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ENVIRONNEMENT - Singapour s’engage pour la biodiversité

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 21 février 2016, mis à jour le 24 février 2016

 De la ville jardin, imaginée par Lee Kuan Yew en 1967, à "la ville dans un jardin" à partir des années 2000, Singapour a toujours soigné la relation entre la ville et ses espaces verts. Un des objectifs actuels est d'enrichir la biodiversité au sein de l'environnement urbain. L'un des acteurs privilégié de cette ambition est   Abdul Rahim Bin Abdul Hamid, chercheur associé au Département d'Architecture de la NUS School of Design and Environment qui, en collaboration avec National Parks et l'Urban Redevelopment Authority, développe un projet de connexion des espaces pour la préservation de la biodiversité.

« Les villes jouent un rôle d'autant plus important dans la préservation de la biodiversité que 50% de la population mondiale vit aujourd'hui en ville. La biodiversité urbaine est potentiellement le seul contact avec la nature que peuvent avoir les habitants. »

Le 11 Mai 1967, deux ans après l'indépendance de Singapour, l'ancien Premier Ministre Lee Kuan Yew présentait son ambition de faire de l'île une Ville-Jardin. Cette vision ne visait pas seulement à faire de Singapour une ville « Propre et Verte » (Clean and Green), elle reflétait aussi la volonté de montrer au monde que Singapour était une ville agréable à vivre, attirante pour les touristes et les investisseurs étrangers, grâce à son gouvernement efficace.

La politique écologique de Singapour commença par une vaste campagne de plantations d'arbres qui fut un réel succès: plus de 55 000 arbres plantés fin 1970. Depuis les années 2000, le slogan a changé, passant d'une ?Ville-Jardin? (a Garden City) à ?une Ville dans un Jardin? (a City in a Garden). Il ne s'agit plus d'avoir des espaces verts dans la ville mais que la ville soit elle-même intégrée dans un grand jardin.

Vous travaillez sur la connexion des espaces, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Abdul Rahim Bin Abdul Hamid - La

 

connexion peut s'aborder de différentes manières. On peut essayer de rendre les espaces plus connectés entre eux socialement. Par exemple, c'est ce qui est fait à Singapour avec les park connectors. L'idée est de connecter les parcs entre eux par des sentiers pédestres et des pistes cyclables.

Mon sujet de recherche est cependant différent. Je m'intéresse à la connexion des espaces pour préserver la biodiversité à Singapour. Il s'agit d'une problématique importante car le développement urbain, la construction de routes, fragmentent les espaces naturels et compartimentent les espèces qui y vivent. Cela peut amener à la disparition de certaines espèces sur le long-terme. Or notre survie dépend de la biodiversité: nous avons besoin de plantes pour renouveler l'air que nous respirons, nous avons besoin des insectes pour polliniser les fleurs et les transformer en fruits. Chaque espèce a son importance dans notre écosystème. Les villes jouent un rôle d'autant plus important dans la préservation de la biodiversité que 50% de la population mondiale vit aujourd'hui en ville. La biodiversité urbaine est potentiellement le seul contact avec la nature que peuvent avoir les habitants.

Quel est votre projet pour améliorer la connexion des espaces ?

- Mon projet est le prolongement de mon PhD (ndlr: doctorat). Celui-ci portait sur l'intégration de méthodologies pour cartographier les réseaux écologiques en zone urbaine. En s'appuyant sur des images satellites, on peut facilement et rapidement repérer la répartition de la végétation et les points d'eau qui permettent ensuite d'établir un cadre théorique de la répartition des espèces. Ensuite, l'évaluation de la végétation et la vérification des données sont faites sur le terrain.

Désormais ce projet est devenu un projet à temps plein en collaboration avec National Parks et l'Urban Redevelopment Authority (URA). L'objectif est de terminer la cartographie en 2017 qui servira ensuite de base pour de futures recommandations en termes d'aménagement du paysage, de développement urbain, d'urbanisme et de design. Par exemple, cibler certaines zones à protéger pour maintenir le réseau écologique ou développer des zones conformément aux recommandations pour la protection de la biodiversité. Certaines stratégies peuvent inclure la création d'habitats le long de corridors de dispersion* détectés au préalable ce qui peut inclure la couverture de bâtiments par de la végétation.

Vertical greenery


Qu'y-a-t-il de nouveau dans ce projet ?

La connexion des espaces est une préoccupation qui va encore plus loin que la simple conservation des espaces naturels. A Singapour, il y a des espaces naturels protégés mais ceux-ci ne sont pas forcément connectés entre eux. La construction d'un réseau écologique reliant les différents espaces naturels n'est pas une idée nouvelle. Elle est déjà développée aux Pays-Bas et elle est susceptible de s'étendre à d'autres pays européens. Mais ce projet ne concerne que les pays au climat tempéré. Singapour doit développer son propre réseau écologique conformément à son climat, son écosystème tropical, sa biodiversité naturelle et la densité élevée de sa population, ce qui rend ce projet unique.

Quelles mesures concrètes peuvent permettre de reconnecter les espaces ?

- Il faut prendre en compte les espèces individuellement et regarder les barrières qui se présentent à leur mobilité. Par exemple, les forêts peuvent être facilement connectées pour les oiseaux mais pas forcément pour les grenouilles qui dépendent de points d'eau. La reconnexion des espaces peut se faire par la création de passerelles comme en Europe où on construit des ponts au-dessus des autoroutes pour les animaux. A Singapour, on essaie plutôt de développer des corridors qui ne sont pas forcément visibles mais qui seront empruntés par les animaux. Ces corridors doivent prendre en compte leur capacité à se déplacer. Certains animaux ne peuvent pas se déplacer très loin. Il faut alors procéder par échelon: créer des micro-habitats rassemblant les conditions nécessaires pour chaque espèce, placés à intervalles réguliers, que les animaux peuvent utiliser comme tremplin (stepping stones) pour se déplacer. La mobilité des espèces leur permet de maintenir leur population et d'éviter l'extinction.

Il s'agit d'un sujet très intéressant mais comment sensibiliser les citoyens à la biodiversité et les intégrer à cette stratégie ?

En tant que chercheur, je ne peux forcer personne à préserver la biodiversité. Je ne peux que faire des études et en donner les résultats. Je peux donner des conseils sur ce qui me semble important de faire mais ce ne sont que les hommes politiques et les citoyens qui peuvent décider du nombre d'espèces qu'ils veulent préserver. Néanmoins je crois que la communication et l'éducation sont les meilleurs moyens pour obtenir le soutien de la population. Par exemple, j'ai récemment été invité en tant que conseiller pour une discussion initiée par NParks sur le future de la biodiversité à Gardens by the Bay dans le cadre de l'exposition The Future of Us. Il s'agit d'une exposition explorant diverses possibilités de futur pour Singapour, libre d'accès au public. Les articles comme celui-ci sont aussi des bons moyens de communication !

Agathe Chapalain (www.lepetitjournal.com/singapour) lundi 22 février 2016

*Corridor biologique : désigne un ou des milieux reliant fonctionnellement entre eux différents habitats vitaux pour une espèce. (Wikipédia).

Photos:  http://www.skyrisegreenery.com/

logofbsingapour
Publié le 21 février 2016, mis à jour le 24 février 2016

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