Édition internationale

Satoyama : l’harmonie entre l’homme et la nature

Le Japon est souvent associé à ses grandes métropoles : Tokyo, Osaka, Yokohama. Mais à côté des villes densément peuplées, il existe un autre Japon, plus discret, mais tout aussi apprécié, où la frontière entre l’humain et la nature n’a jamais été vraiment tracée. Ce paysage s'appelle le satoyama, un mot que peu de voyageurs connaissent, mais qui résume à lui seul une certaine manière de vivre avec la nature plutôt que contre elle.

photo couverture version plus légère (1)photo couverture version plus légère (1)
Écrit par Salem Choplin
Publié le 22 juillet 2025, mis à jour le 6 août 2025

Un paysage entre deux mondes

Le terme satoyama désigne les zones rurales situées entre les montagnes (yama) et les lieux habités (sato). Ce ne sont ni des forêts vierges ni de simples campagnes agricoles, mais des milieux hybrides, façonnés au fil du temps par les habitants. On y trouve des rizières, des forêts secondaires, des potagers, des haies, des petits cours d’eau et des sentiers empruntés depuis des générations.

Contrairement à l’idée occidentale d’une nature « sauvage » qu’il faudrait protéger de l’humain, le satoyama représente une vision différente où, au contraire, l’activité humaine entretient la biodiversité. En ramassant le bois mort, en cultivant des plantes locales, en maintenant les digues et les clairières, les habitants ont créé un équilibre durable, permettant de vivre en harmonie avec la nature. Ce modèle de gestion douce des ressources, pratiqué depuis l’époque Edo, s’est transmis de génération en génération, souvent sans même qu’on le théorise.

Aujourd’hui, ces paysages existent encore dans certaines régions du Japon, notamment dans le Chūbu, le Tōhoku ou autour de Kyoto, mais ils sont de plus en plus rares. Et pourtant, ils continuent d’inspirer, jusque dans la culture populaire.

pont au dessus de l'eau

 

Le Satoyama dans la pop-culture

Si vous avez déjà regardé Mon Voisin Totoro (ou plus généralement un film du Studio Ghibli), vous avez vu un satoyama. La maison en bois perdue entre les champs, les enfants qui jouent au bord des forêts, les créatures naturelles qui cohabitent avec les humains : tout y est.
C’est après la seconde guerre mondiale que la thématique du Satoyama s’inscrit clairement en tant « mot » et qu’Isao Takahata, co-fondateur du Studio Ghibli, décide de l’intégrer à ses animations. Hayao Miyazaki, lui aussi à l’origine du studio, a souvent puisé dans ces paysages sonores et visuels pour raconter un Japon rural, simple, poétique, loin du rythme des grandes villes.
 

satoyama parfait

 

Le satoyama apparaît aussi dans d’autres œuvres comme Souvenirs goutte à goutte, Ponyo sur la falaise ou même dans certains mangas "slice-of-life" (tranche de vie), où l’on suit le quotidien de personnages vivant dans des campagnes vivantes et cultivées. Ce décor, souvent idéalisé, incarne une forme de nostalgie japonaise : celle d’un monde plus lent, plus respectueux, plus ancré dans les saisons. Une nostalgie si bien représentée qu’elle est maintenant appropriée par une jeunesse occidentale, en quête de ces petits hameaux instagrammables.

Mais cette image est aussi à double tranchant. Elle reflète un mode de vie en train de disparaître.
 

Une beauté menacée

Depuis plusieurs décennies, les satoyama sont peu à peu abandonnés. L’exode rural, le vieillissement de la population et la mécanisation agricole ont rendu ces paysages plus difficiles à entretenir. Sans intervention humaine régulière, la forêt reprend le dessus, envahit les clairières, détruit les équilibres. Certaines espèces qui dépendaient de cet entretien (comme la chouette de l’Oural, la cigale brune ou certaines orchidées) sont en déclin.

Heureusement, des initiatives locales et internationales tentent de faire renaître ces paysages. Par exemple, la « satoyama Initiative » en 2010, soutenue par les Nations Unies, cherche à promouvoir la conservation de ces zones en lien avec les communautés locales. D’autres projets misent sur l’écotourisme, la réinstallation de jeunes familles à la campagne, ou la création de fermes éducatives.

Préserver les satoyama, ce n’est pas seulement sauver des paysages idylliques, c’est aussi conserver un modèle hybride mêlant nature sauvage et environnement artificiel, souvent opposé de manière manichéenne. C’est redonner du sens à une relation entre humains et écosystèmes, faite de respect et de bienfaits pour chacun.


 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos