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Business, théâtre, musique, escrime, Jean-Boris Roux sait tout faire

Il en serait presque agaçant. Pourtant, quand le président de la Chambre de Commerce Franco-Thaïe se raconte, on a tout de suite envie de le suivre. Dans l’une ou l’autre de ses vies. Portrait et perspectives.

Jean-Boris Roux, président FTCCJean-Boris Roux, président FTCC
Écrit par Franck STEPLER
Publié le 12 novembre 2025


 

Si certains naissent leaders, à n’en pas douter, Jean-Boris Roux est de ceux-là. Président de la junior entreprise de son école de commerce, figure de proue de son groupe de musique de l’époque, il a toujours été fait pour apparaître sur le devant de la scène. Aujourd’hui, il a 53 ans et, il y a huit mois, en mars 2025, il a été élu à la présidence de la Chambre de Commerce Franco-Thaïe. Il est un voyageur de toujours et un amoureux de l’Asie du Sud-Est. Voyageur parce que son père travaillait dans le monde du pétrole et que les déménagements étaient fréquents. Amoureux de l’Asie depuis qu’il a réalisé sa période de service militaire en tant que coopérant, à Battambang, à l’époque petite bourgade cambodgienne, où il enseignait le français et la musique et bénéficiait royalement d’une heure d’électricité par jour…

 

Cambodge, Vietnam, Thaïlande, Jean-Boris Roux a la bougeotte Sud-Est asiatique

 

L’endroit était un peu dangereux. Il n’y avait pas grand-chose à y faire. Évidemment pas de communications électroniques à l’époque. Alors il aide les populations locales et apprend le cambodgien pour combattre l’isolement. La vie est humainement riche et il veut rester. Shell l’embauche. Il ne rentrera en France que chassé par le coup d’état du 5 juillet 1997. Ce qu’il ne sait pas c’est qu’il rentre par le dernier avion. C’est là-bas qu’il a rencontré celle qui lui donnera deux enfants, âgés aujourd’hui de 25 et 23 ans. Mi-cambodgienne, mi-thaïlandaise, elle n’est évidemment pas étrangère à son amour pour les deux frères ennemis. En France, il travaille dans différents domaines jusqu’au coup de téléphone d’un ami qui lui propose de revenir au Cambodge diriger un groupe aux activités très diversifiées. La décision n’est pas facile à prendre mais la famille repart en 2003. Jean-Boris Roux passera six ans de plus au Cambodge, dont cinq à la présidence de la chambre de commerce. Déjà. Puis ce seront deux ans au Vietnam avant d’être appelé au siège du groupe, à Bangkok, en 2011.

 

D’une réunion stratégique au « Dîner de Cons »

 

Jean-Boris Roux, au centre, dans Le Dîner de Cons
Jean-Boris Roux, au centre, dans « Le Dîner de Cons »

 

Après 17 ans passés chez RMA, au moment de la pandémie, une proposition alléchante a été faite à ceux qui souhaitaient quitter le groupe. Il en a profité. Il est rentré pour sept mois à Paris, se retrouver un peu en famille, y installer ses enfants devenus étudiants, et continuer à manger cambodgien et thaïlandais. Le couple est revenu à Bangkok en 2021. Jean-Boris a intégré le groupe agroalimentaire Jagota, où il dirige la stratégie du groupe et les RH. Quelques sacrées tranches de vie qui ne l’empêchent pas, depuis toujours, de jouer de la guitare et de chanter.
 

Jean-Boris Roux, président FTCC

 

Étudiant, il a même donné un concert au Palace ! En 2022, il a découvert le Théâtre des Invités, une troupe amateure de Bangkok. Il a tout de suite pris le virus. Depuis, chaque année, il se lance un défi supplémentaire. En 2023, il se produit seul en scène, enchaînant 26 personnages différents. En 2024, leur « Dîner de Cons » fait un tabac sur la scène de l’Alliance française. Et au printemps prochain, il mettra en scène « À la carte » où, avec sa troupe, ils reprendront les scènes mythiques de films et de pièces de théâtre qui se passent au restaurant. Une trentaine d’artistes sur scène mixeront théâtre, chanson et magie. Et avec tout ça, Jean-Boris Roux trouve le temps d’être un escrimeur émérite.

