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Etienne Ferrère, une passion pour l’« anti-gravité »

Etienne Ferrere danseur Etienne Ferrere danseur
Blue Snow by Toru Shimazaki - Photo by Bernie Ng
Écrit par Sabrina Zuber
Publié le 1 novembre 2021, mis à jour le 2 novembre 2021

A Singapour le mois d’octobre est traditionnellement dédié à la danse. Lepetitjournal.com a donc souhaité rencontrer Etienne Ferrère, danseur principal auprès de la compagnie nationale de danse, le Singapore Dance Theatre.

 

Après avoir commencé ses études de danse classique à Oyonnax, dans la région lyonnaise, Etienne complète sa formation avec le diplôme de l’École de Danse de l'Opéra de Paris. En 2010 il est sélectionné pour entrer dans la compagnie nationale de danse de Singapour où il est nommé danseur principal en 2017.

            

Lepetitjournal.com : Vous avez une carrière très intense et aussi très rapide ! Comment est née la décision de venir danser à Singapour ?

Etienne Ferrère : J’avais 5-6 ans quand j‘ai voulu essayer le ballet car ma grande sœur en faisait. J’étais un garçon qui ne tenait pas assis, ma mère était enseignante de gymnastique et je pense que la passion pour le mouvement était ancrée dans notre ADN familial.

A l’âge de 12 ans, sur conseil de mes enseignants de danse, j’ai passé l’audition pour rentrer à l’Ecole de danse de l'Opéra de Paris ; à l’époque je ne me rendais pas trop compte de ce que ça voulait dire, pour moi il s’agissait juste de suivre tout simplement le flow ! J’ai débarqué à Paris en étant un jeune garçon de province qui ne connaissait rien au monde de la danse classique. Les 6 années à l'Opéra ont été vraiment intenses, la pression était forte et les attentes aussi, mais je ne peux pas dire que c’était une vie de sacrifices, car finalement la danse a toujours été ma vie, je n’ai jamais vécu autrement.

La période de formation est une sorte de cocon : on vit tous ensemble, on parle, on pense et on respire la danse, on est suivi par des équipes artistiques et médicales. J’estime avoir été vraiment chanceux de recevoir tout ça, alors que plein d’autres jeunes danseurs doivent peiner pour trouver un studio d'entraînement, sont obligés de se déplacer, de passer des auditions à gogo pour obtenir des bourses d’études.

Si on y pense, à l'âge de 30 ans, un danseur a déjà dansé en moyenne 18 ans, ce n’est pas donné à tout le monde de rester dans le même métier aussi longtemps. C’est pour cela que vers cet âge-là certain professionnels vont s’orienter vers d’autres directions. Dans mon cas, j’ai trouvé dans le cirque une dimension complémentaire à la danse.

Je fais du cirque parce que j’aime la scène et j’aime l’ « anti-gravité » :  les grands sauts, la sensation de voler, le tissu aérien, le monde fantastique de l’imaginaire.

Je ne pourrais pas faire que de la danse si je n’avais pas aussi l’opportunité de donner des cours, de travailler ponctuellement pour le cirque (avec la compagnie Bornfire https://www.bornfire.sg/) et de m’occuper d’autres choses.

En effet je retrouve des affinités entre la danse et le cirque et chaque discipline me permet de développer mon langage personnel qui se nourrit des deux codes.

 

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The Four Temperaments by George Balanchine. Photo by Bernie Ng

 

Reprenons l’histoire…

Une fois terminées les études à L'Ecole de Danse de l'Opéra, j’ai passé leur concours arrivant troisième, un placement qui ne m’a pas permis d’obtenir un contrat, car les places disponibles cette année étaient vraiment très, très limitées. J’ai gardé espoir et j’ai attendu longuement qu’un contrat soit disponible, mais la chance n’était pas de mon côté. A l’époque je n’avais pas beaucoup de moyens, petit à petit j’ai commencé à douter et à envisager de quitter la danse.

