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HISTOIRE - 1er août 1894, guerre sino-japonaise: 120 ans après, une plaie toujours ouverte

Écrit par Lepetitjournal Tokyo
Publié le 31 juillet 2014, mis à jour le 6 janvier 2018

 

Il y a 120 ans vendredi commençait la guerre sino-japonaise, une "humiliation nationale" en Chine à forte résonnance dans le contexte actuel de regain de tensions entre les deux rivaux asiatiques. Contrairement à la plupart des pays vaincus, la Chine marque les anniversaires de ses défaites. Et avec ferveur: le parti communiste au pouvoir, dont le nationalisme ombrageux lui sert aussi à légitimer son droit à gouverner -- impose ainsi une "victimisation" de l'histoire officielle

L'enjeu de la guerre sino-japonaise de 1894-95 était le contrôle de la Corée, encore à l'époque un des "États tributaires" de la dynastie chinoise des Qing, mais très convoitée par le Japon, désireux de se bâtir un empire comparable à celui des puissances occidentales, France et Grande-Bretagne en tête. Le 1er août 1894, la guerre était officiellement déclarée, une semaine après une première bataille navale près de la côte ouest de la Corée. Moins de neuf mois plus tard, le Japon détruit la flotte de Beiyang, la plus importante des Qing, et met en déroute les troupes de Pékin. Après cette victoire écrasante, Tokyo s'empare de territoires stratégiques, dont Taiwan. Les bases sont jetées d'un différend maritime qui perdure encore au 21e siècle. Sur l'île de Liugong, près de Weihai, l'ancienne rade de la flotte de Beiyang, les photos, documents et armes conservés dans un musée dédié au conflit racontent la "guerre d'agression" japonaise, mais incriminent aussi la corruption et le retard de la Chine de l'époque. "La débâcle humiliante... a prouvé que le sous-développement pouvait causer la défaite", avertit un panneau d'exposition. Se promenant à Weihai, Liang Kongteng, habitant de la ville, y croit: "Les Japonais sont venus en Chine et ils ont tué beaucoup de personnes. En tant que pays, nous devons être forts."

Une plaie ouverte
La guerre a sonné le glas de siècles de domination de l'empire chinois. Le Japon, autrefois isolé, émerge alors comme puissance sur la scène internationale. Dix ans plus tard, il stupéfie le monde en écrasant la Russie, avant de coloniser la Corée et de faire de la Mandchourie un Etat satelite, préparant son invasion de la Chine en 1937 et enclenchant la marche vers la Seconde Guerre mondiale. "La guerre a renversé l'équilibre traditionnel des pouvoirs en Asie", note SCM Paine, professeur de stratégie et de politique au Naval War College américain. "La Chine n'a depuis pas cessé de chercher à retrouver sa position prééminente", souligne-t-elle, avertissant qu'elle s'exprimait à titre personnel. "Cette prééminence n'était pas seulement militaire, mais aussi économique, diplomatique, technologique et culturelle." Pour Pékin, ce conflit vieux de 120 ans, c'était hier. L'anniversaire fait l'objet d'une ample couverture dans toute la presse officielle, télévision comprise. Dans un éditorial, le quotidien China Daily a indiqué que la défaite chinoise devant "son pire ennemi historique" était "une plaie ouverte dans la conscience nationale chinoise".

'Défendre notre souveraineté'
L'héritage le plus prégnant du conflit est le différend qui oppose aujourd'hui Pékin et Tokyo pour le contrôle de petites îles inhabitées près de Taiwan, appelées Senkaku en japonais et Diaoyu en chinois. Tokyo a pris leur contrôle en janvier 1895 et affirme qu'elles étaient alors inoccupées. Pékin rétorque qu'elles ont toujours fait partie "intégrante" de son territoire. Les deux rivaux, aux ambitions militaires croissantes, y observent chacun les déploiements de navires et d'avions de l'autre dans un climat tendu, qui fait craindre un possible conflit, sous l'oeil inquiet de Washington, allié de Tokyo. Le Japon a beau être aujourd'hui une démocratie libérale dotée d'une presse libre, le China Daily estime qu'il "ressemble étonnamment" au pays qui a déclaré la guerre en 1894, depuis la prise de fonction du Premier ministre Shinzo Abe. Au Japon, le souvenir de la guerre est nettement moins politisé, mais teinté d'une nostalgie de l'époque des héros militaires, voire d'un certain sentiment de supériorité, mal perçu en Corée et en Chine. Pour l'auteur nippon Fuyuji Domon, le conflit de 1894 était une "guerre d'idéaux" pour le Japon, qui cherchait à contrer les avancées occidentales en Asie et à garantir l'indépendance de la Corée. Au musée de Liugong, après la partie intitulée "Le désir du Japon de contrôler la Chine", les visiteurs sont dirigés vers des vidéos montrant les très modernes forces aériennes et navales chinoises. Un message de sécurité, voire d'invincibilité bien reçu par les visiteurs: "Maintenant, nous pouvons défendre notre souveraineté et nous ne baisserons plus la tête devant les Japonais comme avant", déclare Yang Shunfeng, âgé de 16 ans.
(http://www.lepetitjournal.com/tokyo avec AFP) vendredi 1er août 2014

logofbtokyo
Publié le 31 juillet 2014, mis à jour le 6 janvier 2018

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