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Shinji, maître ès sushis à Singapour

Shinji, Sushi, SingapourShinji, Sushi, Singapour
@ Shinji
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 11 juillet 2019, mis à jour le 11 juillet 2019

Parce qu'il y a sushi… et sushi. Gare à la simplification erronée : riz vinaigré, poisson cru (souvent), parfois une pellicule d’algue… Pas de quoi en faire des gorges chaudes, pourrait penser le non initié.

 

Noble et convoité est l’art du sushi au Japon, né à Tokyo, port de pêche naturel, juste après guerre, dans les années 1950. Comme en Chine, le riz fermenté permet de conserver le poisson. Depuis, il appartient au quotidien des japonais.

 

L’ingrédient est roi, empereur même. Il fait l’objet d’une vénération absolue. Son origine, ses modes de production et de récolte ou pêche, de production, de préparation, découpe et présentation sont précisément étudiés. Sa traçabilité est non négociable. Le sushi est un totem gastronomique autant qu’une œuvre d’art à l’esthétique recherchée, aboutissement d’une chorégraphie manuelle splendide qui fait partie du raffinement.

 

Pour Shinji Kanesaka, tout est dans la simplification épurée, tout repose sur la trinité (ingrédients nobles, riz vinaigré et wasabi), l’esthétique, la technique de pêche ancestrale, Ikejime, « tuer vivant », pointue et fondamentale.

 

Zoom sur l’Ikejime, technique de pêche de plus en plus prisée en Europe car elle sublime les qualités organoleptiques du poisson. On tue le poisson vivant à sa sortie de l’eau en provoquant sa mort cérébrale. Une tige métallique spéciale, le « tegaki » est plantée d’un coup sec entre les yeux, puis enfilée dans son corps le long de sa colonne vertébrale, dans sa moelle épinière. Il ne sent plus rien mais son cœur continue de battre. Par une petite incision au niveau de la queue, il sera vidé de son sang immédiatement sans souffrir puis plongé dans un bac d’eau glacée pour le laver. Il n’a pas eu le temps de relâcher toxines et hormones de stress.

En apparence violente, cette technique est pourtant la moins cruelle pour le poisson qui n’a pas eu le temps de souffrir, contrairement aux techniques industrielles occidentales où les poissons agonisent pendant des heures. Elle demeure sophistiquée et coûteuse mais c’est le prix de l’excellence et la seule permettant de faire maturer la chair, lui donnant une texture, une finesse  et ce goût « Umami » uniques.

 

La découpe est primordiale. Les sushis shokinen ou artisans sushis, reçoivent des distinctions accordées par les pêcheurs pour leurs talents de traitement du poisson : certains pêcheurs n’acceptent de vendre qu’à un nombre limité de restaurateurs. Il faut avoir fait ses preuves. Les sushis shokinen couvent leurs couteaux, les affûtent et les entretiennent comme les joyaux de la Couronne, religieusement, ne s’en séparent jamais, ne les prêtent jamais. Le geste est vif, court et précis. Un magnifique spectacle qui fait partie de l’expérience intégrale.

 

Shinji, Sushi, Singapour

 

Chaque maître sushis choisit son riz, le fait mariner, cuire et reposer selon un rituel et des règles extrêmement précises. Il prépare son vinaigre de riz, ses différents types de sauces soja. Cela peut exiger plusieurs semaines.

Le wasabi doit être frais : il affine ses racines afin d’en gratter la substance estimée parfaite juste au moment de la préparation du sushi, jamais en avance.

Il dispose de plusieurs types d’algues qu’il prépare de moult façons.

 

C’est déjà tout un art d’obtenir et de savoir préparer les ingrédients. C’est toute une éducation de savoir les déguster. Attention aux faux pas :

  • Ne pas « dépiauter » ;
  • Ne pas tremper le sushi dans le soja ou seulement très délicatement côté poisson ;
  • Ne pas mettre de gingembre sur le sushi ; il sert à se nettoyer le palais entre chaque sushi ;
  • Ne pas ajouter de wasabi ; le chef a déjà mis exactement ce qu’il faut ;
  • Ne pas planter les baguettes dans le riz ;
  • Utiliser ses doigts plutôt que les baguettes ;
  • Manger le sushi entier, d’un coup ;
  • La mini serviette humidifiée sert à se ré-humidifier les doigts entre chaque prise.                            

 

Shinji Tanazaka règne sur la scène gastronomique de Tokyo (3* à Ginza) depuis 2000. Sa première et seule incursion hors Japon est ici, à Singapour où il a obtenu immédiatement une étoile Michelin dans ses deux restaurants (Carlton – en remplacement du Raffles pendant sa rénovation – depuis 2010 et St Regis depuis 2014), avec la discrétion mystérieuse que cultivent les Japonais.

 

Au Carlton, pas une unique grande salle, mais une multitude de petits salons de 12 à 24 places (majoritairement comptoirs et quelques tables). Simplicité épurée du décor, matériaux nobles comme ce tronc de cyprès japonais (hinoki, bois vénéré en architecture japonaise) de 220 ans et touches de couleur pourpre donnent une ambiance douce un peu surannée. Pas ou peu de lumière naturelle comme dans les traditionnels bars à sushis au Japon.

 

Omakase menus pour une expérience complète, $250 et $300 au déjeuner, $300, $450 et $500 au dîner (incluant thé, sashimis, dashi ou bouillon au tofu, fruits, en plus de la kyrielle de sushis servis les uns après les autres, chauds ou froids). Menus déjeuner express à $75 (9 sushis), $125 (12 sushis) et $180 (15 sushis) incluant thé, dashi et fruits. Réservation obligatoire au déjeuner : la table a du succès.

 

De nombreux japonais parmi les fidèles clients : gage d’authenticité et d’excellence. Service rapide (quasi… robotique !) et présentation irréprochable.

 

Shinji – Carlton Hotel. 76, Bras Basah Road. MRT : City Hall ou Bras Basah – T : 6338 6131

Shinji – St Regis Hotel. 29, Tanglin Road. MRT : Orchard – T : 6884 8239

 

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