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EXPOSITION - Mela Muter, artiste méconnue

Exposition Mela MuterExposition Mela Muter
© Laura Giarratana
Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 5 octobre 2017, mis à jour le 6 janvier 2021

Pour la première fois à Varsovie, une exposition présente une sélection des peintures de Mela Muter, artiste polonaise parmi les plus remarquables du XXe siècle. Ses portraits, paysages et natures mortes sont l’expression d’un style très individuel bien que Mela Muter ait appartenu à l’Ecole de Paris.

Le mérite de cette exposition qui a lieu à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de l’artiste, tient non seulement au fait qu’il s’agisse d’une première à Varsovie – les peintures de Mela Muter appartenant toutes aujourd’hui à des collections privées - mais aussi au choix des œuvres qui permettent d’apprécier la diversité du travail de l’artiste. La durée de cette exposition se limite cependant à trois semaines et à deux jours par semaine…et prend fin le 10 octobre !

Derrière ces dix-sept tableaux, élégants, expressifs, aux couleurs mornes et parfois sombres, se cache la biographie orageuse d'une femme qui, dans son œuvre « s'inspire de la fascination des autres », comme a déclaré la commissaire de l’exposition.

Maria Melania Muter (née Klingsland) naît à Varsovie en 1876 dans une famille juive aisée et cultivée. En 1901, après une année de cours à l’école de dessin pour femmes de J. Kotarbinski, elle arrive à Paris avec son mari, Michal Muttermilch, journaliste socialiste, ainsi que son fils Andrzej, et s’inscrit à l’Académie de la Grande Chaumière puis à l’Académie Colarossi où elle suit les cours d'Etienne Tournés, Raphaël Collin et René Xavier Prinet. Bien qu’attachée à la Pologne, Mela Muter devient vite une personnalité de Montparnasse qui expose ses œuvres aussi bien à Paris (Galerie Chéron – 1918 - et à la Galerie Druet -1926 et 1928), Munich, Pittsburgh, Barcelone, Gerona, et bien sûr, en Pologne (Varsovie, Lvov – alors ville polonaise - Cracovie).

Sa forte personnalité, son ambition et son talent lui valent certaines relations amoureuses. Avec Leopold Staff d’abord qui la mettra en relation avec la diaspora polonaise en France et avec Raymond Lefebvre, journaliste et écrivain de gauche de quinze ans son cadet qui l’introduira dans le milieu de l’intelligentsia parisienne. Dans les années 1920, Mela Muter est l’une des portraitistes d’intellectuels et artistes de l’époque les plus connues. Ses sujets sont des membres de son entourage, souvent ses amis (Auguste Rodin, Diego Rivera, Georges Clémenceau, Maurice Ravel, Henry Barbusse sans oublier des Polonais, comme le célèbre Henryk Sienkiewicz) mais aussi des anonymes. C’est le cas lors de ses voyages en Grande-Bretagne, notamment, où elle peint de simples habitants des villages.

Dwa wieki, 1902
Dwa wieki, 1902   

Certaines de ses compositions sont facilement associées aux peintures de Gauguin en raison de la représentation approximative de ses personnages et de la nature abstraite, proche de l’Ecole de Pont Aven, avec ses zones de couleurs planes.

Pejzaż (date inconnue)

Muter crée également des œuvres influencées par sa fascination pour Paul Cézanne (paysages et natures mortes), Vincent van Gogh (paysages), Edouard Vuillard (portraits intimes de vieillards, personnages pauvres, enfants).

Dwójka dzieci (date inconnue)

Les femmes sont pour Mela Muter un sujet de prédilection, quelle que soit la classe sociale dont elles sont issues. 

Portret kobiety w etoli, 1919

Pourtant le début des années 1920 est une épreuve pour l’artiste qui a vécu de nombreux deuils : son unique fils décède, puis son compagnon Raymond Lefebvre, sa mère et enfin son amie et poétesse Rainer Maria Rilk. Malgré ces événements, elle ne cessera de peindre et cette période correspond à la maturité artistique de Mela Muter. Certaines de ses compositions sont plus expressives, impressionnantes par leur structure forte, claire, presque monumentale. Le tableau Pejzaż z Trayas - Czerwone skaly (1921) en est un exemple probant; l'artiste y glorifie le pouvoir de la nature.

Pejzaż z Trayas – Czerwone skały, 1921

Dans les années 1930, les commandes de portraits se raréfient et Mela Muter peint les objets qui l’entourent : bouquets de fleurs, natures mortes, fruits de mer… Le souci du détail donne une profondeur aux objets, les teintes sont pures. L’artiste y expose une sensibilité différente.

Martwa natura z krabami
Martwa natura z krabami, 1930

Elle peindra de façon intense jusqu’à la fin de sa vie, bien que presque aveugle. Une opération de la cataracte lui rendra la vue en 1965, de sorte qu’elle retravaillera nombre de ses toiles. Une grande rétrospective de son œuvre a eu lieu en 1953 à Paris et ses œuvres sont également exposées à Lyon, Avignon, Marseille, Cologne et New York. Elle mourra dans un studio qu’elle louait à Paris en 1967.  

Mela Muter a été quelque peu oubliée en Pologne et ailleurs dans le monde, restant dans l’ombre de ses compatriotes masculins de l’Ecole de Paris. Ainsi l’œuvre de la première femme peintre juive professionnelle en Pologne reste largement inexplorée. Son travail est considéré comme faisant partie de l'École de Paris, dans son sens le plus large, mais elle reste une « outsider » tout au long de sa vie, à travers une œuvre qui lui est très personnelle et inclassable, différente de l’avant-garde stricte, à la fois dans le choix de ses sujets que dans sa technique.

Exposition des œuvres de Mela Mutter issues de la collection Jankilevitsch
Tour Cosmopolitan, Twarda 4, 42e étage
Mercredis et samedis seulement, de 14h à 19h, jusqu'au 10 octobre

Laura Giarratana (lepetitjournal.com/Varsovie) - Jeudi 5 octobre 2017

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