Jeune soliste virtuose, récitaliste aguerri, spécialiste de la musique de chambre ; Congyu Wang a plusieurs cordes à son piano. Il a commencé à pratiquer son instrument dès l'âge de trois ans, fait ses études à l'Ecole Normale de Musique de Paris et à la Schola Cantorum avant de se distinguer dans de nombreuses compétitions internationales, raflant les grands prix de Berlin, Paris et Bordeaux pour ne citer qu'eux. En 2013, il lui est conféré le titre de Young Steinway Artist par son mentor, Adam Gyorgy. Adepte de Francis Poulenc, un compositeur français du 20e siècle, il reprend certains de ses travaux pour son dernier album, « Charme ».
Au mini-concert de présentation dans l'un des grands centres commerciaux d'Orchard, le jeune artiste apparaît timide et réservé au moment de dire quelques mots d'introduction,il faut tendre l'oreille pour distinguer ses paroles du bruit ambiant. Mais une fois derrière le clavier, aucun doute ne l'habite. Au fur-et-à mesure des morceaux, il peine de moins en moins à livrer de vive voix son ressenti au public et lui confie : « Si tu poursuis tes rêves, il y a de bonnes chances que tu réussisses. De bonnes choses arrivent aux gens patients, ceux qui ne renoncent jamais y arrivent à coup sûr. » A coup sûr, une réflexion inspirée de son parcours.
Jouer avec le bruit environnant d'un centre commercial ne vous perturbe pas ?
Congyu Wang - Pas du tout, je jouais souvent dans des lieux publics avant, jusqu'à mon service militaire, qui s'est fini en mai. J'ai été enrôlé dans un groupe où le registre était beaucoup plus populaire, avec des reprises de Justin Bieber ou de Marron 5 par exemple. Je jouais aussi beaucoup pour des réceptions de ministres ou de familles royales les morceaux qui passent dans ce genre de dîner, comme du Franck Sinatra.
En ayant fait ce grand écart, pensez-vous que la musique classique reste toujours réservée à une élite ?
- Pendant sept siècles, elle a été réservée à la noblesse et à la bourgeoisie. Mais ces 10 dernières années, avec l'explosion des médias sociaux, les gens peuvent aller en ligne et écouter tout ce qu'ils veulent. Le problème de la musique classique est que son audience est vieillissante. Le défi est donc de rendre accessible cette musique aux jeunes. Ils doivent être la nouvelle cible. Il faut aider les écoles de musique, emmener des étudiants aux concerts qui d'ailleurs ne coûtent pas cher. Le prix moyen d'un billet tourne entre 16 et 30 S$. Le gouvernement encourage les jeunes enfants dans cette ouverture, c'est pourquoi je projette d'ouvrir une école à Singapour dans l'avenir.
C'est ce souci d'ouverture qui a motivé la création de votre école de musique à la Réunion ?
- Oui, je vis là-bas maintenant, et je voulais aider les musiciens locaux à connaître plus d'artistes. Le but est de favoriser les échanges humains : avec les artistes, les étudiants, les amateurs de musique.
Pourquoi sortir cet album reprenant certain des travaux du pianiste Francis Poulenc ?
- Parce que je ne trouvais pas son morceau « Les chemins de l'amour » sur Internet, et surtout parce j'ai été l'élève de Gabriel Tacchino, qui a lui-même été le seul élève de Francis Poulenc. C'était un personnage paradoxal. Sa musique reflétait pour partie l'atmosphère cabaret de Paris, il était très enjoué, impertinent. Mais c'était aussi un catholique convaincu, qui a fait beaucoup de morceaux pour les croyants. Il vivait dans sa génération, tout en restant ancré dans sa foi : il était religieux dans un style cabaret.
Jonathan Blondelet (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 22 décembre 2015