L’auteure et bédéiste féministe Liv Strömquist s’empare de la galerie d’art souterraine du métro de Stockholm pour y présenter une collection d’images au message politique fort. Deux femmes sur le point de s’embrasser, des tigres arpentant les murs, la figure d’un homme nu, une femme assumant sans complexion ses poils, tout est réuni pour nous régaler et pourtant cette exposition a suscité la controverse.
Rencontre avec une auteure féministe engagée
Liv Strömquist débute sa carrière, après des études politiques à l’université, il y a douze ans par la création d’un fanzine avec ses ami.es, mélangeant dessins et pop culture. Elle dévoile dans une interview pour le journal Libération que ses sources d’ inspiration correspondent au mouvement punk ainsi qu’au "DIY" (Do It Yourself). Il n’est donc pas question d’avoir des prétentions pour le dessin ou de maîtriser à la perfection le pointillisme pour s’exprimer sur du papier. Il suffit d’avoir de la créativité mais surtout des idées, l’ensemble de son œuvre reflète son engagement politique et féministe brisant les codes et tabous de nos sociétés occidentales.
Parmi ses ouvrages notables, nous retrouvons "Les Sentiments du prince Charles" paru en 2012, "L’origine du monde" (2014) ou encore "Grandeur et décadence" (2017) sous la direction de l’édition alternative de bande dessinée Rackham. Son œuvre a reçu plusieurs distinctions telles que le prix Adamson en 2012 de la meilleure auteure, remis par l’Académie suédoise de la bande dessinée.
Scandale ! Une exposition sur les thèmes des poils et des menstruations
C’est au sud de la capitale, dans la station de métro Slussen qu’apparaissent des images en noir et blanc représentant des oiseaux, des femmes qui se baignent dans un lac. Parmi les affiches, on entraperçoit des taches rouges - seule couleur apparente - qui visibilisent un tabou prégnant de notre société : les menstruations. Dans son ouvrage "Origine du monde", elle abordait déjà cette thématique au travers de l’histoire et de la représentation culturelle de l’organe génital féminin. L’auteure fait le choix de mettre en scène des sportives ayant leurs règles, des femmes assumant leur pilosité et leur sexualité afin de susciter le débat, de faire naître une discussion autour de tabous intériorisés.
Quoi de mieux, que de choisir la galerie souterraine, un espace de rencontre, de mobilité, de dialogue, une sphère sociale du quotidien pour mettre en lumière et dénoncer les injonctions faites aux femmes !
"The Night Garden", une exposition controversée
L’objectif est atteint, le projet artistique a provoqué des débats enflammés sur sa légitimité et son emplacement au sein du métro. L’affaire est remontée jusqu’aux oreilles du Guardian (l’auteure se félicite, dans un tweet, de l’écho de son exposition) qui lance un débat sur la place de l’art dans l’espace public et ses limites. Le quotidien britannique dévoile certains témoignages de passant.es décrivant les images comme dégoûtantes, non appropriées notamment lorsqu’il s’agit d’expliquer à un.e enfant de quatre ans ce que représente la couleur rouge. L’auteure, dans une interview pour la chaîne de télévision SVT explique son incompréhension face aux réactions virulentes des usager.es, certain.es ayant tenté de porter plainte auprès de la compagnie de transport suédoise SL.
Célébrer l’art et le corps humain sous toutes ses formes
Martina Viklund, une attachée de presse de la compagnie déclare au Guardian en réponse aux nombreuses protestations que "l’Art est une forme de tradition dans laquelle le corps humain a toujours été un sujet d’interprétation. En exposant le travail de Liv Strömquist, nous voulions célébrer le corps humain sous toutes ses formes et contrastes".
Alors célébrons les poils et les menstruations plutôt que de les dissimuler, les arracher, les maltraiter car après tout "It’s alright (I’m only Bleeding )".
Où ? Station de métro Slussen
Quand ? De septembre 2017 à août 2018
Louisa Karmoudi, 14 février 2018