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LE PARLEMENTARISME SUÉDOIS – Entre particularismes et recherche de consensus

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Publié le 4 janvier 2016, mis à jour le 3 août 2016

 

Tout frenchy fraîchement débarqué en Suède sera interloqué par la différence évidente qu'offre la pratique suédoise du débat politique. Il n'y a qu'à allumer son téléviseur pour constater le ton serein des débats, bien éloigné de l'ambiance à l'Assemblée Nationale. Petite analyse comparative.

Si ce n'était que pour les qualités rhétoriques des intervenants, l'exercice en deviendrait parfois presque monotone. Il faut aussi voir la sobre tenue des débats parlementaires. On en vient presque parfois à regretter les ministres hués, les députés de notre Assemblée Nationale quittant en groupe l'hémicycle ou encore les parlementaires essayant de singer Jaurès à la tribune lors de débats haletants.

Tenant bien évidemment à un trait intrinsèque à la culture locale qui mélange respect de l'autre, audace, liberté et timidité, le débat politique suédois est l'héritier d'une tradition du consensus que  70 ans de social-démocratie et de féminisme égalitariste suédois ont fortement modelé. Exemple parlant : depuis cinq ans environ, le pronom neutre « hen » (la personne) remplace de plus en plus les pronoms « han » (il) et « hon » (elle) dans presque tous les débats. Le vouvoiement, quant à lui, a été supprimé dans les années 70 au profit du tutoiement, sauf pour le Roi ? bien que le parti de Gauche rechigne à dire « Votre majesté »! Toutefois, la vie politique obéit à des règles traditionnelles bien établies, comme le prouve l'exemple du Parlement.

Le tout-puissant Talman

En Suède, le Riksdag (la Diète royale ou tout simplement le Parlement) détient une place cruciale dans la vie politique du pays. Remontant, selon certains, à 1435, date où la Suède s'extirpa par les armes de l'Union de Kalmar, le Parlement est une institution puissante. Le statut du Talman, terme que l'on pourrait traduire par « président du Parlement », en témoigne : il est, après le monarque, le deuxième personnage de la nation.

Depuis 2014, c'est Urban Ahlin, issu du parti social-démocrate, qui officie comme Talman. En 2014, lors des dernières élections législatives, les médias ont beaucoup parlé de lui, notamment au sujet des difficultés de formation du gouvernement Löfven. Ce dernier devait gérer ses demandes d'alliances en raison de la position minoritaire du parti social-démocrate au parlement. Dans le pire des cas, Urban Ahlin aurait librement choisi la personne qu'il estimait lui-même être la plus à même de réunir une coalition de partis, à devenir premier ministre et à diriger la Suède ! 

Originalité de l'hémicycle

Quoi qu'il en soit, le Parlement suédois demeure l'épicentre du débat politique national et l'organe de décision suprême en Suède. Le vote à la proportionnelle y est pour beaucoup. Sans doute l'esprit civique, une moralité constructive, fortement développée en Suède, aide-t-il à assoir cette préséance. Dans les faits, hommes et femmes politiques tentent la recherche de consensus. Les accords de décembre2014 l'illustrent : battue aux législatives, la droite a donné son blanc-seing de principe au vote de tout budget social-démocrate, et ce pour contrer l'influence de l'extrême droite.

Pour l'anecdote, tout commence avec la place des députés dans l'hémicycle. Les 349 députés suédois siègent en fonction de leur origine géographique et non selon leur groupe et leur couleur politique comme le veut la tradition révolutionnaire française : les ledamöter, autrement dit les députés, sont assis les uns à côté des autres s'ils ont été élus dans le même län, tels les deux députés de Gotland, Hanna Westerén (parti social-démocrate) et Jesper Skalberg Karlsson (parti Moderaterna, de  la droite modérée), qui siègent l'un à côté de l'autre.

Un modèle exemplaire ?

Rêvons un peu : alors que le système du vote majoritaire et la répartition physique des députés en groupes opposés et éloignés physiquement les uns des autres tend peut être à faciliter une culture du conflit entre deux groupes politiques en France, partis majoritaires et minoritaires sont éparpillés dans l'hémicycle en Suède, ce qui faciliterait peut être ici le débat et la recherche du consensus.  

Faut-il aussi souligner que la place accordée aux partis d'opposition est plus forte en Suède qu'en France ? Prenons par exemple les budgets fantômes que chaque parti élabore chaque automne et expose au nom du sacro-saint débat démocratique. Prenons leur représentation qui est assurée à la tête des commissions, qui se doivent d'être composées systématiquement d'un-e président ou vice-président-e issu-e d'un parti de l'opposition. Voilà quelques originalités suédoises à méditer.

 

Un peu de vocabulaire ?

Riksdag : la « Diète royale », le parlement

Ledamot : le/la député-e

Kammaren : la chambre parlementaire

Talman : de fait, il s'agit du Président de la chambre parlementaire.

 

Mathilde LELIÈVRE et Yann LONG lepetitjournal.com/stockholm Lundi 5 octobre 2015

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