A l’occasion de la semaine samie d’Umeå, mi-mars, le jojk, le chant traditionnel same, est mis à l’honneur. L’occasion pour la rédaction de vous faire découvrir la musique des Sames, ce peuple autochtone minoritaire établi au nord de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de la Russie.
Le jojk (prononcez “yoïk”), “chant” en sami, est l’expression musicale traditionnelle des Sames. Aujourd’hui en plein renouveau, c’est un art vivant intact, une musique ancestrale troublante, fortement identitaire et militante. Pour les Sames, le jojk est un moyen de dire et de se souvenir. On chante une personne, un lieu, une chose, un sentiment. C’est l’expression vibrante d’une essence, l’expression de l’âme, de l’émotion pure. C’est un chant captivant qui unit chaque chose et forme un tout. Un chant d’homme célébrant chaque instant de sa vie et sa présence au monde. C’est aussi une manière de calmer les rennes et de tromper la solitude. Le jojk est multiple : il y a le jojk des Sames du sud, “vuollie”, mêlé de cris d’animaux, celui du nord, “luohti”, le plus développé, et celui de l’est, “leu’dd”.
La technique d’un chant particulier
Au premier abord, le jojk peut paraître étrange, dissonant, en tous les cas, très hermétique. Techniquement, c’est un chant guttural venant du plus profond de la trachée, grave, mêlé à des notes plus aiguës que le chanteur réalise en mettant la langue dans différentes positions dans la bouche. Diphonique, composé uniquement de vocalises et basé sur un système pentatonique, il ressemble aux chants traditionnels amérindiens, inuits ou des peuples d’Asie centrale.
Histoire en bref, entre apparition et disparition
On ne sait pas quand exactement le jojk est apparu, mais le mot “jojk” remonte à au moins 4.000 ans. A l’origine, le jojk était étroitement lié à la religion samie. Le chamane le pratiquait en s’accompagnant d’une rythmique à l’aide d’un tambour sacré. Considéré comme païen et barbare, il fut interdit à partir du XVIIème siècle jusqu’à la fin des années 60, en même temps que la langue samie. La parole samie se faisait clandestine, l’interdiction étant assortie de la peine de mort.
Depuis 1968, date de l’enregistrement du premier disque sami par l’artiste Nils-Aslak Valkeapää, la production musicale samie s’est beaucoup développée. Le jojk est aujourd’hui accompagné par des instruments et se mélange à la musique contemporaine. À la fin des années 80, la chanteuse Mari Boine bénéficie d’une reconnaissance internationale qui lui permet de se faire entendre à travers des textes engagés et militants et des mélodies électro-acoustiques. Ce nouveau style d’interprétation des chants traditionnels samis inspirera toute une génération de nouveaux artistes, activistes à leur manière : Wimme, Transjoik, Ulla Pirttijärvi, parmi d’autres.
Le jojk actuel, tradition vivante
Depuis quelques années, le jojk sort de sa réserve. Dernièrement, Sofia Jannok a interprété le tube d’ABBA “Waterloo” en langue sami pour la sélection suédoise de l’Eurovision 2011. Jon Henrik Fjällgren a remporté la finale du jeu télévisé “Talang” (Sweden’s Got Talent) en 2014 et prit part au Melodifestivalen en 2015. Tradition bien vivante, le jojk a même son propre concours de l’Eurovision qui se tient chaque année lors du festival sami, le Easter Festival à Kautokeino, en Norvège.
Le nom de Sofia Jannok vous dit quelque chose ? Vous l’avez certainement vue ainsi qu’une autre artiste samie, Maxida Märak, dans le feuilleton Jour Polaire (Midnattssol), toutes deux plus que convaincantes dans leurs rôles respectifs, Sofia en chamane impénétrable et Maxida dans le rôle d’Evelina Geatki. Et surtout, vous avez entendu leurs chants envoûtants et si particuliers puisqu’elles apparaissent sur la bande originale de la série que l’on doit au compositeur Nathaniel Méchaly. Leur participation donne indéniablement du poids à l’aspect socioculturel de la série. Mais plus qu’un simple témoignage de leur art, leur présence célèbre avant tout le temps de la parole retrouvée.
Pour écouter Sofia Jannok, Irene
Pour écouter Maxida Märak, Nikke Sunnas jojk
Festivals
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur la culture samie et découvrir les plus grands artistes de jojk du moment, voici quelques événements et festivals à ne pas manquer:
Såhkie - Festival de la Semaine sami, Umeå, Suède, 4-12 mars 2017
Sami Easter Festival - Festival de Pâques sami 2017, Kautokeino, Norvège, la semaine précédant Pâques (dates sous réserve).
Riddu Riddu - Festival international des peuples autochtones, Gáivuona / Kåfjord, Norvège, 12-16 juillet 2017
Ijahis idja (nuit sans nuit) - festival de musique indigène, Inari, Finlande, 18 -20 août 2017
Anne Donguy, 2 mars 2017