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La Maison, le film sulfureux d’Anissa Bonnefont sur les écrans à Singapour

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Écrit par Catherine Zaccaria
Publié le 11 janvier 2023, mis à jour le 20 janvier 2024

Aujourd’hui 12 janvier, à Shaw Theatres, le film "La Maison", interdit aux moins de 21 ans, sort sur les écrans singapouriens. Ana Girardot incarne Emme Becker sous la houlette d’Anissa Bonnefont, réalisatrice.

Tiré du roman éponyme d’Emma Becker, ce film raconte l’histoire d’Emma, qui, en recherche d’inspiration pour son nouveau roman, décide de se faire engager comme prostituée dans une maison close à Berlin.

De passage à Singapour pour la présentation du film à l’occasion du French Film Festival 2022, Lepetitjournal.com a pu rencontrer Anissa Bonnefont et Ana Girardot.

Une belle rencontre entre une actrice et une réalisatrice

Ana Girardot, actrice française, fille d'Hippolyte Girardot et d'Isabel Otero vient d’une famille d’artistes. Elle a choisi de devenir actrice malgré la désapprobation de son père. Après avoir joué des rôles secondaires à la télévision et au cinéma, elle décroche un rôle principal dans le film Lights out qui a figuré au Festival de Cannes 2010. En 2014, elle est nominée pour le prix Acting Revelation Lumière pour son travail dans High Society et Next Time I’ll Aim for the Heart. Son dernier passage à Singapour remonte à 2017 lorsqu'elle accompagnait le réalisateur Cédric Klapisch pour la promotion du film Retour en Bourgogne qui était le film d'ouverture du Festival du Film Français.

Anissa Bonnefont fait des études d'art dramatique à New York au Lee Strasberg Institute et décide de passer derrière la caméra. Elle réalise trois courts métrages, couronnés de succès. Elle travaille notamment avec les réalisateurs italiens, Paolo Sorrentino et Andrea Di Stefano. Son dernier documentaire "Nadia", est un portrait poignant de la footballeuse du PSG d'origine afghane Nadia Nadim, qui a dû fuir son pays à l'âge de huit ans après que son père a été tué par les talibans.

Avec "La Maison", adaptation du roman d'Emma Becker, publié aux éditions Flammarion, Anissa réalise son premier long métrage, avec Ana Giradot, Rossy de Palma et Aure Atika.

 

affiche film

 

Lepetitjournal.com : Anissa, vous présentez pour ce festival deux films que vous avez réalisés, un documentaire et un film. Pourquoi avoir voulu mettre en scène le roman d’Emma Becker ?

Anissa Bonnefont : L’idée du message du film c’est une ode à la liberté du choix de la femme. C’est pour permettre aux gens de lâcher les jugements. On doit arrêter de penser pour l’autre. Chacun peut vivre sa vie, ses fantasmes, ses désirs de la manière dont il l’entend sans être jugé par les autres.

Comment vous est venue l’idée de faire ce film ?

Anissa : C’est mon producteur Clément Miserez qui m’a parlé du livre d’Emma Becker, La Maison, que j’ai dévoré et j’ai été fascinée par son audace, sa liberté, la capacite qu’elle a eu, elle, de vivre son fantasme et de l’assumer pleinement et d’en écrire un livre. Au départ Emma est partie dans ce bordel dans le but d’écrire un livre. Mais n’était-ce pas un prétexte pour s’autoriser à vivre ce fantasme qu’elle avait depuis longtemps ? Elle nous dit très sincèrement que la littérature du Marquis de Sade ou Nana de Zola dans son adolescence lui ont ouvert le monde des maisons closes et elle était fascinée par ce milieu.

Avez-vous rencontré Emma Becker ?

Anissa : Oui bien sûr ! Déjà pour lui acheter les droits de son livre puis je suis allée la voir à Berlin, j’ai visité un bordel dans lequel elle a travaillé puis chez elle où elle m’a montré plein d’objets qui appartenaient à La Maison, la maison close. On a beaucoup discuté autour du scenario, de sa vie, j’ai pu lui poser plein de questions puis nous avons pris de la distance car Emma a eu du mal à accepter ma libre adaptation de son livre, que je m’éloigne de son regard et que je m’approprie son histoire.

Pour que le public puisse s’attacher à la démarche d’Emma, j’ai ajouté le rôle de la petite sœur et celui de l’amoureux qui ne sont pas dans le livre.

Ana Girardot : Je ne l’ai pas rencontrée, entre autres pour les raisons mentionnées par Anissa. Je me suis donc affranchie du personnage d’Emma dans le livre pour me construire le personnage qu’Anissa avait créé dans son scenario. Je me suis distancée d’Emma du livre ce qui m’a permis d’incarner le rôle d’Emma du film.

Comment prépare-t-on un tournage sur le milieu de la prostitution ?

Anissa : J’ai réfléchi déjà au niveau du scenario à ce que toutes les scènes de sexe soient des scènes narratives et pas juste des scènes de sexe. Elles doivent faire avancer l’histoire du personnage et ses états d’âme. J’ai eu du mal au départ, j’ai écrit 11 scenarii car j’avais du mal avec toutes ces scènes qui se suivaient sans rien apporter à l’histoire. Quand elles sont devenues narratives alors tout était plus facile car elles avaient un sens, comme toutes les autres scènes.

