Charlotte Mannerfelt, ancienne ethnologue suédoise, a 71 ans et a vécu à Stockholm presque toute sa vie. Pour elle, l'ethnologie n'est pas tant un métier qu'un titre. La rédaction du Petit Journal Stockholm a eu le plaisir de rencontrer cette femme inspirante et rayonnante.


En quoi consiste l’ethnologie ?
L'ethnologie est l'étude de l'homme en tant qu'être culturel. En Suède, les ethnologues se concentrent principalement sur les aspects de notre propre culture. En revanche, ici, ce sont les anthropologues qui étudient les cultures d'autres régions du monde, ce qui, à mon avis, correspond au travail des ethnologues français.
Comment l’ethnologie vous a-t-elle attirée et pourquoi avez-vous choisi cette carrière ?
J'ai étudié l'ethnologie et travaillé dans des agences publiques (municipales, régionales et nationales), principalement en tant que bureaucrate, mais aussi un peu dans la recherche. Être ethnologue est plutôt un titre qu'un métier. Pendant environ quinze ans, j'ai travaillé à l'Agence nationale de l'Éducation en tant qu'enquêtrice et évaluatrice. Les travaux que j'ai menés concernaient exclusivement la Suède. C'est un rôle que j'ai exercé pendant moins de dix ans.
J'ai commencé des études d'anthropologie par curiosité, simplement car cela m'intéressait, et non dans l'idée d'en faire un métier. Mais après un certain temps, j'ai compris qu'il était plus facile de trouver du travail en tant qu'ethnologue, alors j'ai réorienté mes études.
Vous dites que vous vous êtes d’abord dirigée dans des études universitaires d’anthropologie par curiosité, mais qu’est-ce qui vous vous rendait curieuse ?
J’ai été curieuse quand j’ai compris que l’on pouvait étudier le mode de vie dans des cultures tout à fait différentes. Peut-être que je n’étais pas très bien dans ma peau ici. Je croyais qu’il y avait tant de problèmes et que peut-être c’était mieux ailleurs. Lorsque j’étais en études, beaucoup de mes camarades étaient du même avis, c’est comme si on rêvait que c’était différent ailleurs.
Vous dites aussi que durant vos études universitaires en anthropologie, vous avez fait un changement d’orientation parce que vous vous êtes rendu compte que le travail d’ethnologue était plus accessible. Pourquoi est-ce un métier plus simple, selon vous ?
En ethnologie on peut faire des missions assez courtes, sur quelques mois. Pour les anthropologues, ont dit qu’il faut rester très longtemps avec des gens pour les comprendre, au moins pendant un an. Les ethnologues, eux, peuvent faire des études, des interviews, des observations, mais c’est beaucoup plus court.
Je pense qu’en Suède il y a une grande curiosité. Il y a beaucoup de personnes qui ont des questions auxquelles ils veulent que les ethnologues apportent une réponse. « Comment est-ce qu’on est, nous, Suédois? ».
Quelles compétences et qualités sont nécessaires pour être un bon ou une bonne ethnologue, selon vous ?
Il faut surtout être curieux. Comme un journaliste, c’est vrai. Ce n’est pas tellement différent, les ethnologues font aussi des interviews. D’autres compétences nécessaires seraient d’écouter et de toujours chercher les détails. Encore une fois, un peu comme un journaliste, on veut savoir ce qu’il se passe, ce que les gens se disent, etc. Mais à la différence, les ethnologues, eux, font des analyses basées sur des théories académiques.
Lorsque vous meniez des études, vous écriviez tout ?
Moi, je ne faisais pas tout le temps ça. Comme nous n’avions pas de téléphone portable, certains ethnologues étaient intéressés à faire une analyse mot par mot. Cela dépend de la façon de travailler et de quel type d'analyse on fait. Mais on écrivait beaucoup, oui, tout ce qu’on voyait, chaque fois que l’on rencontrait une personne et que l’on observait quelque chose.
Les études sur lesquelles vous travaillez, est-ce qu’elles partaient d’une question que vous vous posiez ? Votre objectif était-il de répondre à cette question ?
Le commencement d’une étude est assez large, mais après on voit quelque chose, un point principal. C’est ça le plus important. Par contre, lorsque j’ai travaillé dans des agences, il y avait toujours une question à laquelle il fallait répondre.
Pouvez-vous nous parler d’un projet spécifique auquel vous avez aimé participer ?
C’est difficile d’en choisir un. J’ai passé beaucoup de temps avec des gens qui avaient un handicap mental. C’était très dur. La vie était dure pour eux. Ils sont devenus de chers amis pour moi, je ressentais beaucoup de compassion envers eux. La plupart des rencontres se faisaient dans un centre spécialisé. Là-bas, les gens que j’ai rencontrés, je les interviewais un par un.
C’était votre choix d’étudier les personnes mentalement handicapées ?
Je savais qu’il y avait des gens qui étaient très intéressés par la vie quotidienne de ce groupe de personnes. C’est pour ça que j’ai commencé, c'est-à-dire que l’idée ne venait pas de moi.
Par la suite vous dites avoir eu des missions plus axées sur l’éducation. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples plus précis de ces études ?
J’ai fait beaucoup d’études. On a moins de temps quand on travaille pour une agence, on ne peut pas rester très longtemps avec les gens. Mais, j’étais très intéressée par les jeunes qui ne réussissent pas très bien au lycée. Comment font-ils ? Qu’est-ce qu’ils pensent ? Qu’est-ce qu’ils croient qui pour les aider ? C’était très enrichissant.
Mais justement, à quoi ça sert d’étudier une culture ? Qu’est ce que ça peut apporter à la société ?
Je pense que c’est positif pour la société, parce que ça permet de mieux comprendre les gens peut-être.
Est-ce que votre parcours vous a fait découvrir des nouveaux aspects de la culture suédoise que vous ne connaissiez pas avant ?
Absolument ! Avec les personnes handicapées, j’ai découvert une culture que je ne connaissais pas du tout. Dans les centres, ils étaient tous amis et faisaient beaucoup de choses ensemble. C’est comme s’ils vivaient un peu à côté de la société.
Que pensez-vous du métier d'ethnologie aujourd’hui ?
Si on a fait des études d’ethnologie on peut travailler dans des domaines différents. Néanmoins, aujourd’hui j’ai beaucoup d’amis qui travaillent dans des musées. Et quand il y a des fêtes comme Noël ou Pâques, par exemple, on leur demande comment est-ce qu’on célèbre ces fêtes. Les gens croient que les ethnologues sont experts de nous-mêmes. Mais sinon, je ne connais pas très bien les évolutions et changements des possibilités depuis que je suis partie.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui souhaiterait se lancer dans l'ethnologie aujourd'hui ?
Ce n'est pas facile de trouver un travail en ethnologie. Il y a beaucoup de personnes qui veulent travailler dans les musées, par exemple. Mais il est toujours utile d'ajouter des compétences à son profil. Pour ma part, je ne maîtrise pas bien le travail avec les statistiques, mais à l'Agence nationale de l'Éducation, j'ai eu l'opportunité de collaborer avec des experts dans ce domaine. Cela aide beaucoup.
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