 

Jean-Boris Roux, président FTCC

 

« Je n’arrive à faire tout ça que grâce au deux-roues », admet-il humblement. Et sans doute grâce à quelques talents aussi.

Mais parlons un peu Chambre de Commerce Franco-Thaïe…

 

lepetitjournal.com : Comment a démarré votre histoire avec le réseau des chambres de commerce ?

Jean-Boris Roux : Dès mon installation au Cambodge en 2003, j’ai adhéré à la Chambre de Commerce Franco-Cambodgienne pour y effectuer du réseautage. Je suis un amoureux de la France, je suis fier d’elle, de ce que nous savons faire, de ce que nous représentons. Je me suis donc impliqué, j’ai pris des responsabilités rapidement et, au bout d’un an, le président voulant passer la main, j’ai pris sa succession. Cela me faisait très plaisir (et c’est toujours le cas) de me rendre utile et de mener des initiatives à fort impact. À l’époque, il y avait un gros travail d’attractivité à faire concernant le Cambodge. Nous devions également renforcer localement notre appui aux entreprises françaises ou dirigées par des Français.

 

Jean-Boris Roux, président FTCC

 

Avez-vous l’impression d’avoir pu vous rendre utile ?

Absolument. Un exemple : le premier Forum des Carrières du Cambodge. Les entreprises avaient des difficultés à recruter et les étudiants, eux, ne trouvaient pas d’emploi. Nous avons donc créé ce carrefour pour faciliter leur rencontre. Avec succès. J’avais même sollicité Sa Majesté Norodom Sihamoni, le Roi du Cambodge, qui, sensible aux problématiques d’emploi et de formation, a accepté de venir présider la cérémonie d’ouverture. On mesure alors vraiment l’utilité de notre action. À la Chambre, au Cambodge comme en Thaïlande, nous contribuons au développement du tissu économique et des entreprises. Nous effectuons des échanges de bonnes pratiques auxquels je crois beaucoup. Autour d’une petite équipe très dynamique et dévouée, le travail réalisé est d’une exceptionnelle richesse.

Vous avez ensuite connu une petite parenthèse dans votre activité au sein des Chambres…

Oui, alors que je poursuivais ma carrière chez RMA, au Vietnam puis en Thaïlande, j’ai en effet souhaité prendre un peu de recul. Et puis en 2021, j’ai intégré le groupe Jagota. J’ai alors souhaité rejoindre la Chambre de Commerce Franco-Thaïe, notamment parce que nous importons et distribuons de nombreux produits français. Là encore, le parcours a été celui, classique, d’une élection au conseil d’administration, puis au Bureau, puis à la présidence en mars dernier.

 

Il faudrait que nous nous affichions davantage

 

Quels sont les rôles que vous souhaitez voir jouer à la FTCC ?

La Chambre a trois rôles essentiels pour moi. Le premier d’entre eux est la promotion des échanges économiques et commerciaux entre la France et la Thaïlande. L’influence de la France est timide, minime au regard de celles de la Chine ou des États-Unis. Mais elle a une présence intéressante et de qualité. Il faudrait que nous nous affichions d’avantage. Certains pays sont plus visibles sans pour autant faire mieux. Il ne faut pas hésiter à valoriser nos réalisations et à en être fiers, qu’il s’agisse des projets de développement soutenus par l’Agence Française de Développement ou de l’excellence industrielle de groupes tels que Michelin, Saint Gobain ou encore EssilorLuxottica. La FTCC est la quatorzième Chambre de Commerce Française à l’étranger en taille, avec plus de trois cents membres. Nous avons également une voix à faire entendre dans les instances internationales des Chambres de Commerce, dans lesquelles je siège.