Puis, la chance a tourné :  j’ai fait un premier voyage à Singapour lorsque la tante de mon meilleur ami m’a proposé de l’aider dans l’organisation d’un spectacle pour le Yellow Ribbon Project (projet qui s’occupe de la réhabilitation des prisonniers) en aout 2010. Puis une deuxième occasion s’est présentée peu de temps plus tard, quand une connaissance parisienne me propose de repartir à Singapour pour enseigner auprès de l’école de danse d’une de ses amies. Une fois sur place, j'ai contacté Janek Schergen, directeur artistique du SDT. La rencontre avec lui a été le grand coup de chance car il m’a proposé mon premier contrat en qualité de danseur à temps complet (et sans passer par la case « apprenti »).

 

Avec le SDT vous dansez du ballet classique, du romantique mais aussi du contemporain. Avez-vous une préférence ?

Je danse un peu de tout : le grand classique, le néo-classique mais aussi du contemporain. J’aime être flexible et danser des styles différents, avec chacun leurs demandes particulières, leurs difficultés et ce qu’ils m'apprennent et m’apportent. J’adore travailler avec des chorégraphes qui ont la capacité de permettre aux danseurs d’explorer, tout en intégrant leur idée de départ. J’aime quand le chorégraphe donne un cadre créatif clair, j’aime moins l’improvisation pure, car pour moi cela ne permet plus de distinguer qui crée quoi.

 

Comme toutes les compagnies artistiques dans le monde entier, le SDT a souffert énormément pendant la pandémie de la Covid19. Malgré les restrictions assez sévères et les difficultés qui en découlent, la compagnie nationale relance une belle saison 2021 sous le titre de “Dance from within”, une invitation à renouer avec la danse en “live” mais aussi, peut-être, un recentrage sur soi-même et sur son esprit profond ?

Je pense que dans cette programmation il y a les deux intentions. Après l’expérience de la Covid19, je danse chaque spectacle comme s’il était le tout dernier.

Dans « Dance from within » il y a aussi la notion d’un pays qui est fermé au reste du monde. Pendant cette période, notre compagnie a exploré les talents au sein de l’équipe ; il y a quelques mois nous avons présenté « Made in Singapore », une soirée avec au programme que des pièces chorégraphiées par nos mêmes danseurs. C’était une première absolue pour le SDT.

 

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Piano Concerto No 2, Opus 102. Photo by Bernie Ng

 

Comment avez-vous vécu ces derniers 18 mois de confinement-réouverture-reconfinement-réouverture… ?

Le fait de me retrouver chez moi m’a appris à apprécier le calme de mon appartement, à consacrer plus de temps et d’attention à la vie de couple, à mieux respecter l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, à regarder les choses sous une perspective nouvelle. Le circuit breaker a été finalement une occasion pour se penser différemment.

 

Avez-vous un rêve dans votre tiroir secret ?

Pas vraiment. Chaque étape de ma carrière a été en quelque sorte une surprise et une découverte, avec toujours quelque chose à apprendre. Alors je prends les choses comme elles viennent. J’essaye de créer des opportunités sur les choses qui m'intéressent et je fais de mon mieux pour saisir les opportunités qui se présentent à moi.

Je me sens dans mon élément. En même temps, si dans le futur la vie m’offrira d’autres possibilités je n’hésiterai pas à m’y essayer.

 

Si vous n’étiez pas danseur, vous seriez… ?

J’adore les avions, je déteste les profondeurs, les grottes, les eaux profondes. Je suis une créature de l’air. Peut-être que j’aimerais être un pilote ou un steward, car j’aime beaucoup le contact humain et une sorte de dimension théâtrale à bord d’un avion, un rituel répété mille fois devant une audience, un monde suspendu pendant le temps d’un voyage.

 

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The Nutcracker. Photo by Bernie Ng

 

Le SDT répète actuellement pour le spectacle PASSAGES, qui aura lieu du 5 au 7 novembre au SOTA Studio Theatre. Etienne sera sur scène aussi dans le cadre du festival Flipside à Esplanade avec la compagnie de cirque Bornfire dans le spectacle « Re:union » le 12, 13 et 14 novembre à l’Esplanade Outdoor Theatre .

 

Les tickets pour PASSAGES sont en vente sur sistic

 

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