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ESCAPADES - Un aperçu du paradis … vu par Rached Chérif

Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 26 juin 2013, mis à jour le 5 janvier 2018

Nous donnons régulièrement la parole à nos lecteurs en publiant interviews, recettes et chroniques. Aujourd'hui, nous ouvrons un nouveau thème "la Tunisie des randonneurs" et commençons par le récit de Rached Chérif, journaliste au Courrier de l'Atlas et chroniqueur au sein de RTCI,  qui évoque l'une de ses randonnées les plus marquantes : petit paradis "Oued Ezzitoun"

Un accueil chaleureux

Oued Ezzitoun, littéralement la rivière de l'olivier. Voilà une dénomination assez banale et encore largement méconnue il y a un ou deux ans. Ce petit coin de Tunisie perdu à 1h30 au nord-ouest de la capitale serait même resté totalement ignoré des Tunisois et autres amateurs de grand air sans quelques passionnés de randonnées qui l'ont découvert et fait découvrir pour notre plus grand plaisir.

Imaginez donc une chute d'eau de plusieurs dizaines de mètres de haut au bout d'une vallée parfois sinueuse, avec à perte de vue, des successions de collines verdoyantes et de sommets rocheux ! Pour ne rien gâcher, dès les premières pluies de la fin de l'été, un petit ruisseau, le fameux Oued Ezzitoun, qui court au fond de la vallée gonfle, se met à rugir en passant par-dessus la multitude de petites cascades placées sur son chemin.

La journée de randonnée débute généralement par un réveil assez matinal. Ces paysages doivent tout de même se mériter ! Mais, le réveil sonnant à 6 h du matin a de quoi décourager les moins motivés. Les autres prendront la route en direction de Mateur, puis vers Nafza. Quelques kilomètres après Ghezela sur cette route du nord-ouest, il faudra guetter la bonne piste sur la gauche. Elles sont légion, et seul un tout petit nombre mènent à ce petit coin de paradis. Les autres promettent en revanche de longs moments perdus à rechercher le hameau qui marque le début de l'étape de marche. Pour éviter toute frustration, il vaudra mieux faire appel à un habitué du lieu ou alors bien repérer son parcours sur Google Maps.
En arrivant aux maisons situées à la fois sur la route et en surplombs de la rivière, c'est souvent à un accueil chaleureux que les visiteurs du jour ont droit. J'ai personnellement pris l'habitude de demander aux randonneurs que j'y emmène de commander du pain tabouna ou des ?ufs fermiers. Libres à eux ensuite d'acheter au retour un poulet ou d'autres productions. C'est, je pense, une façon afin d'aider dignement ces gens relativement démunis et de faire en sorte qu'ils ne nous voient pas comme de simples envahisseurs.

Torrent, gués et chutes d'eau au menu du jour


Après ces salutations vient l'heure de la randonnée pour laquelle nous sommes là. Mais, avant d'attaquer la descente vers le ruisseau, nous jetons un regard au loin pour contempler cette vallée que nous sommes venus explorer. La marche commence

par une pente relativement rapide qui nous amène devant le premier gué à traverser souvent les pieds dans l'eau, surtout s'il a plu récemment. Il faut ensuite se mettre en file pour progresser en suivant le cours d'eau bruyant à flanc de colline. Le chemin, parfois pas plus large qu'un homme donne l'impression d'avoir été tracé uniquement pour les troupeaux de chèvres. Les randonneurs en rencontreront d'ailleurs régulièrement sur ce sentier.
En effet, même en s'éloignant des habitations près desquelles nous avons laissé les voitures ou l'autobus, l'endroit n'est pas désert. Sur les îles au milieu de l'oued et même aux endroits où la colline s'assagit en une pente plus douce, des hommes ont créé des champs qu'ils travaillent à l'ancienne. Visiter l'endroit en octobre ou novembre offrira le spectacle surréaliste, pour nous autres citadins, d'hommes labourant leurs petits champs avec des charrues en bois tirés par une paire d'animaux de trait rarement assortis.
Après un rapide salut, nous poursuivons notre chemin à un rythme modéré. Le sentier n'étant pas régulier ni vraiment plat, chaque pas doit être mesuré pour ne pas trébucher. Il faut dire que la dizaine de mètres d'à-pic que nous avons parfois sous nos pieds aide grandement à la concentration. Plus loin, la rivière s'étale en largeur sur des roches qu'elle a fini par polir au fil du temps. La succession de chutes d'eau plus ou moins hautes offre un spectacle qui invite à la pause ; le temps de prendre quelques photos et de s'étonner de la présence de petits crabes dans cette eau douce. Au bas de cascades de plusieurs mètres de haut, l'érosion a même formé des piscines naturelles où l'on irait bien piquer une tête si l'hiver n'était pas déjà bien avancé.