Le second rôle de la FTCC est, j’imagine, l’appui aux entreprises, dont vous parliez tout à l’heure…

L’appui aux entreprises françaises ou dirigées par des Français et, dans une moindre mesure, l’appui aux entreprises thaïlandaises en France. Un certain nombre d’entreprises que nous aimerions avoir comme membres se demandent à quoi cela peut leur servir. Il faut prendre en considération leur questionnement. Je veux remettre les membres au centre. Je vais donner de plus en plus d’importance à nos dix comités sectoriels (industrie, construction, luxe, F&B, aérospatiale, …) et fonctionnels (RH et finances). Les échanges, visites d’entreprises, partages d’expérience et retours d’information qui en découlent sont d’excellentes raisons de devenir membre de la Chambre de Commerce Franco-Thaïe. Dans mes cartons, il y a également les « FTCC leadership labs », des événements réservés aux membres, avec des intervenants de haut calibre, des exposés suivis par un moment d’échange et un dîner de networking. Encore une fois, il faut remettre les membres au centre de notre fonctionnement et valoriser leur appartenance à la Chambre de Commerce.

Vous souhaitez également être moteur dans la création d’un environnement favorable au développement des relations d’affaires entre les deux pays.

C’est le troisième volet de notre mission. Nous avons un comité chargé de faire remonter aux autorités gouvernementales les observations et propositions de nos membres et de leurs dirigeants. Nous pouvons et devons aider à améliorer notre environnement économique, que ce soit au sujet de la gouvernance, du développement durable, des tarifs douaniers, ou de bien d’autres encore. Nous avons besoin de finaliser cet accord de libre-échange entre l’Europe et la Thaïlande. A titre d’exemple : il y a 0% de droits d’importation sur le bœuf australien contre 50% sur le bœuf français. Il faut que cela change. L’accord est en discussion. On entend parler d’une possible signature l’année prochaine. Espérons-le.

 

Le monde de l’entreprise et des affaires n’aime pas l’incertitude

 

Vivez-vous les situations politiques chaotiques en France et en Thaïlande comme des handicaps pour les entreprises ?

Le climat et les renversements politiques, ici comme chez nous, créent de l’incertitude. Et le monde de l’entreprise et des affaires n’aime pas l’incertitude. Dans ces périodes-là, on observe plus qu’on investit. L’immobilisme est très mauvais car, dans un monde qui avance, et de plus en plus vite, il s’apparente à un recul. Les deux pays ont un potentiel énorme à exploiter. On doit mordre un peu plus dedans, avoir plus envie. Encore une fois, et malgré l’époque, en faire plus, et mieux communiquer sur ce que l’on fait. C’est aussi pour cette raison que nous voulons croître : avoir plus de visibilité et offrir plus de services. Ce n’est pas un but mais un moyen et un indicateur.

 

Laurent Opportune alliait détermination et humilité

 

Il y a quelques semaines, Laurent Opportune, secrétaire honoraire de la FTCC, est mort dans des conditions tragiques. Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Pour beaucoup d’entre nous, Laurent était avant tout un ami, un partenaire, un camarade. En tant que secrétaire honoraire et président du comité F&B, il était un élément moteur de notre chambre de commerce, jamais à court d’idées et toujours partant pour contribuer. Laurent alliait détermination et humilité dans tout ce qu’il entreprenait. Son engagement et son sens de l’humour vont nous manquer mais nous nous efforcerons de poursuivre les projets qu’il avait lancés et qui donnaient à la gastronomie française une place toute particulière en Thaïlande.

Dans quelques jours a lieu votre gala annuel. Quel est son importance dans le calendrier de la Chambre ?

Le gala de la Chambre de Commerce Franco-Thaïe est un événement annuel prestigieux et très attendu de nos membres et partenaires divers. Cette année, nous nous plaçons sous le signe de la célébration des 340 ans des relations franco-thaïlandaises et rendrons un hommage tout particulier à Sa Majesté la Reine Sirikit dont les liens avec la France étaient étroits. Nous attendons près de 400 participants dans la grande salle de bal de l’hôtel Athénée. C’est aussi l’occasion pour la FTCC de remercier les représentants du monde politique, diplomatique et économique, français et thaïlandais, qui œuvrent pour la promotion des échanges commerciaux entre nos deux pays et encouragent les investissements bilatéraux.

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