VISITE - Photohouse, une machine à remonter le temps
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Né à Iglau en ex-Tchécoslovaquie en 1910, Rudi (né Shimon Rudolph) Weissenstein fait son Aliyah seul et sans le sou en 1936.
En dépit de la résistance d’une famille qui le prédestine plutôt à un avenir dans l’hôtellerie après des études en Suisse, Rudi arrive au port de Jaffa en 1936 avec pour seul bagage un appareil photo et une carte de presse. Une solide formation de chimie et de design graphique en poche et une détermination à toute épreuve permettront au jeune homme de gravir les marches une à une. En quelques années, il accumule les clichés et se fait une belle réputation en Terre Sainte. Preuve de son talent et de sa reconnaissance, il devient le photographe officiel de l’Orchestre Philarmonique d’Israël et reçoit l’honneur de tirer le portrait de célébrités et de personnalités politiques israéliennes: Golda Meir, Ben Gurion, Simon Pérès, divers maires de Tel Aviv ou la chanteuse Judith Ravitz pour n’en citer que quelques-uns.
Le photographe est décédé en 1992, mais son épouse Miriam a pris le relais, accompagnée ensuite par leur petit-fils Ben, qui tient aujourd’hui les rênes de l’entreprise familiale avec passion et dévotion. A la tête de cette boutique chargée d’histoire, Ben Peter, un bel esthète qui fait du souvenir sa vie de demain…
Qui était votre grand-père ?
Rudi, mon grand-père maternel, a évolué dans une famille qui faisait du commerce de papier d’emballage, il a reçu son premier appareil photo à l’âge de huit ans, un appareil en bois qui changera sa vie. Eduqué dans une famille où la musique et l’esthétique faisaient partie du quotidien, toute sa vie a évolué autour de l’idée du beau. Avant de faire son Aliyah il avait déjà des milliers de photos, à sa mort je crois même qu’il a dépassé le million de clichés !
Bien que mon grand-père adorait ma mère à qui il a transmis sa passion pour la musique, nous n’étions pas très proches de ces grands-parents que nous ne voyions qu’environ une fois par mois. Nous n’avions pas de réelle intimité, si bien que lorsqu’il est décédé alors que j’avais 15 ans, je n’étais pas triste. Je n’avais pas de vraie connexion émotionnelle avec lui. Tout cela a changé à mes 23 ans quand j’ai déménagé et que je rendais plus régulièrement visite à ma grand-mère à la boutique. Malgré son âge avancé, elle restait aux commandes et petit à petit j’ai développé un lien spécial avec elle. Nous avons ensuite travaillé ensemble en journée, tandis que je prenais des cours du soir pour apprendre la photographie. En devenant plus proche d’elle, je me suis ainsi rapproché de mon grand-père et de son travail par la même occasion.
Quel est votre meilleur souvenir avec lui ?
Alors que j’avais quatorze ans ma mère nous a emmenés avec mes frère et sœur dormir chez mes grands-parents, ce qui était très rare. Le lendemain matin, je me souviens m’être réveillé devant un petit-déjeuner absolument magique que mon grand-père nous avait préparé. Il y avait tout ce qu’on pouvait rêver de déguster, les couleurs du buffet étaient merveilleuses. Pour lui qui ne parlait pas beaucoup et qui était souvent dans son monde de photos et de musique, c’était sa façon de nous dire qu’il nous aimait et que nous comptions pour lui. Il a vraiment su nous faire plaisir ce jour-là ; j’ai appris à cette occasion que chaque matin il préparait le petit-déjeuner pour ma grand-mère.
Pourquoi avoir choisi de reprendre l’entreprise familiale ?
J’ai travaillé avec ma grand-mère pendant sept ans et je me suis attaché à cet endroit, mais à vrai dire, au départ, mon intention n’était pas de reprendre la boutique. J’ai un frère et une sœur et des cousins mais je suis le seul impliqué. Ma grand-mère était une femme forte et dominante, il fallait donc du courage et un réel intérêt pour la photographie et les archives pour décider de travailler avec elle. Avec le temps, je suis tombé amoureux de ce lieu, je lui ai donc demandé si elle souhaitait que je reprenne la main lorsqu’elle ne serait plus là. J’avais besoin qu‘elle me le dise clairement. Nous avons signé ce pacte oral que je considère comme un engagement à vie. Si je décidais un jour de changer de voie, je m’assurerai de la survie de cet endroit jusqu’à la fin de mes jours. Je lui ai promis à sa mort en 2011, je tiendrai donc ma parole.
Le magasin était vieux et sombre, j’ai changé les choses peu à peu et proposé des produits dérivés en plus des clichés. Aujourd’hui mon but est de faire un vrai studio photo où les gens pourront venir se faire photographier. On aimerait aussi collaborer avec davantage d‘archives en dehors d’Israël, afin de réfléchir à des projets conjoints de catalogues ou d’expositions avec des boutiques similaires à la nôtre, en France ou en Allemagne par exemple. Je souhaite avant tout que les gens puissent apprendre et découvrir le monde merveilleux de la photographie et des archives, et faire leur ce que mon grand-père nous a laissé en héritage.
Une belle boutique à visiter pour voyager dans le temps et s'offrir quelques clichés à mettre dans son salon!
INFORMATIONS :
Tchernikhovski St 5, Tel Aviv-Yafo
Tél : 03 517 7916
par Raphaëlle CHOËL – www.lepetitjournal.com/tel-aviv- mardi 3 juillet 2018
