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Tokyo - Les abeilles, diplomates au service de la biodiversité

Dans les jardins de l’ambassade de France à Tokyo, quatre ruches symbolisent un engagement concret pour la biodiversité urbaine. Une initiative emblématique du programme "Ambassade Verte", portée par un apiculteur japonais passionné.

ruches de l'ambassade de France à Tokyoruches de l'ambassade de France à Tokyo
Écrit par Bruno Chapiron
Publié le 8 août 2025, mis à jour le 28 août 2025

Tokyo, une ville (aussi) pour les abeilles

À Paris, Londres ou New York, l’apiculture urbaine a conquis les toits. À Tokyo, elle s’installe plus discrètement. Pourtant, la capitale japonaise réunit de nombreux atouts pour ce type de pratique : une flore urbaine diversifiée, une faible utilisation de pesticides dans les jardins publics et un intérêt croissant pour les solutions vertes.

Le pionnier local, le Ginza Honey Bee Project, récolte chaque année une à deux tonnes de miel sur l'ensemble des ruches placées sur les toits de Tokyo. Mais au-delà des chiffres, ces initiatives traduisent une volonté : réintroduire le vivant au cœur des villes.

Bruno Chapiron - abeilles
© Bruno Chapiron


Un projet exemplaire : quatre ruches au cœur de la diplomatie française

L’ambassade de France à Tokyo a rejoint ce mouvement en 2022. À l’initiative de ses agents, consultés via un sondage interne, l’installation de ruches a été proposée comme contribution à la démarche « Ambassade Verte », un programme du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères visant à réduire l’empreinte environnementale des représentations diplomatiques.

« Ce projet incarne concrètement la promotion de la biodiversité dans un milieu hyperurbain », explique Emilien Roulot, responsable du service de presse. « Il s’intègre à d’autres actions : récupération des eaux de pluie, isolation intelligente, approvisionnement en électricité verte… mais les ruches, elles, sont visibles. Et parlantes. »

Installées dans un espace isolé du parc de la résidence, elles ne génèrent aucune nuisance. L’ambassade assure un encadrement strict : convention avec l’apiculteur, inspections sanitaires, communication auprès des agents, signalétique adaptée. En trois ans, aucune piqûre n’a été recensée.

Le miel produit, environ 20 kg, est utilisé par le Chef cuisinier lors des réceptions officielles, offert à des partenaires institutionnels ou partagé avec les agents. Une manière douce et symbolique d’associer nature et diplomatie.
 

ruches de l'ambassade de France au Japon
© Bruno Chapiron


Rencontre avec Shigeru Oikawa, l’apiculteur urbain engagé

À l’origine, Shigeru Oikawa n’était pas apiculteur mais fromager. C’est la pandémie et sa rencontre avec un chef français à Omotesando qui l’ont poussé à fonder l’Atelier du Miel, une petite structure installée entre Tokyo et Yamanashi. Le lien avec la France était déjà là. « J’avais fourni mes fromages à l’ambassade. Quand ils ont parlé de ruches, j’ai tout de suite voulu y contribuer. »

Chaque mercredi matin, l’apiculteur pénètre dans l’enceinte diplomatique pour inspecter les ruches. Un travail minutieux, souvent silencieux. « Les abeilles ne parlent pas, il faut les observer. Elles vivent pour la communauté, pas pour elles-mêmes. C’est une grande leçon. »

Son engagement dépasse la production. Il envisage de transformer l’Atelier du Miel en organisation à but non lucratif, pour développer des actions pédagogiques. « Les abeilles sont nos sentinelles. Si elles meurent, c’est que quelque chose ne va pas dans notre environnement. Elles méritent d’être protégées. »

Photo par bruno chapiron
© Bruno Chapiron


L’abeille, ambassadrice de la transition écologique

Ce projet apicole s’inscrit dans un programme plus large. L’ambassade de France à Tokyo est l’un des rares bâtiments diplomatiques certifiés HQE (Haute Qualité Environnementale). Elle combine gestion intelligente des ressources, végétalisation, sobriété énergétique et maintenant biodiversité.

Mais au-delà des indicateurs techniques, les ruches ont une force symbolique. Elles permettent de changer le regard sur la nature en ville, de vaincre les peurs liées aux insectes, d’éveiller à la beauté d’un écosystème fragile. « Installer une ruche, c’est recréer du vivant dans le béton », résume Shigeru Oikawa.

 

Vers un essaim d’initiatives ?

D’autres ambassades ont franchi le pas, à Berlin, Bogota ou Sofia. Le projet tokyoïte pourrait faire école au Japon. Il a déjà suscité la curiosité de diplomates, de collectivités et d’ONG locales. Des perspectives sont à l’étude : visites scolaires, ateliers pour enfants, sensibilisation grand public.

Pour Emilien Roulot, l’objectif est clair : « Faire du miel un outil de prestige, mais surtout un déclencheur. Montrer que même dans un lieu aussi institutionnel qu’une ambassade, il est possible de créer de la nature, d’en prendre soin et d’y associer les humains. »

Le saviez-vous ?

Une abeille urbaine peut visiter jusqu’à 1 000 fleurs par jour dans un rayon de 2 à 3 kilomètres. Un ballet discret entre camélias, pruniers, sakura et même sarrasin, au cœur de Tokyo. (Source : Nippon.com / Ginpachi Project)

photo-bruno
Publié le 14 août 2025, mis à jour le 28 août 2025
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