Un spectacle rare en Tunisie

Nous reprenons notre chemin vers le premier objectif de notre journée : cette fameuse cascade pour laquelle nous avons fait tous ces kilomètres depuis Tunis. C'est d'abord son bruit que nous entendons. Un bruit qui s'amplifie à mesure que nous nous rapprochons. Elle se découvre enfin au détour d'une courbe de ce sentier que nous suivons depuis près de deux heures. La majesté du spectacle que nous trouvons là fait oublier un instant la fatigue alors que nous nous figeons pour contempler et écouter cette eau s'écraser dans un vacarme et des gerbes impressionnantes après une course dans le vide de 25 ou 30 mètres.


Une fois passée la surprise de voir un tel panorama en Tunisie, nous décidons de déjeuner au pied de la chute d'eau. Si l'ombre de la falaise est très agréable l'été, il est conseillé de l'éviter l'hiver pour profiter du soleil sur la pente opposée. Une autre surprise attend les curieux juste à côté de notre lieu de halte. Dans une caverne à peine assez grande pour qu'un homme y entre courbé en deux, nous trouvons des restes d'offrandes et la cire fondue de bougies certainement allumées là en cadeau à une divinité. Des gens dans le pays semblent être attachés à leurs traditions païennes d'un autre âge, en venant peut-être là prier le fleuve pour l'abondance de leurs récoltes et la croissance de leurs troupeaux.

Après s'être rassasiés, les moins endurants choisiront de rester sur place à profiter du spectacle exotique de cette cascade, à la fois si près et si loin de leur quotidien urbain. Les autres, rompus aux longues randonnées, reprendront leur chemin pour aller « de l'autre côté de la colline » avec cette curiosité qui pousse les explorateurs toujours en avant. Pour continuer, il faudra cependant littéralement escalader la paroi sur le côté de la cascade. On est alors content d'avoir allégé son sac de la nourriture et d'une partie de l'eau qu'il contenait. Après ce périlleux passage, le lit de la rivière s'aplatit et les dénivelés deviennent beaucoup plus faciles. On se surprend même à allonger le pas et à progresser rapidement sur les rochers pendant plusieurs centaines de mètres. Chemin faisant, nous dépassons une paire d'oliviers posés trop régulièrement pour avoir poussé naturellement. Ils semblent avoir été plantés là pour faire de l'ombre à un bassin cimenté recueillant l'eau d'une source. Peut-être l'?uvre d'éleveurs ayant voulu s'aménager un peu de confort pendant que leurs troupeaux s'abreuvent à ce point d'eau particulièrement utile. Le bord de la rivière est en effet assez traitre : hommes et animaux risquent à tout moment de glisser sur la boue ou la mousse humide en s'approchant trop près de l'eau.
En remontant encore vers l'amont, les collines formant la vallée que nous avons suivi depuis le départ, et qui nous servaient de décor jusque-là, s'effacent pour laisser la place à une large plaine verdoyante l'été, ou à un marais parcouru d'une multitude de rus l'hiver. Ce sont ces cours d'eau venant des différentes sources collinaires des environs qui sont à l'origine de l'Oued Ezzitoun. Quelques enfants jouant autour d'une maison ? raccordé au réseau électrique ? animent ce décor, comme pour nous rappeler que l'homme arrive à s'établir même aux endroits les plus reculés.

Un lieu préservé et à préserver

Le petit groupe de randonneurs est maintenant au bout de sa marche. Il est temps de retrouver nos camarades laissés au repos un peu plus d'un kilomètre en arrière pour repartir d'où nous sommes venus. Nous veillons à ne laisser aucun reste ou déchet derrière nous, en signe de respect pour l'endroit et pour les gens qui y vivent. C'est aussi la condition sine qua non pour avoir l'occasion de s'émerveiller encore à l'avenir dans des lieux magiques préservés.
Arrivés à notre point de départ, nous avons un petit moment d'échange avec les habitants de la région avant de remonter en voiture. L'occasion de découvrir un peu cette Tunisie profonde avant de prendre la route en dévorant avidement le bon pain chaud fait maison que nous avons acheté et en rêvant de revenir contempler ces magnifiques paysages.

Rached Cherif (lepetitjournal.com/tunis) jeudi 27 juin 2013


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