Ana : J’avais déjà tourne des scènes d’amour parce que on a souvent tendance à mettre l’actrice nue dans un film mais pas autant travaillée et réfléchie dans une démarche narrative.

 

 

Comment filme-t-on des scènes de sexe, n’est-ce pas un peu gênant ?

Ana : Comparées à des scènes d’amour, les scènes de sexe on ne les joue pas de la même manière. Il n’y avait pas seulement ma nudité mais aussi celle de mes partenaires et je me suis retrouvée avec des partenaires encore plus inquiets que moi, qui ne venaient que pour une journée ou même une demi-journée et du coup je me suis retrouvée à les rassurer. J’étais dans la position de celle qui connait les usages et qui accompagnait et rassurait l’autre. Même moi j’en oubliais ma propre nudité. Anissa nous a également beaucoup aidés car elle a orchestré parfaitement toutes ces scènes. Elle nous expliquait ce que la caméra allait faire, comment elle se déplacerait ce qui nous permettait de ne pas être dans la gêne mais dans une situation pleinement assumée.

Physiquement c’était parfois extrêmement éprouvant mais je n’en sortais jamais meurtrie. Ma personne n’a jamais été abimée lors du tournage de ces scènes.

Que connaissiez-vous des maisons closes avant ce film ?

Ana : Ce que j’en avais vu dans les films ou lu dans les livres. Je voyais ça plus dans un contexte avec des femmes coincées dans un système de proxénétisme, exploitées et subissant la situation. En travaillant sur ce film avec Anissa et en me renseignant dans les maisons closes en Europe, je me suis aperçue qu’il y a des travailleuses du sexe indépendantes et dont c’est le choix de pratiquer ce métier.

Anissa : Avant de travailler sur ce film, je ne savais pas grand-chose de la prostitution. Je savais qu’en France c’était un sujet très clivant, que c’était compliqué, qu’on n’arrivait pas à trouver la loi idéale et qu’il y avait beaucoup d’hypocrisie autour de la prostitution. En travaillant sur ce livre, avec Ana nous avons rencontré des travailleuses du sexe qui ont fait le choix de la prostitution. Evidemment que pour la majorité c’est un cauchemar et qu’il y a des situations monstrueuses mais en travaillant sur l’histoire d’Emma, nous sommes allées à la rencontre de femmes qui vivaient la même situation qu’elle, c’est-à-dire un choix délibéré de se prostituer et de le faire dans un milieu sécurisé et sécurisant.

En parlant avec ces femmes, j’ai trouvé très intéressant de me faire la réflexion sur cette idée de jugement et du fait qu’on pensait pour les autres.

Ces femmes banalisent leur métier et nous posent la question de savoir si tout le monde aime son travail ? Si tout le monde se réveille heureux le matin d’aller travailler ?

Comment est-il accueilli par le public et les femmes en particulier ?

Anissa : Les femmes plus matures, de 80 ans et plus, sont plus ouverte à ce genre de film. Il y a une forme de liberté autour de la sexualité contrairement aux femmes plus jeunes qui se posent la question de savoir si c’est politiquement correct de parler de la prostitution. Celles de 40-50 ans et plus sont plus réticentes. Elles se posent plus la question de savoir comment elles ont été impactées par la sexualité, la féminité, le féminisme, notre position en tant que femme dans la société. Les jeunes de 20 ans et plus sont très enthousiastes envers ce film.

Il y a aussi une partie du public qui n’a pas compris notre message et qui trouve que c’est une apologie de la prostitution alors que c’est le message contraire que nous voulons faire passer. C’est le récit d’une femme et pas une généralité.

Nous avons fait une projection pour les travailleuses du sexe qui nous ont remerciées de le montrer autrement, sous un angle non stigmatisé.

Les hommes se posent beaucoup de question quant à leur positionnement face au film. Sont-ils autorisés à penser librement ou doivent-ils s’auto-censurer ?

Quelles sont vos projets ?

Ana : J’ai un beau projet d’un film d’action avec un beau personnage. Anissa a ouvert pour moi une porte pour des rôles nouveaux, plus forts, plus affirmés. Et puis j’ai le film d’Isabelle Brocard sur Madame de Sévigné qui va sortir cette année avec Karine Viard.

Anissa : Je travaille sur l’adaptation d’une BD qui s’appelle « Une nuit à Rome », je suis sur la fin de l’écriture et nous devrions le tourner cet été avec Ana Girardot. Je développe également une petite série rigolote courte pour Canal Plus. Il y a plein de choses qui se passent et qui sont joyeuses.

Quelques mots sur le film documentaire Nadia ?

Anissa : Je reviens justement de New York où le film était nommé aux International Emmy Awards. Je suis très touchée à l’idée que ce film voyage à travers le monde. J’ai eu envie de faire ce film pour montrer l’exil et les exilés d’une manière différente, avec un regard beaucoup plus humaniste et surtout voir ces gens qui ne s’exilent pas pour avoir une meilleure vie mais pour survivre. Pour beaucoup, dans leur pays ils avaient un bon métier, gagnaient très correctement leur vie et en arrivant en occident ils sont dans la rue alors qu’ils ont beaucoup à apporter à notre société. Le monde de demain est un monde d’exil, que ce soit politique, que ce soit climatique et en fait il faut apprendre à vivre dans ce nouveau monde et à accueillir ces gens de manière humaine et de comprendre qu’ils peuvent être des atouts pour notre société.

 

trois femmes

 

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