français comme les Polonais ont toujours su apporter fougue et folie, avec des héros solitaires qui sortent de l'ombre, capables de changer le cours d'une ou plusieurs vies, d'une bataille, ou même de changer l'idée qu'on se fait d'une nation. L'un d'eux, incarnant à lui tout seul l'esprit de l'outsider français agissant avec insolence et improvisation, mérite un grand coup de projecteur. C'est Jean Gasparoux.

Dans la compagnie B3 des insurgés de Varsovie, il y avait un moustachu qui ne parlait pas beaucoup. Il avait un béret avec un drapeau tricolore. C'était un Français qui ne parlait pas polonais, il s'appelait Jean Gasparoux. C'est un nom plutôt auvergnat, mais on ne sait pas vraiment d'où vient ce héros extravagant. Juste qu'il est lieutenant, médecin et parachutiste, et qu'il s'est enfui d'un camp pour officiers quelque part en Poméranie se cachant depuis lors à Varsovie? Il a rejoint la compagnie B3 aux premiers jours de l'insurrection, car son chef Marian Wichrzycki "Szwarc" parle français.

Le 8 août, alors que les Allemands s'apprêtent à lancer une attaque contre un bâtiment tenu par la compagnie au croisement des rues Pu?awska et Idzikowskiego, Jean Gasparoux se met soudainement à découvert, poussant des cris en direction des Allemands pour provoquer leur chef en duel. Il est délicieux, à ce moment précis de l'histoire, de s'imaginer quelles belles insultes en patois auvergnat ont dû fuser dans la chaleur de l'été... Mais Gasparoux était-il même auvergnat ?

Lui et l'officier allemand conviennent de faire un duel. L'acte de Gasparoux est désespéré, suicidaire. La ligne de front entière s'arrête et les deux "cow-boys" se font face, flingue à la ceinture, à 100 mètres l'un de l'autre. Midi pétante, dans la rue, d'un côté le para français en haillons, fraîchement évadé d'un camp qui veut rentrer chez lui alors qu'une partie de la France est déjà libérée, et de l'autre, l'officier sûr de lui, propre, qui veut montrer sa bravoure et sa supériorité à ses subordonnés. Les yeux sont rivés sur ce duel d'une époque révolue. Mais personne ne voit les Polonais qui se cachent au deuxième étage du bâtiment et préparent une gigantesque bombe à base de grenades et de plastique pris à l'ennemi.

L'Allemand comme le Français loupent tour à tour leur cible, et l'affrontement s'arrête. Le Français rejoint ses frères Polonais tandis que l'Allemand lance aussitôt une contre-attaque sur le bâtiment pour en finir. Ils n'ont alors que le temps de lever la tête pour voir les Polonais balancer par-dessus bord l'énorme bombe depuis le deuxième étage. La déflagration rendit sourds ces derniers pendant plusieurs jours, et des Allemands on ne retrouva que les chaussures?

Plus tard, le 27 août, un tank entre depuis la rue Nowosielecka dans la rue Czerniakowska, et commence à tirer sur la barricade. Les Polonais tous plaqués au sol dans la tranchée sont surpris par l'arrêt des tirs. C'est le silence total. Ils relèvent la tête et une scène incroyable s'offre à eux : Jean Gasparoux s'est mis à découvert devant les tanks, d'un pas de danse il traverse tranquillement la rue en faisant tournoyer une ombrelle multicolore, chantant « tra-la-la ». Les Allemands n'ont pas tiré, trop étonnés.

Jean Gasparoux survivra à toute l'insurrection de Varsovie de la sorte, en se comportant comme un cousin aéroporté du Capitaine Haddock, poussant des gueulantes et changeant le cours des batailles au gré de ses envies! Durant les 63 jours de l'insurrection, aucune balle ne l'atteindra. A la fin, une partie des insurgés se camouflent en civils pour se fondre dans la masse, mais Jean Gasparoux ne peut faire croire qu'il est un civil polonais ! Son compagnon d'armes Eugeniusz Ajewski raconte qu'il a reconnu le Français après la capitulation, portant toujours fièrement son béret avec le drapeau français? Nous n'avons retrouvé aucune trace de sa vie d'après-guerre, mais on sait qu'il a pu rentrer en France.

Alors ce sacré bonhomme était-il extrêmement courageux, ou bien fou? En réalité il était tout à la fois : Jean Gasparoux était un Français, un point c'est tout?

Avis de recherche : Si vous avez plus d'informations sur la vie de Jean Gasparoux après guerre, merci de nous contacter?

Sources :
Témoignage de Marian Wichrzycki "Szwarc"
Témoignage de Stanislaw Lipski "Staszek"
Témoignage de Eugeniusz Ajewski "Kotwa"
Témoignage de Wojciech Militz "Bystry"
Témoignage de Witold Piekarski "Zbylut?
Prisonniers de guerre français et polonais : fraternité, expériences, témoignages, Jean-Louis Panné, 2014
Article de Michal Wojcik dans Newsweek Historia, juillet/août 2014
Musée de l'insurrection de Varsovie

Le 1er août à 17 heures, les sirènes retentiront comme chaque année et toute la ville s'immobilisera pendant une minute, en mémoire de l'Insurrection qui éclata en 1944. Pour en savoir plus sur ce moment de l'Histoire, cliquez ici.

© Photos du domaine public

Matthieu Rubio (lepetitjournal.com/Varsovie) - Vendredi 29 juillet 2016

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Publié le 28 juillet 2016, mis à jour le 20 juillet 2016
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