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Alexandre Tanton : « À Shanghai, cuisiner avec l’esprit de la Bourgogne »

Arrivé en 2018 pour participer à l’ouverture du restaurant Lameloise à Shanghai, l’unique relais asiatique du trois-étoiles bourguignon, Alexandre Tanton a pris la relève de Yann Klein en tant que chef exécutif. Fidèle à la devise d’Éric Pras, « la tradition, c’est innover », il perpétue l’excellence d’une maison centenaire tout en l’adaptant aux produits et aux goûts locaux.

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Écrit par Didier Pujol
Publié le 12 novembre 2025, mis à jour le 14 novembre 2025

Je suis arrivé à Shanghai en 2018

 

Originaire de Haute-Savoie, Alexandre Tanton découvre la cuisine très jeune.

« J’ai passé mon CAP en apprentissage à la Maison Laval Oasis, raconte-t-il. Ensuite, j’ai travaillé à Èze, dans un deux-étoiles Michelin, puis j’ai fait des saisons à Megève. »

Curieux du monde, il part ensuite pour les États-Unis, au Cape Cod. « Je ne pensais pas forcément faire carrière à l’étranger, mais la cuisine est un formidable passeport. Où que l’on aille, on peut toujours trouver du travail quand on est cuisinier français. »

De retour en France, une opportunité le ramène dans le giron d’un grand nom : Éric Pras, chef triplement étoilé de Lameloise à Chagny, en Bourgogne. « Je ne m’attendais pas à revenir dans cette maison, mais c’est une chance incroyable. »

Quelques années plus tard, en mars 2018, il rejoint Shanghai pour participer à l’ouverture de Lameloise Chine, avant de succéder à Yann Klein comme chef exécutif, poste qu’il occupe depuis un an et demi.

Vue

 

La tradition, c’est innover 

 

Fondé à Chagny il y a plus d’un siècle, Lameloise incarne la grande tradition gastronomique française. « Éric Pras aime rappeler que la tradition, c’est innover, explique Alexandre Tanton. Nous faisons une cuisine française, avec une identité bourguignonne très marquée. Mais ici, il faut aussi s’adapter à ce que l’on trouve. »

À son arrivée, la Chine importait encore beaucoup de produits européens. « Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : on travaille de plus en plus localement. On a découvert des poissons, des légumes, des produits d’une qualité exceptionnelle. »

Il cite par exemple le yellow croaker, un poisson local qui remplace avantageusement le bar français : « Il a une chair fine et une belle texture, parfaite pour nos cuissons. »

Cette adaptation se joue aussi sur les assiettes. « Nous gardons la technique française, mais nous repensons la carte en fonction des saisons et des produits disponibles. » Et surtout, toujours sous l’œil bienveillant du chef Pras : « Il vient trois ou quatre fois par an. Chaque changement de saison se fait avec lui. On teste, on photographie, on échange. Il nous laisse une belle liberté de création, mais tout passe par sa validation. »

 

La clientèle chinoise attend l’excellence française

 

À Shanghai, le public est exigeant. « Dans l’esprit des gens, la cuisine française, c’est le luxe, le raffinement, l’excellence. Les clients viennent bien habillés, ils s’attendent à vivre une expérience. »

Cette image impose un niveau de qualité irréprochable, sans pour autant négliger la simplicité. « Notre défi, c’est de sublimer aussi des produits plus modestes. Prenez le saumon : ici, il vient du Sichuan, élevé dans des eaux pures de montagne. C’est un produit d’exception, même s’il paraît banal aux yeux des clients. Le rôle du chef, c’est de le rendre extraordinaire. »

La clientèle évolue toutefois avec le temps. « La haute gastronomie décline un peu partout : les gens font plus attention à leurs dépenses, ils recherchent des bistrots bien faits, des expériences conviviales. Mais nous avons toujours une clientèle fidèle, passionnée, qui vient vivre un moment unique. »

Plat

 

Créer, c’est prolonger ce qu’on a appris

 

Après sept ans passés auprès de Yann Klein et sous la direction d’Éric Pras, Alexandre Tanton revendique une cuisine de continuité et d’élégance.

« Quand on a appris auprès de grands chefs, on a leurs gestes, leurs techniques. La créativité vient naturellement, dans le respect de ce que l’on a reçu. On innove dans la présentation, dans les accords, mais l’esprit reste le même. »

Parmi les plats du moment, il cite la langoustine croustillante au caramel, aux épices et au rhum, un classique de Lameloise Chagny devenu signature du restaurant de Shanghai.

« C’est un plat que les clients réclament. Il a traversé les années et les continents. » Autre création récente : un pigeon cuit au feu de bois, accompagné d’un ravioli fumé et d’une purée de pommes de terre, élaboré entièrement avec des produits chinois. « C’est une belle illustration de notre philosophie : une cuisine française, mais nourrie du terroir local. »

 

Shanghai est une ville d’opportunités

 

Installé depuis plus de sept ans, Alexandre Tanton ne cache pas son attachement à sa ville d’adoption.

« Shanghai, c’est la Chine, mais c’est aussi une ville internationale, dynamique, incroyablement pratique. Tout est possible ici. »

Il aime s’y promener les jours de repos, notamment dans l’ancienne concession française : « C’est calme, on se sent presque chez soi. Et depuis la Shanghai Tower, où se trouve le restaurant, on profite de couchers de soleil spectaculaires. »

 

Aux jeunes, je dirais : soyez curieux, osez partir

 

À ceux qui débutent dans la restauration, il adresse un message d’encouragement :

« Voyager n’est pas fait pour tout le monde, mais il faut avoir l’esprit ouvert. C’est en découvrant d’autres cultures, d’autres cuisines, qu’on progresse vraiment. »

Le métier reste exigeant, reconnaît-il, mais passionnant. « Il faut de la curiosité, de la persévérance. Aujourd’hui, il y a moins de jeunes qui se lancent, mais les opportunités ne manquent pas. En France comme à l’étranger, on cherche toujours des professionnels motivés. »

 

Lameloise Shanghai : 

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