Direction le Pullman Phuket Panwa Beach Resort, à la rencontre de Vincent Delsol, un directeur heureux, malgré six années bousculées par les pandémies, les crises économiques et géopolitiques.


lepetitjournal.com : Bonjour Vincent, quel parcours vous a amené à Phuket ?
Vincent Delsol : J’ai commencé bien loin de l’hôtellerie. Ingénieur en informatique telecom réseaux, spécialisé en sécurité informatique. Au moment de l’explosion de la bulle internet de 2000. Une amie m’a appelé pour me parler d’une opportunité chez Accor, qu’on connaissait surtout pour ses marques d’hôtels.
Vous voila entré dans le monde de l’hôtellerie…
Tout à fait mais, pour l’instant, pas le biais de mon savoir-faire d’origine. Après neuf mois, on m’explique que je ne suis pas un vrai informaticien parce qu’on me comprend quand je parle ! On me propose de rejoindre une équipe en charge d’ouvrir ou réouvrir des hôtels dans le monde. En parallèle, j’ai obtenu un executive MBA, réalisé à Paris Dauphine et à Montréal. J’ai apprécié que des psychologues nous accompagnent dans le processus d’évolution. Ce sont deux d’entre elles qui m’ont fait réaliser que j’étais déjà dans un métier de service, même dans l’informatique. Au bout d’un an et demi j’ai trouvé quelqu’un qui avait besoin d’une personne avec mes compétences et m’a donné ma réelle chance dans ce métier de l’hôtellerie.
Je m’étais toujours dit que si je devais quitter Paris, je quitterais la France
Où les choses ont-elles commencé ?
Au Sofitel Défense Centre. J’y étais revenu manager, c’est à dire que j’avais en charge la stratégie et l’optimisation commerciale. Nous étions alors juste avant la crise financière de 2008. J’ai profité de cette période pour faire quelques heures de plus et améliorer mon point faible : la restauration. J’ai ensuite dirigé mes premiers hôtels à Paris à partir de 2010. Je m’étais toujours dit que si je devais quitter Paris, je quitterais la France. Après la naissance de notre première fille et deux ans de métro-boulot-dodo, nous sommes partis pour Hanoï, d’abord, où nous avons eu notre seconde fille. On m’avait prévenu que ce serait très difficile et l’expérience fut fantastique. Les expatriés y étaient très soudés. On avait l’impression d’être dans un village, tout en étant un numéro. Puis nous sommes partis pour Bangkok, suivi du sud Vietnam et finalement ici, à Phuket, depuis six ans.
Vous nous présentez votre hôtel ?

Il a ouvert en juillet 2009. Il faut comprendre que l’hôtel appartient à un propriétaire qui le confie à une grande chaîne internationale. C’était à l’époque un Radisson. Mais il n’y a eu aucune maintenance et, en 2016, Accor l’a repris et y a effectué des travaux avant de le commercialiser sous la marque Pullman.
Pourquoi sous la marque Pullman et pas une autre marque du groupe ?
Il semblait que c’était celle qui convenait le mieux au projet. Elle avait été relancée en 2007, principalement à travers des hôtels de ville à fort potentiel de conventions et de salles de conférence. Elle avait besoin de pendants plus loisir. La marque compte aujourd’hui plus de 150 hôtels dans le monde dont 20% de resorts, principalement en Asie. Si Sofitel est une marque de luxe qui véhicule l’art de vivre à la française, Pullman s’adresse à des nomades digitaux hauts de gamme. Beaucoup de clients sont là pour plusieurs semaines et cherchent le service sans le chichi. On me demande parfois comment expliquer pour des employés la différence entre ces deux marques. Je réponds généralement que chez Sofitel, le personnel cache ses tatouages. Chez Pullman, il les montre…

Vous qui avez vécu ces trois phases, comment a évolué le fonctionnement du resort avant Covid, pendant et depuis ?
Trois nationalités principalement le fréquentaient à mon arrivée. Nous nous sommes mis d’accord avec Accor et les propriétaires de rester ouverts pendant le Covid car nous souhaitions garder et payer nos employés. La philosophie était de maintenir les frais fixes et d’espérer des rentrées financières qui génèrent des rentrées variables. On a perdu beaucoup moins que prévu. Nous recevions alors 90% de Thaïlandais et 10% d’expatriés. Au mois de juillet 2021, lorsque le pays a été rouvert avec obligation de confinement avant les vacances, nous étions prêts, les gens sont venus se confiner ici et on a fait le plein. Aujourd’hui, notre activité est bien supérieure à ce qu’elle était avant le Covid, notamment grâce à une nouvelle stratégie.
Quelle est-elle ?
Nous avons tout fait pour accueillir une clientèle du monde entier. 80% du business repose en général sur quatre ou cinq nationalités. J’ai, pour ma part, choisi la diversification. Nous travaillons avec beaucoup plus de nationalités. Le marché du loisir est en proie à des influences extérieures. Il y a aujourd’hui très peu d’opportunités et beaucoup de menaces. Je crois aussi, avant tout, à l’ancrage local. Les Thaïlandais comptent beaucoup ici. Leur présence permet d’absorber les différents événements internationaux comme l’éruption soudaine d’un volcan, les conflits, les crises financières, …
Il faut mettre en place un état d'esprit où tout le monde vit bien ensemble
L’économie et la géopolitique ont des effets sérieux sur la fréquentation ?
Bien sûr. Le conflit ukrainien, par exemple, a amené ici beaucoup de Russes qui se sont expatriés pour des raisons qui sont les leurs. A Phuket, nous n’importons pas les conflits extérieurs. Par exemple, lors de la journée internationale dans l’école de mes filles, il y avait, et il y a toujours, une table unique rassemblant Russie-Ukraine-Kazakhstan. C’est pareil dans cet hôtel. Beaucoup de pays occidentaux ont tendance à importer les conflits alors qu’ici les gens s’exportent des conflits. Pour faire cohabiter autant de nationalités et de cultes, il faut mettre en place un état d’esprit où tout le monde vit bien ensemble, en se respectant mutuellement. En tant qu’hôtelier, c’est aussi notre responsabilité.
À la fin du printemps, le taux de remplissage avait l’air très bon. C’était le cas ?
Nous n’étions pas mal, bien que hors haute saison. L’époque est aux problèmes financiers, politiques, géopolitiques, aux taux de change fluctuants, aux droits de douane secoués par certains dirigeants, et aux échanges internationaux perturbés. Tout cela ne nous facilite pas la tâche.

Vous êtes assez isolés dans votre Sud-Est de Phuket. Comment gérer cette situation géographique ?
Ne vous y trompez pas. Nous sommes à dix kilomètres de Phuket Town, ce qui fait 15 minutes de jour comme de nuit, et à une heure de l’aéroport. Notre clientèle est différente de celle qui choisit le reste de l’île. Ceux qui viennent chez nous sont contents d’être loin de Patong, plus près de la culture locale et des endroits de fête plus … traditionnels. Ils vivent ici une expérience différente du tourisme de masse. Ils sont plus intégrés à la nature. Ils ont une des plus belles vues sur la mer, une mer calme, même si elle est parfois un peu lointaine à marée basse. Avec mes collègues de Patong, on en rigole. Nous travaillons pour le même groupe mais nous ne faisons pas le même métier.
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